5 mai 2024
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Jean Snella, un coach devenu mythique !

Le 19 juillet 1950, Jean Snella prend officiellement, ses fonctions d’entraîneurs de l’ASSE. Alors qu’il débute sa carrière d’entraîneur à l’AS Saint-Etienne, Portrait d’un homme qui a marqué durablement l’histoire du club mais aussi du foot français.

Jean Snella, un mythe dans le Forez !

DES DEBUTS PROMETTEURS

Jean Snella est né le 9 décembre 1914 à Mengede (aujourd’hui Dortmund). Sa famille d’origine polonaise (Poznan) s’établit dans le bassin houiller du Pas de Calais, à Dourges entre Hénin-Liétard (aujourd’hui Henin-Beaumont) et Lens. Après une carrière de joueur de professionnel honnête (à l’ASSE de 1938 à 1946 où il se lie d’une indéfectible amitié avec Pierre Garonnaire), il embrasse la carrière d’entraîneur.

L’un des meilleurs joueurs stéphanois de son histoire, Antoine Cuissard a besoin d’un technicien pour venir l’aider à sauver le FC Lorient, une histoire qui lui tient à coeur puisqu’il a été créé par ses grands-parents. Pour ses débuts dans la fonction, c’est un challenge qui forcément l’intéresse et il accompagne l’international français avec qui il a joué à Saint-Etienne.

Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. En moins d’une saison, le club est remis sur les rails, le duo Snella-Cuissard fonctionnant à merveille. Il faut dire qu’avec un tel joueur de talent dans son effectif, toujours sélectionné en équipe de France alors qu’il a désormais le statut d’amateur, Snella peut commencer à mettre en avant les idées qui feront sa force : le football en mouvement pour un seul et unique but, l’offensive.

Ces résultats sont suffisamment éloquents pour qu’il suive à nouveau son protégé qui retourne à Saint-Etienne. On lui propose le poste d’entraîneur des espoirs du club. La formation étant pour lui un sacerdoce, il accepte avec joie. Il perçoit un salaire de 30 000 francs par mois et comme il a du temps libre, il tient un  bar « Le Bar du Palais » à côté du Palais de Justice

1950 marque un tournant dans la carrière de Snella. Pierre Guichard redevient président de l’ASSE et l’une de ses premières mesures sera de remplacer l’entraîneur en place, Ignace Tax. Guichard a bien vu, même s’il n’avait plus de responsabilités officielles jusqu’alors, qu’au sein du club il y avait un formateur qui est en train de préparer la génération future et dont on dit le plus grand bien. Il lui propose tout simplement de succéder à l’Autrichien et de prendre les rênes de l’équipe première.

Dans un premier temps, Jean Snella refuse. Tax est son ami. Ils ont joué ensemble, il a été dirigé par ce grand monsieur qui a tant fait pour l’AS Saint-Etienne dans des circonstances pas toujours favorables. Il ne peut pas lui « voler » son poste. Il faut tout le talent de persuasion de Pierre Garonnaire pour le faire revenir sur sa décision avec un argument imparable. Si ce n’est pas lui, ce sera de toute façon un autre, alors autant que ce soit quelqu’un qui connaisse déjà la maison et en qui les dirigeants ont toute confiance.

La transition n’en sera que plus douce. Après bien des hésitations, Snella accepte finalement la proposition et devient le huitième entraîneur de l’histoire du club.

 

JEAN SNELLA, NAISSANCE D’UN MYTHE

Dès sa prise de fonction, Jean Snella prend une décision radicale : il ne garde que les meilleurs éléments du groupe précédent, le complète par les jeunes qu’il a eu sous sa main et dont il est le mieux placé pour savoir qu’il représentent l’avenir tout en s’assurant un recrutement judicieux pour les postes qu’il n’aurait pas réussi à pourvoir en interne. Dès sa première année, il a la main heureuse en parvenant à faire signer l’attaquant hollandais, Cornelis Bernardus Rijvers. Surnommé « trottinette », il apporte une indispensable touche technique à un ensemble qui commence à appréhender les nouvelles méthodes du nouveau mentor.

Le premier match officiel de l’AS Saint-Etienne sous les ordres du nouvel entraîneur est un désastre. Les Verts s’inclinent 6-0 à Rennes et ils sont manifestement dépassés. La presse s’interroge :Le costume ne serait-il pas trop grand pour Snella ? Toutefois, son équipe réalise déjà une premier exploit en 1951 en atteignant la demi-finale de la Coupe de France après avoir dû batailler contre Le Havre en quart de finale.

Trois matches ont été nécessaires pour départager les deux clubs (0-0, 0-0 et 5-1) et épuisés, les hommes de Jean Snella ont du s’incliner contre Valenciennes (1-3). La nouvelle politique consistant à miser sur les jeunes commence à porter ses fruits et même si le recrutement tâtonne au début (témoin cette triplette brésilienne, Oliveira, Zara et Nola, recrutée en 1951 et pas vraiment convaincante), les fondations sont posées pour les échéances futures

Bien sûr, certaines saisons sont plus difficiles que d’autres comme celle de 1952-53, où l’ASSE côtoie les dernières places pendant les deux tiers du championnat avant de terminer à un pénible 11e rang grâce au recrutement judicieux du gardien Claude Abbes. Consolation, les Verts se hissent de nouveau en demi-finale de la Coupe de France battus cette fois-ci par le futur vainqueur, Lille (0-1).

Qu’importe, inlassablement, l’entraîneur stéphanois, imperturbable, trace son sillon. Il se comporte en véritable père pour ses ouailles allant jusqu’à graisser les ballons, enlever les bourres des chaussettes pour éviter les ampoules ou exigeant de ses joueurs qu’ils arrachent les mauvaises herbes de la pelouse s’il la juge indigne de la pratique du football avant de commencer un entraînement.

Aucun détail ne lui échappe et petit à petit, le club entame son ascension fulgurante facilitée par l’arrivée d’un nouveau prodige dont il a tout de suite vu le parti qu’il pouvait en tirer. En 1954, Rachid Mekhloufi pointe le bout de son nez. Son talent cadre parfaitement avec la philosophie du football, basée sur le jeu vers l’avant prônée par Snella. Il est l’étincelle qui lui permettra d’atteindre ses premiers objectifs et d’offrir à l’ASSE ses premiers trophées. En 1955, Saint-Etienne remporte son premier titre : la Coupe Drago (une épreuve où s’inscrivent les éliminés de la Coupe de France), l’ancêtre de la Coupe de Ligue contre Sedan (2-0) grâce à deux buts de Dominique Collados (19e mn) et Eugène N’Jo Léa (65e).

La saison suivante, le rajeunissement continue et d’autres espoirs sont incorporés parmi les pros rejoignant N’Jo Léa, Mekhloufi et Yvon Goujon (cousin de Cuissard). Ils ont pour nom, René Ferrier, Richard Tylinski qui joue avec son frère Michel, Georges Peyroche. Ils ont tous dix-huit ans et demi et sont fins prêts pour la grande aventure. Ils sont devenus champions de France amateur et Jean Snella leur avait promis qu’ils passeraient professionnels en cas de victoire. Il a évidemment tenu parole.

Encadrés par les joueurs expérimentés tels que Rijvers, Abbes, François Wicart, René Domingo, ils remportent leur premier championnat de France de l’histoire du club avec quatre points d’avance sur Lens et six sur Reims en 1957. L’entraîneur français devient dès lors une véritable icône qui découvre la coupe d’Europe la saison suivante après une confrontation mémorable contre les Glasgow Rangers malheureusement perdue.

Ses compétences sont désormais reconnues et ce n’est donc pas un hasard si Albert Batteux le choisit pour le seconder lorsqu’il a été désigné comme sélectionneur de l’équipe de France pour la coupe du monde 1958. Personne ne croit en leur chance mais Jean Snella va contacter une préparation physique en tous points remarquables. Contre toute attente, la France termine 3e de la compétition. Encore un succès.

Pourtant, avec Saint-Etienne, Snella aura du mal à confirmer ce premier titre attendu depuis 24 ans dans le Forez : la faute à un recrutement moins judicieux, à un groupe moins réceptif à son message et peut-être à une motivation un peu émoussé. Il en tire aussitôt les conclusions qui s’imposent et il quitte l’ASSE pour le Servette de Genève en 1959.

 

UN RETOUR TRIOMPHAL A L’ASSE

Alors que l’AS Saint-Etienne a entamé sa descente aux enfers qui le mène tout droit en seconde division en 1962 malgré une victoire en coupe de France cette même année. Le tout nouveau président qui a succédé à Pierre Guichard, Roger Rocher, n’a plus qu’un seul objectif : faire revenir Jean Snella. Ce dernier,  qui a vu les Verts étrillés à Lyon (4-0), le 24 mars 1962, a eu des mots très durs envers son ancienne équipe qui a pratiqué « un football fade et sans réalisme » et par-dessus tout, il a décelé un impardonnable « renoncement face à l’adversité ». Rocher se fait pressant, insiste, fait le forcing. Finalement, Snella donne son accord à une condition : l’ASSE doit remonter en D1.

L’objectif est atteint dès la première saison marquant le retour de l’enfant prodige et de son fils spirituel : Mekhloufi qui est également revenu. Il ne faut pas longtemps à Snella pour retrouver ses marques martelant inlassablement le même discours : « donner le ballon avant de rentrer en contact avec l’adversaire, porter le ballon le moins possible pour obliger l’adversaire à courir, jouer le plus simple possible vers l’avant ». Tous ces principes de jeu sont assénés sans jamais hausser le ton. Snella ne crie jamais, et contrairement à d’autres entraîneurs qui pratiquent la technique de la carotte et du bâton, il préfère, en parfait maître d’école qu’il aurait aimé devenir, transmettre sa vocation et son savoir-faire. En échange, il demande une totale implication. Il ne fait pas de cadeaux et connaît la valeur du mot travail.

La saison 1963-64 aurait dû être une saison de transition, le temps que Jean Snella ne remette de l’ordre dans le club. De plus, pour un promu, il ne fallait pas non plus s’attendre à des miracles et un bon maintien aurait déjà été considéré comme un excellent résultat. Mais que dire de ce parcours exceptionnel cette année-là ! Les Verts remportent tout simplement leur second championnat pour leur retour en première division, une performance jamais réalisée.

En homme complètement impliqué dans sa tâche, ne laissant rien au hasard, il a appris à ses joueurs à travailler sans se disperser. Il est l’un des premiers à comprendre l’importance de la musculation, de la diététique et de la récupération. Il a tout simplement inventé une véritable école du métier de footballeur qu’il a voulu indissociable avec celle de la vie avec comme maître mot le respect (respect du matériel, du métier, des autres). Le terrain et les vestiaires étaient son domaine et personne ne pouvait y entrer sans son autorisation.

Même Roger Rocher devait frapper à la porte pour entrer et malheur à lui s’il ne le faisait pas. Il était tout simplement éconduit. Un exemple parmi tant d’autres pour expliquer son fonctionnement : Les joueurs avaient chacun un casier personnel qu’ils ne pouvaient pas fermer à clé. L’entraîneur en faisait régulièrement l’inspection et lorsqu’il estimait que le casier était vraiment trop sale, il jetait tout par terre ou à la poubelle. Voilà quelles sont les recettes qui ont permis à Jean Snella d’amener l’AS Saint-Etienne au firmament du football français !

Il gagne un troisième titre en 1967 et il peut alors tirer sa révérence et malgré l’insistance de Rocher qui ne veut pas le voir partir, il peut retourner à Genève. Il passe le flambeau à Albert Batteux à qui il laisse un héritage qu’il saura faire fructifier.

Jean Snella a connu d’autres expériences enrichissantes par la suite notamment à Nice au début des années 1970 (il est distingué meilleur entraîneur de France en 1972) et il s’éteint des suites d’une longue maladie à l’âge de 65 ans le 20 novembre 1979 avec le sentiment légitime d’avoir contribué à l’épanouissement de l’AS Saint-Etienne. Toutefois, ce dont il doit être le plus fier, c'est d'avoir suscité tant de vocations d'entraîneurs parmi les joueurs qu'il a formé. La plus illustre d'entre elles est certainement celle d'un certain Aimé Jacquet qui n'a pas hésité à proclamer haut et fort qu'il avait utilisé un très grand nombre des principes du maître lors de la fabuleuse aventure de l'Equipe de France qu'il a mené à la victoire en coupe du Monde en 1998.

Pour toutes ces raisons et bien d'autres encore, le Peuple vert lui en sera à jamais reconnaissant.

by Albert Pilia

 

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