Dans un dossier assez exceptionnel, Vestiaires Magazine est parti à la rencontre de Claude Puel afin de mieux comprendre ses méthodes. Le manager général de l'ASSE apparaît tel qu'on le connaît : rigoureux, déterminé et dur au mal. Mais ces qualités, poussées à l'extrême, sont-elles aujourd'hui de nature à devenir des défauts...? Extraits de son interview...
Le technicien stéphanois explique qu'à l'ASSE, il a " rejoint un club qui a vécu largement au dessus de ses moyens, qui n’a plus de quoi honorer cette politique-là, qui se retrouve en grande difficulté financière sans aucune possibilité de recruter à titre onéreux, qui doit au contraire faire baisser la masse salariale, et dans lequel il n’y a pas d’actif au niveau des joueurs, pas de jeunes qui ont été développés à part Saliba, déjà vendu. "
Une constante dans la carrière de Claude Puel qui explique être " allé là où pas un technicien sensé, qui a envie de faire carrière, ne serait allé. Parce qu’il n’y avait que des coups à prendre. "
Ce n'est pourtant pas faute d'avoir reçu des propositions comme le précise Claude Puel. Il aurait notamment pu signer au FC Porto (alors champion d'Europe en titre) ou à... l'OL. Cependant, "cette équipe, elle était parfaite ! La coacher revenait simplement à l’accompagner. Dans mon expression personnelle, cela ne me convenait pas. " Il finira tout de même par s'engager avec le club rhodanien, voyant en cette équipe lyonnaise version 2008 un groupe à reconstruire... Une aventure qui trouvera son point de rupture un soir de 100ème Derby remporté 1-0 pour l'ASSE sur un superbe coup-franc de Dimitri Payet. Et c'est là que l'attitude adoptée par Claude Puel, alors jeté en pâture par son président, peut certainement expliquer celle qu'il adopte aujourd'hui dans un contexte, certes, différent : " L’important pour moi à ce moment-là était de conserver suffisamment d’autorité, de respect et d’écoute au sein du groupe pour ne pas le perdre complètement. J’ai avancé, pied à pied, sans jamais rien lâcher. " L'OL finira sur le podium de la Ligue 1.
A l'issue de cette saison il signe à Nice où... tout est à reconstruire. Il finira 4ème la première saison et rebâtira les infrastructures de formation qui font aujourd'hui le bonheur des Aiglons. L'Angleterre lui permet également d'écrire quelques belles lignes d'un parcours toujours tourné vers la formation et cette capacité à renouveler un effectif vieillissant ou en perdition... quand ce n'est pas les deux ! Il admet notamment ce qui pourrait s'apparenter à un défaut qu'il identifie en lui : " J’ai fini par mettre mon nez dans la formation et le recrutement, c’est plus fort que moi. "
A St-Etienne, le manager général semble vouloir perpétuer son image. Il précise toutefois : " J’ai rarement hérité d’équipes performantes et j’ai dû souvent repartir de zéro pour gravir les échelons. Mais toujours avec l’envie d’aller jouer le haut de tableau, la coupe d’Europe. " A St-Etienne, les supporters constatent toutefois les limites de ses méthodes à l'éclairage de résultats aussi catastrophiques qu'inquiétants. Pas de quoi déstabiliser Claude Puel qui a déjà vécu pareille situation à Lyon ou encore en Angleterre, sûr de son projet. En Angleterre, un soir de défaite il explique que son groupe progresse alors que les propriétaires de l'équipe pestent. Puel commente : " Moi je préparais les succès futurs, eux n’étaient que dans l’instant... Entre un vieux briscard expérimenté mais limité, et un jeune qui va progresser et qui représente l’avenir du club, sportivement et financièrement, mon choix est tout fait. C’est ce que j’ai entrepris à Lille, à Nice, et que j’essaye de faire aujourd’hui à Saint-Etienne. "
A l'heure où il se dit que les heures du technicien sont comptées, les présidents vont-ils remercier Claude Puel au lendemain d'une 9ème journée de championnat qui pourrait laisser St-Etienne bon dernier de Ligue 1 avec seulement 3 points en cas de défaite face à l'OL ? " Bien sûr que là où j’ai entraîné, mes dirigeants ont déjà dû se demander à certains moments s’ils devaient appuyer sur le bouton ou pas (il n’a jamais été remercié en cours de saison, en L1, ndlr). Mais je m’en fout! Dans ma tête, je suis libre. S’ils ne l’ont jamais fait (excepté à Leicester, ndlr), c’est que la force qui m’animait, mon assurance, leur donnaient quelque part certaines garanties. "
Il conclue, fataliste, en expliquant : " Ce qui est réalisé depuis deux ans à Saint-Etienne, dans les conditions dans lesquelles cela est réalisé, c’est assez exceptionnel. Il y aurait tant de choses à dire et de belles histoires à raconter! Parfois, j’essaye d’expliquer, mais bon… On ne retient que “ils ont gagné” ou “ils ont perdu”, c’est comme ça. C’est un travail ingrat car les gens ne savent pas. Ils voudraient qu’on joue l’Europe alors qu’on est en mission de sauver le club (sic) et notamment financièrement, en dégageant des actifs avec le développement de jeunes joueurs. Avant que d’autres profitent, plus tard, de notre travail… En attendant, je dois continuer à avancer, le plus souvent dans l’adversité et l’incompréhension, en essayant de ne pas faire porter tout ce poids aux joueurs ni au staff. "
Claude Puel sera-t-il remercié ou bien aura-t-il l'occasion de parachever sa mission chez les Verts...? Là encore, les résultats pourraient avoir raison d'un projet certes construit et réfléchi, mais faisant appel à une patience et une tolérance sur le court terme que ne peuvent soutenir à ce jour ni les présidents, ni les supporters...
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