Un article extrêmement intéressant est paru sur les Acteurs de l'économie. On y apprend ce que pourrait être la stratégie de PEAK6 à l'ASSE. Pierre Ronseau, spécialiste du sport, explique que la stratégie du repreneur de l'ASSE, basée sur le trading joueurs, devrait être accompagnée de patience...
Basé à Chicago, PEAK6 Investments est un fonds d'investissement fondé en 1997 par Matt Hulsizer et Jenny Just. Ces anciens courtiers passés par la Swiss Bank misent sur des participations financières dans des firmes technologiques et dans des entreprises sportives.
Le fonds d'investissement a pris des participations minoritaires dans les clubs de l'AS Rome (Italie), de Bournemouth (Angleterre), et une participation majoritaire dans le Dundalk FC (Irlande).
Ce fonds américain a de bonnes raisons de convoiter aujourd'hui l'AS Saint-Etienne, affirme Pierre Rondeau, économiste du sport et professeur à la Sports Management School.
D'abord, la hausse probable des droits télévisés pour la Ligue 1 est particulièrement attrayante. " On va passer de 748 millions d'euros annuels à un millard d'euros, voire 1,5 milliard d'euros pour la période 2021-2024 " , souligne l'expert.
À cette perspective de revenus en forte augmentation s'ajoute le faible prix des clubs français. Quand l'ASSE pourrait se vendre autour de 50 millions d'euros, le Milan AC a été vendu pour dix fois plus, et Liverpool a reçu une offre de 700 millions d'euros, pointe-t-il.
Et il y a le club lui-même, avec sa place particulière dans le paysage footballistique français...
"Le fonds d'investissement a dû voir les différentes offres de mises en vente de clubs français, dont Bordeaux et Nice, et voir que l'ASSE bénéficie d'une grande ferveur populaire, d'une notoriété importante, d'une belle ambiance dans le stade, d'une grande histoire et d'un prix moindre... tout cela a joué", analyse Pierre Rondeau.
Une fois le club acquis, qu'en fera PEAK6?
Brad Goldberg, le président de PEAK6 Investments a indiqué ne pas souhaiter " ajouter d'information additionnelle au communiqué émis par l'ASSE ".
Le fait que ce fonds d'invetsissement détienne déjà des participations dans des clubs européens montre que Peak 6 connaît le marché du football européen, et qu'il sait que le meilleur moyen d'obtenir un bon retour sur investissement passe par un engagement à long terme, estime Pierre Rondeau.
Contrairement aux investisseurs qataris à la recherche de notoriété au PSG, aux investisseurs chinois qui cherchent un transfert de savoir-faire à Sochaux et à Lyon, et à certains milliardaires souhaitant se faire plaisir comme Roman Abramovich à Chelsea, PEAK6 fait partie d'une autre catégorie d'investisseurs qui visent à dégager un bénéfice financier sur leurs prises de participation, explique Pierre Rondeau.
Parmi ces investisseurs attirés par l'aspect lucratif du football européen, certains visent un résultat à court terme, détaille M. Rondeau, en citant l'exemple du club de Lille, qui a investi dans de jeunes joueurs en visant une revente rapide assortie d'une belle plus-value... mais qui a failli se traduire par une relégation sportive. Cette méthode peut apporter une plus-value rapide, mais elle est très risquée, pointe-t-il.
D'autres investisseurs, tout en étant à la recherche de rendement financier, sont prêts à miser sur une approche à plus long terme. C'est le cas de Frank McCourt à Marseille, avec son OM Champions Project . "Son objectif est de revendre le club à plus ou moins long terme avec une forte plus-value, due à une amélioration de la valeur de la marque" , analyse Pierre Rondeau.
C'est dans cette catégorie d'investisseurs que PEAK6 se range, croit M.Rondeau.
"Ce fonds a déjà l'expérience du football, précise-t-il. Il sait que l'économie du foot est aléatoire, et qu'il faut un projet sportif serein, pérenne et continu pour que des joueurs prennent de la valeur d'ici deux à cinq ans, et ainsi valoriser le club."
Les supporters de l'ASSE doivent-ils pour autant se réjouir? Pas si vite...
Dans ce modèle, le risque est que le futur propriétaire vende des joueurs trop vite, prévient Pierre Rondeau, citant le cas de l'AS Monaco parvenu en finale de la Ligue des Champions en 2004... et aussitôt dépouillée de ses meilleurs joueurs, entamant un chemin de croix qui la verra reléguée en Ligue 2 en 2011.
« Pour gagner de l'argent, les investisseurs ne doivent pas briser l'équilibre sportif de l'équipe, souligne-t-il. Si l'ASSE surperforme et vend ses meilleurs joueurs pour 100 millions d'euros à Manchester United et au Real, le club pourra-t-il rester au top niveau sportif ensuite ? »
Dans tous les cas, "si le futur propriétaire de l'ASSE veut amener l'équipe sur le podium de la Ligue 1, cela prendra du temps , assure l'économiste du sport, qui demeure optimiste pour le club stéphanois. Visiblement, ce fonds d'investissement l'a compris."