En marge du quart de finale de Ligue des Champions entre l'AS Monaco et le Borussia Dortmund, Christophe Galtier a été invité à s'exprimer dans l'Equipe au sujet de Pierre-Emerick Aubameyang. Il revient sur son intégration à l'ASSE et décrit un joueur dont tout le Peuple Vert attend qu'il respecte sa promesse : revenir à l'ASSE un jour !
"Lors de sa première opposition, je l’ai vu faire une accélération de soixante-dix mètres avant de se présenter devant le gardien. J’ai alors dit à Alain Blachon (son adjoint de l’époque) : “C’est la première fois de ma vie que je vois ça. Il possède un gros point fort."
Après cinq premiers mois chaotiques, on ne savait pas s’il devait continuer chez nous ou pas. Mais il a montré de réelles volontés de rester, en passant, par exemple, toutes ses vacances à Saint-Étienne. Il voulait faire une année complète dans un club. J’ai beaucoup parlé avec son papa (Pierre Aubame, ancien milieu professionnel), et j’ai suivi les conseils de mes présidents en lui redonnant sa chance. Et, à partir du premier jour où il a remis les pieds à l’entraînement, ce n’était plus le même homme. Il est devenu une machine de guerre. Donc, sa réussite ne m’appartient pas.
Quand je fais venir Brandao (en 2012), Aubame est notre meilleur buteur. Ma réflexion a été celle-ci : comment vais-je les associer dans un 4-3-3 ? Car avec Clément, Lemoine, Cohade et Guilavogui, il était dommage de se priver d’un milieu de qualité. Je me suis souvenu que Brandao avait joué avec Niang excentré à sa gauche et cela n’avait pas empêché ce dernier de finir meilleur buteur de L 1. Pareil à Lyon, où Benzema s’était décalé à la gauche de Fred. Et Karim avait mis vingt buts en se servant du Brésilien comme point d’appui. Aubame a donc glissé à la gauche de Brandao, qui l’a pris sous son aile et l’a aidé à adhérer à ce projet. Et ça a marché. Cette association, c’est ma réussite. En cela, Aubame me fait penser à Cavani. Dans l’intérêt du collectif du PSG, Cavani avait accepté de jouer sur un côté pour permettre à Ibrahimovic d’évoluer dans l’axe. Comme lui, Aubame travaille pour l’équipe. Ils sont secs, et à ce que je crois savoir, tous deux ont une hygiène et un équilibre de vie.
Sa plus grande force, c’est le mental. Il ne cogite pas. Après l’avoir vu rater le tir au but qui a éliminé le Gabon de sa CAN (1-1, 4-5 aux t.a.b. face au Mali, en quarts de finale, le 5 février 2012), je craignais de le récupérer en morceaux. Mais c’est lui qui nous marque le but de la victoire à Toulouse, sept jours après (1-0). Sa deuxième plus grande force, c’est qu’il aime passionnément le football. Au point de l’avoir vu en larmes quand je lui ai annoncé dans sa chambre qu’il ne débuterait pas au Parc alors qu’il avait acheté quarante places pour ses proches. Avec l’aide de son père, il a compris ma décision. Quand il est entré en jeu, il a réussi quarante minutes de folie et marqué le but de la victoire (2-1, le 3 novembre 2012).
Il voue un grand respect au football, à ses partenaires et au club. Cela tient sans doute à son éducation. Un jour, deux ans après son départ, je traverse une avenue parisienne avec ma femme et mon fils quand soudain, une voiture nous klaxonne et s’arrête en plein milieu de la chaussée. Je vois Aubame en descendre pour venir nous embrasser. C’est ça, Aubame.
Disons qu’il est arrivé au bon endroit, au bon moment, dans un bon groupe et dans un club sur une pente ascendante. Il a ensuite eu l’intelligence de partir à Dortmund, dans un Championnat ouvert et dans un club où il n’y avait pas de stars, donc, où il pourrait exister. J’ose espérer qu’il n’est pas au sommet et qu’il va aller chercher les plus grands trophées. Il est haut mais il possède
encore une marge."
Source : L'Equipe