Alors que Pierre Ekwah est officiellement en arrêt maladie, une bataille juridique de grande ampleur s'engage avec l'AS Saint-Étienne. En ligne de mire : la validité de la levée de son option d’achat par le club stéphanois, et les conséquences d’une rupture de contrat que le joueur estime justifiée. ASSE vs. Pierre Ekwah, l'affaire pourrait encore faire couler beaucoup d'encre !
Le 30 août 2024, Pierre Ekwah rejoint l’AS Saint-Étienne en provenance de Sunderland, via un prêt payant (1M€) assorti d’une option d’achat (6M€). Cette dernière était bien intégrée au contrat initial. De quoi laisser la possibilité à l'ASSE d'acheter le joueur au terme de la saison.
Mais l’été 2025 a laissé place à une tout autre réalité. L'ASSE, de son côté, a activé l’option d’achat sans requérir un accord formel du joueur – une démarche contractuellement permise, mais qui a jeté de l’huile sur le feu. D'autant plus que l'ASSE a refusé plusieurs offres concernant Pierre Ekwah fin aout. Résultat : l’environnement du joueur a fait le choix de rompre de manière unilatérale le contrat !
Rupture unilatérale et arrêt Lassana Diarra
Pour justifier cette rupture, l’avocat de Pierre Ekwah compte s’appuyer sur une jurisprudence récente : l’arrêt Lassana Diarra vs FIFA, rendu le 4 octobre 2024 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Cet arrêt considère plusieurs dispositions des règlements FIFA comme contraires au principe de libre circulation des travailleurs (article 45 du TFUE).
Jusqu'alors, les règles qui pénalisaient lourdement les joueurs quittant leur club sans accord – en les rendant, avec leur futur club, financièrement et sportivement responsables – sont jugées disproportionnées par l'Europe (CJUE). Si cette décision ne supprime pas toutes les sanctions, elle impose à la FIFA une réforme en profondeur. Ce qui n'est pas fait pour l'heure.
L’avocat d’Ekwah fait donc un pari et estime que la rupture de contrat, appuyée par des éléments médicaux (multiples arrêts maladie) et ce nouveau cadre juridique, permet à son client de signer librement dans un autre club. Des discussions seraient déjà en cours avec des formations en Angleterre, Belgique et Italie.
L'ASSE ne lâche rien : Ekwah sous contrat jusqu’en 2029
Face à cette offensive juridique, la réaction de l’AS Saint-Étienne est ferme. Le club affirme que Pierre Ekwah est sous contrat jusqu’en 2029, dans le cadre de l’option levée à la fin de la saison dernière. Le communiqué du club évoque des échanges en cours « dans un esprit de responsabilité et de respect des règles ».
Dans cette affaire, le club ne peut rester passif. Il a investi entre 6 et 7 millions d’euros sur Ekwah, une somme considérable. Valider la rupture serait créer un précédent dangereux, et subir une perte financière sèche.
La situation est d’autant plus complexe que l’article L. 222-2-7 du Code du sport interdit toute clause de rupture unilatérale dans un contrat à durée déterminée de sportif professionnel. La seule issue viable reste donc la juste cause, notion sur laquelle les deux camps vont s’affronter.
Une bataille juridique longue et à fort retentissement
L’affaire Ekwah pourrait-elle connaître une trajectoire similaire à celle de Lassana Diarra, qui a mis dix ans à être tranchée (2014 - 2024) ? C’est tout l’enjeu pour l’ASSE. Soit le club accepte un arrangement amiable pour minimiser les pertes, soit il s’engage sur le terrain judiciaire pour défendre un modèle de fonctionnement. C'est le pari lancé par Pierre Ekwah et son agent qui ont fait le choix de mettre l'ASSE sous pression.
Ce litige, bien plus qu’un simple désaccord contractuel, s’inscrit dans une évolution du droit du travail des footballeurs en Europe. Comme l’arrêt Bosman en 1995, l’affaire Diarra puis l’affaire Ekwah pourraient rebattre les cartes du marché des transferts et des engagements contractuels.
Pour Huss Fahmy, directeur des opérations de l’ASSE, l’heure est à la réflexion. Céder et ouvrir la porte à une indemnisation ? Ou tenir bon, au risque d’un feuilleton judiciaire de longue haleine ? Le club joue gros, sur le plan économique, juridique, mais aussi en termes d’image.
Source : CJUE, Code du sport