L’histoire d’Anthony Mounier à l’ASSE reste l’un des épisodes les plus marquants du mercato stéphanois. Entre opportunité sportive, tensions populaires et menaces, retour sur un feuilleton resté dans toutes les mémoires. Un épisode qu'il raconte dans le podcast Histoire de Foot.

Anthony Mounier : « Je ne voulais pas forcément revenir en France, je voulais jouer. J’avais un marché en France avec le passif que j’avais en Ligue 1, et j’ai le coach Christophe Galtier qui m’appelle. Je l’avais connu à Lyon puisqu’il était adjoint d’Alain Perrin, et il était désormais coach à Saint-Étienne. Il m’appelle et me dit : “Écoute, je suis intéressé, est-ce qu’il y a possibilité de te faire revenir, etc.” Je vois ça comme une opportunité, donc je dis : “Oui, il n’y a pas de souci, il faut que je joue, je ne peux pas rester six mois de plus sans jouer.”
C’était un prêt avec option d’achat, et il faut savoir qu’à cette époque, l’ASSE était en Europa League et avait un tour qui arrivait contre Manchester United. C’était un deal intéressant pour eux et pour moi. L’option d’achat, elle, était dépendante de mes performances et des résultats sportifs du club. C’était tout bénéf pour moi.

On se met d’accord et je suis OK pour les rejoindre malgré mon passif de Lyonnais. Je prends l’avion, j’arrive à Lyon et le team manager de Saint-Étienne vient me chercher. Et là, quand j’allume mon téléphone, je vois des messages de partout. Il y avait des banderoles déployées dans la ville : une au stade et une au centre d’entraînement, où ils écrivaient : “Mounier, nos couleurs ne seront jamais les tiennes.”

On fait le point avec mon agent. On leur demande s’ils sont sûrs et s’il n’y aura pas de problème. “Non non, pas de problème.” On fait la visite médicale, je signe mon contrat et je rejoins l’équipe qui était en stage à Toulouse, car ils jouaient là-bas le week-end. Je m’entraîne avec eux, je fais connaissance avec le groupe, tout se passe bien. »

"Les supporters sont venus au centre d’entraînement, ils ont menacé, ils ont dit qu’ils ne voulaient pas me voir jouer avec les couleurs vertes. Donc pour ce match-là, on ne va pas me faire jouer" (Mounier qui raconte son transfert avorté à l'ASSE)

« J’arrive à l’hôtel la veille du match, ils me donnent ma tenue, etc. Et là, la veille du match, j’ai le coach, Dominique Rocheteau (le DS) et un gars de la sécurité du club qui viennent me voir. Ils me disent qu’ils veulent ralentir un peu car ça prend des proportions. Les supporters sont venus au centre d’entraînement, ils ont menacé, ils ont dit qu’ils ne voulaient pas me voir jouer avec les couleurs vertes. Donc pour ce match-là, on ne va pas me faire jouer, car je ne peux pas faire trois clubs dans la même saison. Si je rentrais avec l’ASSE et que ça se passait mal, je n’aurais pas pu signer dans un troisième club après.

On temporise et là, ça prend encore plus d’ampleur. Les supporters étaient déterminés : “Nous, on ne veut pas qu’il joue pour Saint-Étienne. S’il rentre contre MU, on va faire annuler le match, jeter des projectiles, des fumigènes…” Ouais, c’était chaud.

J’ai reçu des menaces de mort. Il y a eu beaucoup de choses écrites et dites. Personnellement, ça faisait un peu peur. Et après, c’était pour ma famille. J’habite à une heure de Saint-Étienne. Ma famille, ils sont tous pour Saint-Étienne, mon père est un grand fan de l’ASSE. J’avais dit en conférence de presse que j’étais prêt à rencontrer les supporters pour leur expliquer. Ce qui s’était passé, il y a une dizaine d’années, c’était à chaud pendant un match. Je n’allais pas mettre le maillot de l’ASSE et boycotter le club. Si je viens ici, c’est pour tout donner, comme je l’ai toujours fait dans tous les clubs où je suis passé, et il n’y aura pas de problème. Juste laissez-moi la chance de le démontrer. Au final, ça n’a pas pu être possible. »

"Ce qui est marrant, c’est que l’ASSE est ma proie favorite."

Retour sur l’épisode avec Nice : « Il faut remettre dans le contexte. Je suis formé à Lyon, et à chaque fois que je vais jouer à Saint-Étienne, je me fais siffler. C’est le jeu, il n’y a pas de problème. Ce qui est marrant, c’est que l’ASSE est ma proie favorite. Je crois que Jérémie Janot, c’est le gardien contre lequel j’ai marqué le plus de buts.
On joue à Geoffroy-Guichard, on joue le maintien avec Nice et l’environnement n’est jamais facile là-bas. Dès que je touche le ballon, je me fais siffler, insulter pour mon passé de Lyonnais. On gagne 3–2 et je mets deux buts. Et sur le troisième but, c’est François Clerc — un ancien Lyonnais aussi — qui marque.

Au moment où on se retrouve, j’ai des paroles déplacées, mais je n’ai aucun geste vers la tribune. Et derrière la cage, il y a une caméra de Nice. Quand je signe à Saint-Étienne, un supporter retrouve le passage vidéo et le poste sur les réseaux sociaux. À l’époque où j’ai dit cette phrase, les réseaux sociaux n’existaient pas. Il la met sur Twitter, et là c’est parti. L’ASSE est un club où les supporters sont très engagés. Et là, ça part : “Comment on peut signer un joueur comme ça ?” Ça prend des proportions incroyables. »

“Moi, si je le croise en ville, je lui casse les jambes. S’il faut faire de la prison, je ferai de la prison, c’est pas grave. J’aime plus Saint-Étienne que ma femme.”

« Le président me dit qu’il pense pouvoir régler la situation. Mais les supporters arrivent au centre d’entraînement, ils menacent : “Moi, si je le croise en ville, je lui casse les jambes. S’il faut faire de la prison, je ferai de la prison, c’est pas grave. J’aime plus Saint-Étienne que ma femme.” Des trucs de malades. Le club envisage même de me faire dormir au club avec la sécurité. Je leur réponds que je ne peux pas dormir tous les jours au centre de formation sous protection.

Le contrat est signé, donc il faut trouver une solution. Ils m’exfiltrent de Toulouse en avion. Je vais à l’hôtel à Lyon avec la sécurité, car il restait 48 h de mercato. Il fallait casser mon prêt à Sainté, repasser par Bologne et trouver un autre club.
Ça a été dur, mais je suis focus : je suis en sécurité et je pense à ma carrière. Le plus compliqué, ça a été pour ma famille. Mon épouse et mes enfants étaient en Italie, donc un peu à l’écart, mais la famille restée en France lisait tout sur Internet, les réseaux sociaux… Ils voyaient que je pouvais ne pas être en sécurité. Ça a été plus difficile pour eux.

Et finalement, on trouve l’opportunité de l’Atalanta en fin de mercato. »