21 décembre 1952 – 4 janvier 1953
Quand l’ASSE était déjà la recherche d’un gardien pour sauver sa saison !
21 décembre 2022 : L’ASSE est dans une situation catastrophique, 20e de L2 et à la recherche d’un gardien pour sauver sa saison.
Et bien, savez-vous que 70 ans plus tôt, les Verts étaient dans les mêmes conditions avec l’obligation de recruter un gardien pour tenter de redresser une position tout aussi dramatique ?
21 décembre 1952, l’ASSE 18e et dernière de D1
Depuis la saison 1950-51, Jean Snella, un nouvel entraîneur, a pris en main les destinées de l’AS Saint-Etienne. Il termine 7e à la fin de l’exercice 1951 à 4 points seulement de Nice le champion et 9e en 1952. Par contre, la saison suivante, son équipe se retrouve en énormes difficultés. A la fin des matches allers, les Verts sont 18e et derniers du championnat avec seulement 4 victoires, 3 nulles et 10 défaites.
Si la situation n’est pas désespérée, elle interpelle néanmoins les dirigeants dont Pierre Faurand, tout jeune président du club, qui a succédé le 3 septembre 1952 au mythique Pierre Guichard fondateur de l’ASSE mais une nouvelle fois démissionnaire.
Snella n’est pas menacé. De toute façon, à Saint-Etienne, on n’a encore jamais limogé un coach en cours de saison. Le premier à l’être sera d’ailleurs René Vernier le 11 novembre 1960. La confiance est donc maintenue à un entraîneur qui prône un football d’attaque qui plait à la direction qui estime qu’il doit être soutenu. Toutefois, elle se rend bien compte que des modifications doivent être apportées à l’équipe qui, c’est le moins qu’on puisse dire, ne donne pas satisfaction. Et le poste de gardien fait l’objet de nombreuses interrogations.
Cela ne vous rappelle rien ?
La défense stéphanoise est une vraie passoire. Avec 42 buts encaissés, elle est la plus mauvaise du championnat et de loin puisque la suivante en est à 34 buts. Pour l’heure, ce sont Michel Jacquin, titulaire, et Jacques Ferrière qui se partagent le rôle de gardien de but mais leurs performances sont indubitablement insuffisantes. Une réaction s’impose et Pierre Garonnaire, ancien défenseur reconverti en recruteur, s’active pour trouver une solution.
Sur les conseils de René Llense, un ex portier international de la maison verte (1938-45), il a supervisé un candidat en D2, à Béziers : un certain Claude Abbes. Il flaire le bon coup pour un gardien dont le potentiel semble encore inexploré. Il a commencé à jouer au football à 20 ans et à Béziers, il est plutôt dilettante. C’est pour cette raison qu’il n’est peut-être pas pris suffisamment au sérieux.
Mais Garonnaire a su voir plus loin que les apparences et les dirigeants stéphanois lui proposent de signer un contrat à l’ASSE. Dans un premier temps, ils essuient un refus qui surprend les décideurs foréziens d’autant plus que l’offre est alléchante. Il faut tout le talent de persuasion du recruteur ligérien pour que Abbes change d’avis et débarque à Saint-Etienne en décembre 1952.
Claude Abbes, le gardien stéphanois et ses fameux pulls
Avec Claude Abbes, tout change…
Jean Snella comprend très vite qu’il a affaire à un joueur d’exception. Il est titularisé dès la 1ere journée de la phase retour, le 28 décembre 1952 à Reims contre le leader du championnat. S’il ne peut éviter la défaite face au futur champion (0-2), il s’installe durablement dans la cage stéphanoise pour ne plus jamais la quitter sauf blessures. Dès la rencontre suivante, sa première à Geoffroy-Guichard, il réalise son premier cleen-sheet contre Montpellier (2-0). Il en totalisera 84 en 300 matches officiels (28 %, presque un match sur 3 !) à une époque où la défense n’était pas la priorité des entraîneurs.
Avec lui, l’ASSE ne perdra plus que 4 fois sur tous les matches retour terminant la saison à une solide 11e place avec seulement 17 buts encaissés lors de cette période, soit la meilleure défense sur cette phase. Le recrutement de ce gardien légendaire a donc permis à l’ASSE d’échapper à une relégation en 2e division qui lui semblait pourtant promise.
Snella, adepte d’un jeu d’attaque, peut compter sur son premier rempart, véritable libéro avant l’heure, redoutable dans le un contre un et d’une témérité sans égale (il sera victime de 9 fractures pendant toute sa carrière stéphanoise). Avec Claude Abbes accompagnés d’autres joueurs de talent, l’ASSE change de dimension devenant candidat au titre qu’elle remporte pour la première fois de son histoire en 1957. Il termine son périple stéphanois en 1962 en décrochant la première coupe de France du club même s’il ne peut éviter la descente en D2.
Ses exploits lui ouvrent les portes de l’équipe de France. Il sera notamment encensé à Wembley le 27 novembre 1957 dans un match où ont débuté les Stéphanois Richard Tylinski et René Domingo et que les Tricolores ont pourtant perdu 4-0. Percuté par un attaquant anglais et victime d'un écrasement des reins, il urinera du sang à la mi-temps.
Les journalistes locaux loueront le courage de ce joueur qui a joué tout le match malgré sa blessure. Il est hospitalisé dès la fin de la rencontre et il sera indisponible pendant presque trois mois. Un mois auparavant, un de ses arrêts exceptionnels face à la Belgique qui assurait la qualification de la France pour la coupe du monde 1958 avait été glorifié par la presse.
Il est sélectionné pour la coupe du monde 1954 sans entrer en jeu mais il est le héros de la suivante en 1958 en Suède où il joue les 4 dernières rencontres pour une demi-finale mythique face au Brésil du jeune Pelé (17 ans) et une 3e place que la France n’avait jamais atteinte auparavant.
Claude Abbes, le premier gardien légendaire de l’AS Saint-Etienne, a été recruté en 1952 pour sauver l’ASSE.
70 ans plus tard, les dirigeants stéphanois recherchent de nouveau la perle rare pour leur éviter une descente en National qui parait inéluctable. Espérons qu’ils auront autant de réussite ! L’avenir du club en dépend !
En images
Vivez l’un des derniers matchs de Claude Abbes avec l’ASSE, la finale de la coupe de France 1962, vidéo mise en ligne par notre partenaire ASSE Memories :
Article rédigé par Albert Pilia
