Ils étaient déjà en première ligne contre la Super League en 2021. Aujourd’hui, les Green Angels 92 et les Magic Fans 91, groupes ultras de l’AS Saint-Étienne, ont officiellement rejoint la campagne "You Can't Export Passion", portée par l’association Football Supporters Europe (FSE). L’objectif : s’opposer fermement à la volonté de la Liga et de la Serie A. Ces ligues souhaitent organiser des matchs officiels en dehors de leur territoire national, notamment aux États-Unis et en Australie.

Dans un communiqué commun, signé par plus de 100 groupes ultras à travers l’Europe, les supporters stéphanois dénoncent une nouvelle tentative de subversion du football. Celle-ci est déjà bien entamée par la financiarisation du jeu et l’accroissement de son industrialisation. Pour eux, le message est clair : le football appartient à ses tribunes, pas aux actionnaires.

Les Green Angels et les Magic Fans montent au créneau

Pour les groupes stéphanois, cette initiative va à l’encontre des valeurs populaires et locales qui fondent l’identité du football. À Saint-Étienne, ces valeurs ne sont pas un slogan : elles sont vécues au quotidien, dans le chaudron de Geoffroy-Guichard. Chaque match à domicile y est une fête dans un stade sacralisé. La perspective de voir un jour un match à domicile se jouer à des milliers de kilomètres est vécue comme un non-sens. Ils voient cela comme un manque de respect et une fuite de l'identité des clubs.

"Nos clubs ne sont pas des cirques itinérants", martèle le communiqué, qui souligne également les risques écologiques, sociaux et sportifs d’une telle dérive. La participation des Green Angels et des Magic Fans à cette campagne renforce une fois encore leur engagement. Ils défendent un football accessible, enraciné et respectueux de ses supporters.

Un enjeu majeur pour l’avenir du football européen

Au-delà de l’ASSE, ce sont les fondements mêmes du football européen qui sont aujourd’hui remis en cause. Car si ces projets voient le jour, cela ouvrirait une boîte de Pandore. Demain, rien n’empêcherait qu’un match de Ligue 1 se joue à Dubaï ou qu’un derby historique soit déplacé à Singapour, au nom de l’audience télé et des droits internationaux.

La campagne "You Can’t Export Passion" appelle les institutions – UEFA, FIFA, fédérations nationales – à protéger l’intégrité sportive des compétitions. Elle invite également les clubs, les joueurs, les journalistes et les politiques à prendre position.

Saint-Étienne, ville de football par excellence, montre l’exemple. Ses tribunes ne se tairont pas face à la dérive du football moderne.

Le communiqué de l’association Football Supporters Europe (FSE)

Nous, groupes de supporters de toute l'Europe, représentant des millions de fans de football, exprimons notre ferme opposition à la tentative actuelle de subversion des règles du jeu visant à autoriser les ligues professionnelles à délocaliser leurs rencontres où bon leur semble dans le monde.

Les projets de La Liga et de la Serie A de délocaliser des rencontres aux États-Unis et en Australie constituent une attaque directe contre l’essence même du football.

Si l'une ou l'autre des propositions de ces ligues devait être acceptée, cela ouvrirait instantanément une boîte de Pandore aux conséquences imprévisibles et irréversibles. Chaque club, chaque équipe nationale, chaque groupe de supporters dans le monde risquerait de voir leur équipe délocalisée à l’autre bout de la terre, pour un match ou plus. Ou de voir les compétitions d'autres pays se dérouler à leur porte, tout comme La Liga et la Serie A s'apprêtent à perturber le développement du football et la culture des tribunes aux États-Unis et en Australie.

Le football repose sur un ensemble de règles et de principes, et le fonctionnement des championnats nationaux est simple : les clubs s'affrontent à domicile et à l'extérieur, et la meilleure équipe remporte le titre. La délocalisation de matchs à l’étranger porterait atteinte à ce pilier essentiel de notre sport. Toute tentative de modification de ces règles fondamentales n’est qu’une perversion du football dans le seul but de le transformer toujours plus en une industrie de divertissement et de réaliser des gains financiers à court terme.

Nos clubs ne sont ni des entreprises de divertissement ni des cirques itinérants.
Ils sont au service de leurs villes et de leurs tribunes, offrent un sentiment d'appartenance à des millions d’Européens, qui se retrouvent chaque semaine dans les stades qui les accueillent depuis des générations. Rompre ce lien vital, même de manière temporaire, reviendrait à détruire les racines culturelles, sociales et territoriales qui donnent à notre sport tout son sens.

L’idée de faire traverser des océans aux joueurs, aux staffs, aux supporters et à tous les autres pour un match "à domicile" est absurde, inabordable, et irresponsable sur le plan environnemental.
Elle va à l'encontre des engagements du football européen en faveur de la durabilité et de l’accessibilité pour tous. Elle risque de livrer nos clubs et nos ligues à la volonté d'entreprises de divertissement, de régimes autoritaires ou de fonds vautours, dont l’intérêt à éloigner le football européen de son foyer va à l’encontre de la structure même de notre sport.

Quatre ans après avoir défait la super league, nous sommes une nouvelle fois confrontés à une menace existentielle.
Nous invitons supporters, joueurs, médias, gouvernements et dirigeants du football à faire preuve de solidarité et à prendre position en ce moment décisif pour l'avenir de notre sport.

Nous appelons l’UEFA, la FIFA et toutes les fédérations nationales à la fermeté, à jouer leur rôle de régulateurs du football, à respecter les règlements existants, à rejeter ces propositions, à protéger l’intégrité du jeu, à réaffirmer leur engagement envers le modèle sportif européen et à veiller à ce que le football reste enraciné dans nos villes et nos tribunes, à sa juste place.