À l’occasion des 90 ans de l’AS Saint-Etienne, le site Peuple-vert vous propose le portrait des 50 meilleurs joueurs de l’ASSE parmi les 775 qui, depuis 1933, ont un jour porté le maillot Vert. De la place 50 à 21, les joueurs classés seront présentés par ordre alphabétique.
ROGER MILLA (71 matches, 37 buts de 1984 à 1986)
UNE ARRIVÉE À L’ASSE QU’ON ATTENDAIT PLUS
L’AS Saint-Etienne vient de descendre en D2 suite à des barrages dramatiques face au RC Paris en 1984. Toutefois, le nouveau président de l’ASSE, André Laurent, qui n’envisage pas de s’éterniser à l’étage inférieur. Il veut offrir une équipe compétitive à l’entraîneur, Henryk Kasperczak, missionné pour faire remonter les Verts.
Le poste d’avant-centre est une priorité et les dirigeants stéphanois ont pensé au Camerounais Roger Milla qui vient de remporter la coupe d’Afrique des Nations avec son pays.
C’est une vieille connaissance de l’ASSE, car il avait empêché aux hommes de Robert Herbin, de remporter le doublé en 1981. Il avait inscrit le deuxième but de la finale de la coupe de France avec Bastia permettant au club insulaire de s’emparer du trophée à la surprise générale (2-1).
Le monde du football l’a surtout découvert à la coupe du monde en 1982 en Espagne. Le Cameroun avait été éliminé en phase de groupe seulement au goal-average face à la Pologne, future 3ᵉ de la compétition, et à l’Italie, future championne du monde.
Roger Milla a marqué un but contre le Pérou, mais il a été refusé. Sans cette décision arbitrale très contestable, c’est l’Italie qui serait passée à la trappe.
Cette recrue serait un vrai plus pour les Verts qui seraient bien armés pour remonter immédiatement mais aussi bizarre que cela puisse paraître, André Laurent n’arrive pas à joindre Roger Milla pourtant convoité. Les dirigeants foréziens s’attellent donc à une autre solution pour renforcer leur équipe.
Une légende urbaine propagée par la propre biographie de Roger Milla et par celle d’André Lauren, lui-même, sortie récemment, prétend que l’attaquant serait arrivé par hasard, un matin d’octobre 1984, au centre d’entraînement de l’ASSE.
Il n’y a rien de plus faux. S’il s’est fait désirer, le Camerounais est arrivé un matin de juillet 1984, a participé à une partie de la préparation estivale avec sa nouvelle équipe et a joué son premier match en Vert le 10 août 1984 à Alès (0-0).
UNE PREMIÈRE SAISON MAGISTRALE
Roger Milla est déjà décisif dès son deuxième match avec l’ASSE contre Valence avec son premier doublé à Geoffroy-Guichard (2-1).
Malheureusement, il reste muet jusqu’au 15 septembre, ce qui coïncide avec une période très difficile pour son équipe qui enchaîne les contre-performances.
Il se réveille un mois plus tard avec un but toujours à domicile contre Le Puy, qui avait perdu les cinq premières rencontres (3-0). Jusqu’à la 16ᵉ journée, Saint-Etienne est loin de son objectif avec une 10ᵉ place à neuf points de Nice toujours invaincu. Or, comme la deuxième division comporte deux groupes, seul le premier monte directement en D1.
En revanche, à partir de la 17ᵉ journée, transfigurés, les Verts vont enchaîner quinze victoires consécutives toutes compétitions confondues.
Roger Milla participe pleinement à cette résurrection avec quatre doublés et un triplé contre Gueugnon le 26 janvier 1985 (7-0). Rien ne leur résiste, pas le leader, Nice battue 1-0, encore moins Lyon, humiliés à Gerland (5-1).
L’ASSE est invaincue jusqu’au 4 mai 1985, où une défaite cruelle à Montpellier (0-1) ruine ses espoirs d’accession directe en D1, la faute à ce début de championnat catastrophique.
Fatigués à la suite d’une campagne de coupe de France méritoire, mais harassante, les hommes de Henryk Kasperczak s’inclinent en barrage contre Rennes (0-2) et devront donc passer une seconde saison en D2.
UNE COUPE DE FRANCE 1984-85 ENTHOUSIASMANTE
Après s’être débarrassée des amateurs de l’Abbaye de Grenoble (6-0, un but de Roger Milla) et des Guadeloupéens de Morne-à-l’Eau (1-0), l’ASSE affronte Tours. Un club de D1 en 32ᵉ de finale de la coupe de France.
Un penalty de Didier Gilles à la 90ᵉ minute permet aux Verts de se qualifier (1-0). Les 16ᵉ de finale en match aller-retour, désigne l’OGC Nice comme prochain adversaire. Les leaders du groupe, déjà battus le 16 février en championnat, veulent prendre leur revanche.
Didier Gilles, encore sur penalty, et Roger Milla à la 90ᵉ minute, douchent les espoirs niçois au Stade du Ray (2-1). Le match retour à Geoffroy-Guichard est une formalité, le Camerounais ayant ouvert le score (4-1).
En huitième de finale, le RC Lens, équipe de D1, se dresse sur la route des Verts. 9ᵉ de leur championnat, les Lensois semblent un obstacle infranchissable, surtout sur une confrontation aller-retour qui avantage l’équipe de division supérieure.
Mais Saint-Etienne a l’avantage de recevoir au match retour. Dans le nord, Jean-Luc Ribar ouvre le score et les Foréziens reviennent avec un nul prometteur (1-1). L’ASSE ne se prive pas de réaliser l’exploit devant 46 352 spectateurs en renversant Lens qui avait marqué les premiers à la 33ᵉ minute. En cinq minutes, en seconde période (79ᵉ et 84ᵉ), dans un stade en fusion, elle assure sa qualification pour le tour suivant.
En quart de finale, c’est un autre club nordiste qui se présente à Geoffroy-Guichard. Devant 47 747 spectateurs, record de spectateurs jamais égalé, Roger Milla reprend de la tête un coup franc de Patrice Ferri à la 45ᵉ minute pour une victoire qui laisse un espoir crédible de passer encore ce tour. Malheureusement, éreintés physiquement, l’ASSE est battue à Lille (0-2) sans avoir démérité. Elle quitte la compétition la tête haute.
L’AFFAIRE MILLA
Roger Milla a grandement contribué à la deuxième partie de saison, globalement positive malgré l’échec de la montée.
Il a joué 41 matches pour 26 buts et il est devenu le chouchou de Geoffroy-Guichard qui s’est régalé avec les gris-gris du Camerounais. Ses performances ont attiré les convoitises, notamment de Montpellier qui aimerait s’attacher ses services.
Milla a signé pour deux ans avec l’ASSE, mais le club de l’Hérault lui fait une proposition très supérieure aux conditions qui sont les siennes dans le Forez. En plus, il a les moyens de racheter la dernière année de contrat de l’attaquant et on voit mal comment le Camerounais peut refuser une offre aussi alléchante.
Dans un premier temps, André Laurent se montre inflexible, d’autant plus qu’il prospecte à l’étranger (en Allemagne dit-on) pour engager un nouvel homme fort offensif.
Les supporters sont déçus par l’attitude volontairement mercantiliste de Milla qui fait monter les enchères pour payer ce qu’il croit être sa juste valeur. On voit mal dès lors comment Saint-Etienne peut le retenir. Elle réclame tout de même 2 millions de francs qui représente l’année de contrat restant à honorer.
À la surprise générale, alors que les deux parties se sont joyeusement écharpées par presse interposée, Roger Milla et André Laurent ont trouvé un accord et l’attaquant reste finalement une saison de plus.
Un autre avant-centre a aussi été recruté. Tony Kurbos est venu pour épauler le joueur africain, mais rapidement, des dissensions apparaissent entre les deux hommes qui vont avoir du mal à s’entendre.
D’autant plus qu’il soupçonne son partenaire d’avoir un meilleur salaire que lui, ce qui a le don de fortement l’agacer. Il est d’ailleurs moins efficace avec seulement onze buts en 30 matches joués avec les Verts.
Mais ils suffisent pour assurer l’accession de Saint-Etienne en D1 qui retrouve enfin l’élite. Peu désireux d’être à nouveau mis en concurrence, le sentiment du devoir accompli, il prend la direction de Montpellier qui n’avait pas renoncé à le recruter.
En deux saisons passées dans le Forez, Roger Milla a ébloui le public stéphanois, émerveillé par ses dribbles chaloupés et son sens du but. Il a été assurément un des meilleurs africains à avoir porté le maillot vert et mérite donc sa place parmi les cinquante meilleurs joueurs de l’AS Saint-Etienne.