Il y a cinquante ans, l’ASSE écrivait l’une des plus belles pages du football français. L’épopée des Verts en 1976 reste gravée dans la mémoire collective : une aventure européenne haletante qui a mené l’équipe de Robert Herbin jusqu’à la mythique finale de Glasgow, le 12 mai, face au Bayern Munich.

Cette campagne n’a pas été seulement une suite de matches, mais un récit épique, ponctué de doutes, d’exploits et de rebondissements, qui a fait vibrer toute la France, bien au-delà du seul peuple stéphanois.

À l’occasion de ce cinquantième anniversaire, nous vous proposons de revivre, presque au jour le jour, cette marche triomphale. Des premiers tours encore hésitants jusqu’au grand soir écossais, replongeons dans l’atmosphère de l’époque, entre blessures, choix tactiques, ferveur populaire et rendez-vous avec l’Histoire. Troisième épisode : De nouveaux Stéphanois en équipe de France

Les Glasgow Rangers prochain adversaire de l'ASSE

 3 octobre 1975 : Le tirage au sort de la Coupe d’Europe des clubs champions a offert aux Verts un adversaire prestigieux : les Glasgow Rangers pour le deuxième tour. C’est un rendez-vous qui fait déjà frémir les supporters stéphanois, conscients de l’aura et de la réputation rugueuse des clubs britanniques. Les Écossais, réputés pour leur puissance physique, ne viendront pas faire de la figuration. À Saint-Étienne, chacun mesure la difficulté du défi, mais aussi l’opportunité de marquer un peu plus l’histoire du club sur la scène européenne.

Jean-Michel Larqué, capitaine et maître à jouer des Verts, déclare forfait pour le match de championnat contre Nîmes, mais aussi avec l’équipe de France pour la rencontre contre la RDA. Son genou, douloureux depuis plusieurs semaines, le fait encore trop souffrir. Un repos prolongé s’impose. Cette absence est un coup dur tant son influence est grande, aussi bien dans le jeu que dans le vestiaire. Ce contretemps a néanmoins une conséquence positive : Christian Synaeghel a la possibilité de réintégrer le XI de départ. Pour lui, c’est une occasion en or de rappeler qu’il peut être plus qu’un simple remplaçant de luxe.

Parallèlement, l’équipe de France est, elle aussi, confrontée à une cascade de forfaits. Outre Larqué, Jean-François Jodar (Lyon) et Georges Bereta (Marseille) sont indisponibles. Stefan Kovacs, le sélectionneur national, choisit alors d’appeler Gérard Janvion, pourtant initialement retenu avec les Espoirs. C’est une première convocation en A pour le défenseur stéphanois. Récompense méritée pour un joueur régulier, rapide, et déjà considéré comme l’un des meilleurs à son poste en championnat. Pour l’intéressé, c’est une immense fierté, et pour l'ASSE, une nouvelle preuve que le club est devenu une véritable pépinière pour les Bleus.

Nîmes – ASSE 2-0, 10e journée du championnat

4 octobre 1975 : À Nîmes, les Verts se présentent amoindris et le paient lourdement. L’absence de Jean-Michel Larqué s’avère rédhibitoire : sans son capitaine, l’organisation offensive manque de liant. L’équipe peine à se créer des occasions franches. Le malheur s’aggrave lorsque Hervé Revelli, pilier de l’attaque et buteur historique du club, doit quitter ses partenaires dès la 27ᵉ minute. Une charge rugueuse de René Girard, coutumier du fait, lui provoque une entorse à la cheville. Il a dû être remplacé prématurément par Pierre Repellini, un défenseur.

La première mi-temps, malgré ces coups du sort, est relativement équilibrée. Mais en seconde période, les Crocodiles de Nîmes prennent l’ascendant. Deux buts encaissés en l’espace de vingt minutes achèvent les Stéphanois, incapables de réagir.

Avec seulement trois points pris sur douze possibles, les Verts sont clairement dans le dur en championnat. Ils glissent à la 6e place du classement et comptent déjà huit points de retard sur Nice, surprenant leader de ce début de saison ; un gouffre qui fait jaser la presse et inquiète les supporters.

France – Hambourg 0-0

7 octobre 1975 : À Strasbourg, au stade de la Meinau, la France dispute un match amical face au Hambourg SV. Si les Bleus n’ont pas vraiment rassuré face à un adversaire de club, pour Gérard Janvion, c’est l’occasion de fêter ses débuts non officiels avec le maillot tricolore. Aligné d’entrée, il livre une prestation sérieuse, appliquée, et prouve qu’il a le niveau international. S’il n’a pas encore l’assurance et l’expérience d’un ancien, il compense par son abnégation et sa vitesse.

La presse salue sa performance et il semble avoir pris une longueur d’avance sur le Lyonnais Raymond Domenech, son concurrent direct pour le poste d’arrière droit. Pour l’ASSE, voir un nouveau joueur se révéler en équipe nationale est une fierté supplémentaire.

Dominique Bathenay appelé chez les A

8 octobre 1975 : Un nouveau coup dur frappe les Bleus : le Niçois Jean-Noël Huck déclare forfait à cause d’une douleur persistante au talon d’Achille. Pour le remplacer, un autre Stéphanois a l’honneur d’être appelé alors qu’il est novice à ce niveau : Dominique Bathenay. Le milieu de terrain, qui était en stage avec les Espoirs, se voit offrir une chance en équipe A.

C’est une ascension rapide pour ce joueur élégant, doté d’une frappe de balle redoutable, et qui symbolise parfaitement la jeunesse triomphante des Verts. En quelques jours, pas moins de trois joueurs stéphanois (Gérard Janvion, Dominique Rocheteau et désormais Dominique Bathenay) se retrouvent ainsi convoqués avec l’équipe de France A.

Robert Herbin et l'ASSE supervise les Glasgow Rangers

11 octobre 1975 : Robert Herbin, jamais avare d’efforts dans la préparation de ses matchs européens, prend l’avion pour l’Écosse afin de superviser personnellement les Glasgow Rangers. Il est accompagné de Jean-Claude Schamberger, le cameraman du club, chargé de filmer la rencontre pour une analyse détaillée. Les Écossais, beaux joueurs, leur facilitent la tâche et les laissent assister sans réticence au match opposant les Rangers à Ayr United.

Contre toute attente, les Rangers s’inclinent lourdement à domicile (0-3). Mais Robert Herbin, prudent, met immédiatement en garde ses joueurs : il ne faut surtout pas s’imaginer que l’affaire sera simple. Glasgow viendra à Geoffroy-Guichard pour le match aller des huitièmes de finale de la coupe d’Europe des clubs champions le couteau entre les dents, animé par l’envie de se racheter, fort de son fighting spirit légendaire.

RDA – France 2-1, première sélection pour Gérard Janvion et Dominique Bathenay

12 octobre 1975 : À Leipzig, les Bleus jouent une partie décisive dans l’optique de la qualification pour l’Euro 1976. Ils n’ont pas d’autre choix que de ramener un résultat positif, mais l’affaire tourne mal. La RDA, solide et réaliste, s’impose 2-1 et réduit à néant les espoirs tricolores.

Pourtant, les Stéphanois présents se sont distingués. Dominique Bathenay, pour sa première sélection, ouvre le score d’une frappe splendide à la 50e minute. Un rêve éveillé pour le milieu de terrain, récompensé de sa progression fulgurante. Mais ce but restera anecdotique : les Allemands de l’Est réagissent rapidement et renversent la situation. Gérard Janvion sera sérieux et appliqué, alors que Dominique Rocheteau, a été remuant sur son aile.

La déception est immense dans le camp français, mais du côté stéphanois, on retient surtout la confirmation que les jeunes Verts sont capables de briller au niveau international. Herbin, spectateur attentif de la rencontre, sait que cette expérience accumulée servira dans les grandes batailles européennes à venir.

À suivre...