À l’occasion des 90 ans de l’AS Saint-Etienne, le site Peuple-vert vous propose le portrait des 50 meilleurs joueurs de l’ASSE parmi les 775 qui, depuis 1933, ont un jour porté le maillot Vert.
De la place 50 à 21, les joueurs classés seront présentés par ordre alphabétique.
Un attaquant de classe international
Cornelis Bernardus Rijvers est né le 27 mai 1926 à Breda aux Pays-Bas. Il fait ses premiers pas dans le football de haut niveau dans le club de sa ville de naissance, le NAC Breda, dans lequel il reste cinq saisons de 1945 à 1950. Il s’impose rapidement au sein de l’attaque néerlandaise et obtient même sa première sélection en équipe nationale des Pays-Bas le 3 octobre 1946 contre le Luxembourg (6-2).
Tout au long de sa carrière, il totalisera 30 capes pour dix buts inscrits et fera même partie de l’équipe de Hollande disputant les premiers jeux olympiques d’après-guerre en 1948 à Londres.
La cote de popularité de Rijvers commence tout naturellement à traverser les frontières. Déjà en 1945, Lille voulait s’attacher ses services, mais il n’était pas libre, n’ayant pas encore effectué son service militaire.
En 1949, il refuse une proposition du Stade Français. Entre-temps, il a été sélectionné avec l’équipe du Reste du Monde pour affronter l’Angleterre. C’est dire le niveau atteint.
En 1950, Pierre Guichard, qui a repris la présidence de l’AS Saint-Etienne, dispose de ressources financières intéressantes grâce à la subvention accordée par la Mairie.
Le Président de l'ASSE est conseillé par Gabriel Hanot, le père de la future Coupe d’Europe des clubs champions, et par Antoine Cuissard qui se souvient l’avoir affronté en 1947 lors d’un France-Pays-Bas. Une rencontre à laquelle a d’ailleurs également participé René Alpsteg, le président stéphanois rentre en contact avec Kees Rijvers.
En moins d’une demi-heure, ce dernier accepte la proposition stéphanoise. Malgré les réticences des années 1950 selon lesquelles les footballeurs néerlandais étaient forcément lésés lorsqu’ils partaient à l’étranger et qu’ils n’avaient aucune chance de s’épanouir hors de leurs frontières.
Rijvers ne pouvait pas refuser le contrat de l’ASSE qui faisait de lui un joueur de football professionnel avec un salaire avantageux, d’autant plus que les perspectives du club semblaient alléchantes.
Une histoire de crampons
Ce sont Antoine Cuissard et Guy Huguet qui sont chargés d’accueillir Kees Rijvers à sa descente de train. Il est précédé d’une réputation flatteuse et justifiée qui fait de lui un des dix meilleurs attaquants européens.
Pourtant, quand il arrive avec sa femme, son enfant et son mètre soixante-deux, il n’est pas forcément impressionnant, surtout qu’il est encadré par Cuissard et Huguet, qui eux sont des forces de la nature.
Il arrive cependant avec une innovation importante : des crampons vissés, un accessoire quasiment inconnu à cette époque en France. À chaque déplacement, il en avait une grande quantité de tailles différentes dans son sac et il pouvait entrer dans de grosses colères quand il s’apercevait qu’il n’avait pas ceux qui lui convenaient.
Son acclimatation est rapide, car il assimile facilement les schémas de jeu du tout nouvel entraîneur, Jean Snella.
Son entente avec le technicien mythique est parfaite et ce dernier a très bien compris comment utiliser les immenses qualités techniques de son attaquant.
Le Hollandais, quant à lui, se fie entièrement au jugement de son entraîneur avec lequel il prend un grand plaisir à travailler. Il se lie d’amitié avec la plupart des joueurs de l’équipe et plus particulièrement avec les frères Alpsteg, De Cecco, Fernandez, Cuissard, Domingo ou encore Ferry ce qui ne pouvait que faciliter son intégration.
Une carrière exemplaire à l'ASSE
Kees Rijvers est titularisé pour la première fois en championnat le 17 décembre 1950 contre Lille (3ᵉ) alors que l’ASSE vient d’essuyer une terrible défaite au Stade Français (0-4).
Les spectateurs, émerveillés, découvrent un véritable tourbillon de fantaisie mettant au supplice les défenseurs adverses.
Les Stéphanois, sans complexes, l’emportent facilement 5-1. Infligeant aux Lillois leur plus lourde défaite depuis le début de la saison. Rapidement, on le surnomme « Trottinette » à cause de son jeu de jambe étonnant et de l’art du contrepied qu’il manie à la perfection.
Il inscrit son premier but sous ses nouvelles couleurs le 7 janvier 1951. Il ne manque plus qu’une seule rencontre jusqu’à la fin de la compétition, participant activement au bon parcours des Verts en Coupe de France où ils atteignent la demi-finale.
Pendant ses trois premières saisons à Saint-Etienne, il est un des principaux artisans du renouveau du club qui laisse loin derrière lui les années de vaches maigres qui ont failli mettre fin à ses jours à la fin des années 40.
Il quitte néanmoins le Forez pour une escapade à Paris au Stade Français où il reste deux années, effectuant même une saison en deuxième division. Il aurait dû signer à Valence, en Espagne, qui le réclamait, mais il a attrapé la jaunisse et son transfert a capoté.
Un retour à l'ASSE
Il revient à l’ASSE en 1955 avec pour mission d’encadrer les nouvelles pousses qui pointent le bout de leur nez pour le plus grand bonheur de Jean Snella qui les a formés à cette intention.
Avec Rachid Mekloufi et Eugène N’Jo Lea, il constitue un trio offensif redoutable (surnommé « l’attaque mitraillette ») qui lamine tout sur son passage.
En 1957, l’ASSE remporte son premier titre de champion de France et Kees Rijvers obtient la distinction de meilleur joueur du championnat décernée pour la toute première fois par le journal France-Football.
Il ne peut cependant pas participer à la Coupe d’Europe l’année suivante, car il est rattrapé par le fisc français qui lui réclame des arriérés qu’il ne peut honorer.
Il demande à l’ASSE de lui avancer l’argent nécessaire, mais la trésorerie est insuffisante. Il choisit donc de s’exiler au Feyenoord Rotterdam qui a accepté de prendre à son compte ses difficultés financières. Il n’apprécie pas la mentalité qui y règne et après avoir remboursé sa dette, il est tout heureux d’accepter de répondre à l’appel de Saint-Etienne en 1960 qui a de nouveau besoin de ses services.
Toutefois, cette dernière expérience n’est guère enthousiasmante. Jean Snella a quitté le navire et il rentre en conflit ouvert avec son successeur, René Vernier, qui était contre sa venue. Vernier est limogé et remplacé par François Wicart qui termine la saison. Henri Guérin entame la suivante sans que cela change fondamentalement la situation.
Des heures moins glorieuses
L’ASSE ne parvient pas à quitter les profondeurs du classement et après une humiliante défaite à Lyon (0-4), il est, lui aussi, débarqué par Roger Rocher, le nouveau président du club, qui connaît un pénible baptême du feu.
Domingo et Rijvers assurent alors l’intérim avant que Wicart ne serve à nouveau de pompier de service. À 36 ans, le Hollandais n’a plus les qualités techniques pour empêcher le club de descendre en deuxième division. Paradoxalement, l’ASSE remporte la Coupe de France en battant Nancy 1-0 mais, blessé, il ne participe pas à ce match.
Ainsi s’est terminée la carrière de Kees Rijvers à Saint-Etienne. Il n’a pas accompagné la plupart de ses équipiers en deuxième division, Roger Rocher l’ayant exempté de cette tâche.
On doit reconnaître qu’il n’y a pas eu une osmose parfaite entre les deux hommes. Même si le président débutant a recherché l’appui de son illustre attaquant lorsqu’il a fallu confier un temps les rênes de l’équipe à des éléments expérimentés.
De l’autre côté, Rijvers n’était plus que l’ombre du brillant artiste drivé par Jean Snella et il a avoué bien des années plus tard n’avoir pas été impressionné par les compétences du dirigeant stéphanois.
Un entraîneur maudit contre les Verts
Kees Rijvers est par la suite retourné dans son pays d’origine où il a rapidement entamé une carrière d’entraîneur. Influencé lui aussi par les leçons du maître Jean Snella dont il assure qu’aucuns des techniciens qu’il a côtoyé ne l’a jamais dépassé.
Il s’est suffisamment distingué pour se voir confier, dans le milieu des années 1970, la direction du PSV Eindhoven qui a réussi, sous ses ordres, à supplanter le grand Ajax Amsterdam qui dominait alors le football européen.
Caprices du destin, il s’est retrouvé par trois fois sur la route de l’AS Saint-Etienne en Coupe d’Europe.
La première tentative aurait dû être couronné de succès : on se demande encore comment le PSV a pu être éliminé en demi-finale de la Coupe des Champions en 1976 face à un adversaire qu’elle aura globalement dominé sur l’ensemble des deux matches sans toutefois parvenir à marquer.
Les deux confrontations suivantes se sont révélées être des échecs cuisants, surtout l’affrontement en Coupe de l’UEFA en 1979 où les Bataves ont été humiliés 6-0 à Geoffroy Guichard après avoir pourtant remporté la première manche 2-0.
Kees Rijvers, le « lutin stéphanois » ou encore « Trottinette » aura donc marqué directement ou indirectement l’histoire de l’AS Saint-Etienne pendant presque trente ans et qui s’est éteint le 4 mars 2024 à l’âge de 97 ans.
🖤 Du haut de ses 97 ans, il était le doyen de nos anciens Verts. Il restera un formidable joueur, un artiste pour toute une génération de Stéphanois !
Kees Rijvers s'est éteint. Nous pensons à lui et à ceux qui l'aimaient. pic.twitter.com/cKSs2eZfSz
— AS Saint-Étienne (@ASSEofficiel) March 4, 2024
By Albert Pilia