Depuis plusieurs années, la Ligue 1, autrefois prisée par des millions de téléspectateurs, subit une érosion inquiétante de son audience. Avec un public qui se détourne du petit écran et des tarifs d’abonnement qui continuent de grimper, les diffuseurs peinent de plus en plus à rentabiliser leur investissement dans le championnat français. Retour sur une crise d’audience et de modèle économique qui s’étend bien au-delà des terrains de football.
L’audience télévisée de la Ligue 1 a considérablement chuté ces dernières années. En 2019-2020, les matchs diffusés sur Canal Plus ne rassemblaient plus que 851 000 téléspectateurs en moyenne, selon le magazine Capital, soit une baisse de 50 % par rapport à la saison 2008-2009. Plusieurs facteurs expliquent cette érosion : l’évolution des habitudes de consommation des jeunes, de moins en moins portés sur la télévision, et l’hégémonie du PSG, qui a ramené des stars internationales, mais a aussi ôté une part de suspense dans le championnat. Depuis son rachat par le Qatar en 2011, le club parisien domine largement la Ligue 1, laissant peu de place aux autres équipes pour rivaliser, ce qui a inévitablement réduit l’intérêt du public.
L'opacité autour de l'audimat de la Ligue 1
Parallèlement, le piratage des matchs de Ligue 1 s’est accru, alimenté par le coût élevé des abonnements aux chaînes payantes. En moyenne, chaque journée de championnat comptait 626 000 spectateurs pirates, il y a 3 saisons. Les offres tarifaires dissuasives de DAZN n'ont certainement pas arrangé cette situation. La Ligue de Football Professionnel (LFP), les diffuseurs comme Canal Plus et Médiamétrie refusent de publier leurs chiffres d’audience. De quoi laisser planer une certaine opacité sur la situation réelle. Ce silence pourrait bien être le reflet de chiffres d’audience décevants, qui remettent en cause le modèle économique du football français.
Conséquence de ce contexte difficile, le coût des droits télévisés de la Ligue 1 a d'abord augmenté malgré des chiffres en baisse avant de s'écrouler cette saison. Alors qu’en 2008-2009, au pic de son audience, ces droits étaient vendus à 576 millions d’euros, en 2020, ils atteignaient 1,15 milliard d’euros. En 2024, ces droits ont été négociés pour péniblement atteindre les... 500 millions d'euros ! L'inflation connue il y a quelques années a créé une pression financière pour les diffuseurs, qui peinaient à équilibrer les recettes d’abonnement avec le montant des droits de diffusion. Plusieurs chaînes, comme TPS, Orange et BeIn Sport, ont tenté de relever ce défi en absorbant les pertes, mais sans succès.
Les diffuseurs surpayent, les abonnés aussi !
L’exemple le plus frappant de cette inadéquation entre droits et audience est celui de Mediapro, qui a acquis les droits de la Ligue 1 en 2020 avec des ambitions élevées. Pour rentabiliser son investissement, la chaîne devait atteindre 3,5 millions d’abonnés, alors que l’audience moyenne de la saison précédente sur Canal Plus n’était que de 851 000 spectateurs par match. Mediapro n’a finalement rassemblé que 600 000 abonnés, un chiffre très en dessous des prévisions. Pourquoi ? Parce que comme cela se produit cette saison avec DAZN, Mediapro avait proposé des abonnements à des tarifs bien trop élevés. Conséquence : les supporters se sont massivement tournés vers des solutions de streaming illégal pour suivre les matchs.
La LFP, en cherchant à maximiser les revenus des droits de diffusion, a ainsi contribué à exclure de nombreux fans du circuit légal de diffusion. Ce choix, associé à une concurrence croissante d’autres formes de divertissement sportif et numérique, enferme aujourd'hui le football français dans un cercle vicieux : des tarifs d’abonnement qui augmentent, des audiences qui diminuent, et un piratage en constante hausse.
À mesure que la LFP cherche de nouveaux diffuseurs, l’avenir de la Ligue 1 dépendra de sa capacité à redéfinir ce modèle, pour concilier la rentabilité économique des chaînes et une plus grande accessibilité pour le public. Faute de quoi, l’audience pourrait continuer à dégringoler, laissant les stades et écrans de plus en plus vides.