Michel Lafon, rapporteur de la mission d’information sur la financiarisation du football, a participé à un contrôle sur pièces et sur place, ce jeudi matin, au siège de la Ligue de Football Professionnel (LFP). Une visite qui a mis en relief de nombreux points d'interrogations et renforcé l'inquiétude autour de la santé financière des clubs professionnels français. Vincent Labrune et les responsables du football français sont également épinglés sur leurs revenus et le décalage qu'il existe entre ces derniers et le niveau de vie de ceux qui l'alimentent : les supporters. Extraits de la conférence de presse organisée ce jeudi.
Les perspectives financières des clubs professionnels français sont préoccupantes. Seuls les clubs bénéficiant de droits internationaux ou soutenus par des actionnaires solides pourront envisager l'avenir sereinement. Il existe un risque réel d’un championnat à deux vitesses, qui affaiblirait l’attractivité de la Ligue 1.
Urgent que la LFP engage des réformes de fond
Michel Lafon, le rapporteur de la mission d’information sur la financiarisation du football, déplore également le court-termisme qui prévaut dans les réflexions de la Ligue et des clubs. L’apport de CVC, bien que substantiel, n’a pas eu l’effet escompté sur les montants des droits TV. Selon lui, il est urgent que la Ligue engage des réformes de fond, notamment en matière de gouvernance, de transparence, et de train de vie. Voici ce qu'il fallait retenir de sa conférence de presse après avoir contrôlé le siège de la LFP :
Premier constat : "Il existe un contraste frappant entre le train de vie de la Ligue et la situation financière des clubs. Ce décalage mérite toute notre attention. Nous avons noté que, sur la période 2022-2024, les effectifs de la LFP et d'AFP Média sont passés de 77 à 137 CDI, tandis que la masse salariale a augmenté de 7 à 17,5 millions d’euros. Cette hausse des effectifs et des salaires contraste avec la forte diminution des revenus liés à la vente des droits TV."
"Le salaire du président de la Ligue a triplé !"
Deuxième constat : "Le salaire du président de la Ligue, M. Labrune, a triplé pour atteindre 1,2 million d’euros annuels suite à l’opération avec CVC. De plus, il devait percevoir un bonus de 3 millions d’euros. Toutefois, comme annoncé en juillet dernier, il a renoncé à inclure ce bonus dans le calcul de son indemnité de départ."
Troisième constat : "La décision de la Ligue d’acquérir un nouveau siège pour un montant de 131 millions d’euros suscite des interrogations. Dans un contexte d’incertitude financière lié à l’évolution des droits TV, cet achat apparaît comme une prise de risque importante."
En ce qui concerne les droits TV, les résultats des ventes à Amazon, DAZN et Bein ne sont pas à la hauteur des attentes. La Ligue espérait obtenir 1,1 milliard d’euros de revenus, mais la situation est loin de cet objectif. Les reversements aux clubs pour la saison 2024-2025 seront en forte baisse : 190 millions d’euros pour la Ligue 1 contre 495 millions la saison précédente, et 39 millions pour la Ligue 2 contre 83 millions. La possibilité offerte à la LFP et DAZN de se retirer au bout de 2 ans si certains objectifs ne sont pas atteints (notamment le chiffre de 1.5 millions d'abonnés à DAZN) est dénoncé par la commission comme une erreur stratégique qui pourrait mettre les clubs français en grande difficulté.
"Un décalage croissant entre les responsables du football français et ceux qui le font vivre au quotidien, comme les supporters"
Laurent Lafon, Président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport est également intervenu afin d'évoquer les salaires de certains membres de la LFP, et notamment celui de son président Vincent Labrune. Ce dernier émarge à 1.2 millions d'euros par an. Laurent Lafon tire à boulets rouges sur les dirigeants de la LFP qui s'octroient de très confortables revenus, en décalage avec ceux qui font vivre le foot, et notamment les supporters.
Laurent Lafon : "Les responsables de la Ligue doivent prendre conscience que certaines décisions récentes, notamment en matière salariale, doivent être reconsidérées. Cela inclut aussi des choix concernant les locaux et les recrutements effectués ces dernières années. Il est inconcevable de maintenir le même niveau de rémunération ou d'organisation que celui envisagé il y a deux ans, même si la fixation du salaire de Vincent Labrune a été validée par le conseil d'administration. Cela soulève des questions, notamment en raison du bonus perçu lors de l'opération avec CVC. Dans le rapport de Michel Savin, nous formulerons des propositions pour introduire une certaine éthique dans le football professionnel français. Il est préoccupant de constater un décalage croissant entre les responsables du football français et ceux qui le font vivre au quotidien, comme les supporters. Ce décalage est inacceptable, et nous ferons des propositions dans ce sens."
Les supporters bientôt associés aux décisions de la LFP ?
La commission verrait également d'un bon œil que les supporters soient davantage associés aux décisions stratégiques de la LFP : "Un exemple concret, sur les droits TV de la Ligue 2 : lors de l'appel d'offres, il n'était pas précisé que les matchs auraient lieu le vendredi. Les supporters l'ont appris après coup. Les clubs de supporters nous ont expliqué qu'ils avaient lancé leurs abonnements comme la saison précédente, et aujourd'hui, certains d'entre eux se voient obligés de rembourser des abonnements, car des supporters ne peuvent plus suivre leur équipe le vendredi", explique Laurent Lafon.
"Il est donc important que les supporters soient au moins associés au débat avant les décisions. Bien sûr, il y aura des arbitrages, comme dans toute démocratie. Mais aujourd'hui, ils sont mis devant le fait accompli, sans avoir été consultés, et ce sont surtout ceux qui font vivre les clubs qui en pâtissent."