À l’occasion des 90 ans de l’AS Saint-Etienne, le site Peuple-vert vous propose le portrait des 50 meilleurs joueurs de l’ASSE parmi les 775 qui depuis 1933, ont un jour porté le maillot vert. De la place 50 à 21, les joueurs classés seront présentés par ordre alphabétique. JEAN SNELLA (113 matches de 1938 à 1946)

Une carrière de joueur aboutie pour Jean Snella

Jean Snella est né le 9 décembre 1914 à Mengede (aujourd’hui Dortmund). Sa famille d’origine polonaise (Poznan) s’établit dans le bassin houiller du Pas de Calais, à Dourges entre Hénin-Liétard (aujourd’hui Henin-Beaumont) et Lens. Rentré très tôt dans la vie active, il devient apprenti ajusteur aux mines de Dourges puis mécanicien dans la Compagnie Arrageoise de transport public. Il devance l’appel sous les drapeaux pour servir au 3ᵉ régiment du génie avec lequel il gagne par trois fois le championnat de France militaire. Ses prédispositions pour le football lui ouvrent tout naturellement les portes du grand club du Nord, l’Olympique Lillois (l’ancêtre du LOSC) qui est devenu le premier champion de France de l’Histoire en 1933 année de naissance de l’AS Saint-Etienne.

Après quatre années de bons et loyaux services, il accepte la proposition des dirigeants stéphanois et en 1938, il vient renforcer une équipe qui vient d’obtenir son ticket pour jouer en Première Division. Il a vingt-quatre ans et tout l’avenir devant lui.

Son acclimatation est remarquablement rapide malgré son épouvantable accent « ch’timi » qui pouvait lui donner bien du fil à retordre lorsqu’il s’agissait de se faire comprendre dans une région où régnait un autre accent quasiment aussi prononcé. Néanmoins, il est attiré par la gentillesse et la disponibilité des stéphanois, mineurs de fonds comme l’a été autrefois son père, ce qui explique certainement que le courant est aussi bien passé entre eux.

La première saison est un véritable succès matérialisé par une très belle et surprenante quatrième place à laquelle il prend une part prépondérante. Il est un titulaire indiscutable avec 34 matches joués. Il n’est d’ailleurs pas étranger au fait que la défense stéphanoise avec seulement trente buts encaissés soit la meilleure du championnat.

De telles performances attirent l’attention des sélectionneurs nationaux qui le convoquent pour le match Italie-France à Naples le 4 décembre 1938. Face au champion du monde en titre, il fait preuve à cette occasion d’une étonnante franchise. Une marque de fabrique immuable tout au long de sa carrière et qui lui vaudront un immense respect. S’estimant insuffisamment préparé et pensant que d’autres méritaient davantage que lui de figurer sur la feuille de match, il refuse sa titularisation qui lui avait pourtant été annoncée par Gaston Barreau, le sélectionneur. La chance ne se représentera jamais plus et il devra se contenter de l’équipe de France B, car comme pour beaucoup, la Seconde Guerre mondiale vient mettre un frein brutal à son ascension.

 

L'ASSE, Jean Snella et la Seconde Guerre mondiale

Jean Snella est mobilisé, participe à la campagne de Belgique et il est fait prisonnier à Evreux. Il parvient cependant à s’évader et à passer la ligne de démarcation d’où il rejoint Saint-Étienne. Il retrouve sa place dans l’équipe première que Pierre Guichard essaie de maintenir coûte que coûte. La situation n’est pas des plus simples et on imagine facilement que la période n’est pas des plus propices à la pratique du football de haut niveau. Jean Snella se blesse sérieusement en 1940-41 et il fait cruellement défaut à l’ASSE qui n’obtient pas des résultats mirobolants.

Avouons que compte tenu des circonstances, les entraînements étaient plus que sommaires. À tel point que Jean Snella et Pierre Garonnaire, qui se rencontrent pendant les années d’Occupation, sont obligés de s’offrir un préparateur physique qu’ils sollicitent trois fois par semaine et paient cinq francs/h. C’est le début d’une belle amitié entre les deux hommes que le partage des sandwiches dans les trains n’a pu que renforcer. C’est surtout une complicité dont on ne soupçonne pas encore les conséquences pour l’AS Saint-Etienne.

Nous n’en sommes pas encore là et en 1943, le gouvernement de Vichy, par l’intermédiaire du colonel Pascot, le commissaire au sport, décide purement et simplement de supprimer le professionnalisme qu’il vilipende violemment. Tous les joueurs stéphanois sont reversés d’office dans une équipe régionale créée de toutes pièces et qui s’appelle Lyon-Lyonnais. Pierre Guichard se bat de toutes ses forces contre ces mesures injustes en mobilisant tous les notables de la région (le maire de Saint-Etienne, Antoine Pinay, futur président du Conseil) les mettant à contribution.

En désespoir de cause, il conserve dans son effectif, Casy, Ignace Tax, Jean Lauer et Jean Snella qu’il fait passer pour des salariés de Casino. La supercherie est vite éventée et les quatre malheureux sont radiés à vie. En protestation, Pierre Guichard démissionne.

Heureusement, la Libération met un terme à ses mesures grotesques et annule les sanctions prises à l’encontre des fautifs. Le sport peut donc reprendre ses droits. Jean Snella effectue une dernière saison en 1945-46 sans véritablement apporter toute son expérience même si l’équipe obtient une fabuleuse 2ᵉ place. Handicapé par des douleurs aux dos récurrentes et par des genoux privés de ses deux ménisques, il est contraint de mettre un terme à sa carrière de joueur.

Une nouvelle vie commence, celle d’entraîneur. Un choix de vie qui va l’emmener vers les sommets. En attendant, par ses performances en tant que joueur avec l’AS Saint-Etienne, Jean Snella mérite amplement de faire partie des cinquante meilleurs de l’histoire du club.

 

By Albert Pilia