La présentation des cinquante meilleurs joueurs de l’histoire de l’ASSE continue. Après vous avoir exposé les portraits des joueurs situés de la 21e à la 50e place par ordre alphabétique, nous vous révélons désormais ceux qui sont situés de la 20e à la première place. Cette fois-ci, ils seront publiés dans l’ordre décroissant. Après le 15e, Bernard Bosquier, place au 14e !

CLAUDE ABBES
(298 matches de 1952 à 1962)
LE GARDIEN DES PREMIERS TITRES

1952, l’ASSE A LA RECHERCHE D’UN GARDIEN

Claude Abbes est né le 24 mai 1927 à La Caumette dans l’Hérault. Il signe ses premières licences de footballeur dans des villages proches de Béziers comme Bédarieux et Lobastide. Grand pour l’époque, 1,80 m pour 80 kg, il s’impose rapidement au poste difficile de gardien de but. Il est suffisamment adroit pour se faire remarquer et il intègre tout naturellement les rangs de Béziers en 1951, le club le plus huppé de sa région. Il n’y reste qu’une seule saison car il est contacté par les émissaires stéphanois qui recherchent un gardien pour stabiliser la défense de l’équipe première en difficulté en première division.
En effet, au cour de la saison 1952-53, à la fin des matches allers, l’ASSE occupe une peu reluisante 18e et dernière place au classement général. La situation est grave et avec dix défaites en 17 journées, la défense, qui a encaissé 42 buts soit dix de plus que son plus proche concurrent le FC Nancy, est montrée du doigt. Jean Snella, qui veut mettre en place un football offensif basé sur la vitesse d’exécution et une disponibilité totale de tous les acteurs sur le terrain, est impuissant à coordonner efficacement son arrière-garde. Il lui manque un patron que ne sont pas Jacques Ferrière et Michel Jacquin, les habituels titulaires dans les cages de l’ASSE.
Il charge donc Pierre Garonnaire de lui trouver la perle rare capable de remettre de l’ordre dans la surface de réparation. En effet, il ne s’agit plus dès lors de recruter une élément jeune, talentueux et en devenir mais bien de réaliser le transfert d’un joueur confirmé qui comblerait un manque flagrant dans le groupe stéphanois que l’école de football interne n’a pas réussi à former. Dans cet exercice, Garonnaire est également très bon comme il va le prouver avec l’un de ses premiers transferts à sensation qu’il mènera à bout.

PAS DE GRANDE ÉQUIPE SANS GRAND GARDIEN

Claude Abbes accepte donc la proposition de l’AS Saint-Etienne et il dispute sa première rencontre officielle le 28 décembre 1952 à Reims dans le cadre de la 18e journée du championnat, la première des matches retour. On aurait pu rêver mieux comme baptême du feu pour le nouvel arrivant qui est mis immédiatement dans le vif du sujet. Reims est l’incontestable leader et la meilleure attaque avec 46 buts marqués. D’ailleurs, à Geoffroy Guichard, au match aller, l’équipe d’Albert Batteux avait infligé une véritable correction aux hommes de Jean Snella inscrivant pas moins de six buts pour une victoire nette et sans bavure (6-2). Les mauvaises langues ne laissent ainsi planer le moindre doute sur l’issue de la rencontre, l’étendue du score étant la seule inconnue de cette confrontation.

Si l’ASSE est finalement battue 2-0 sur un but du maître à jouer, Kopa, et à la suite d’un penalty transformé par Glovacki, la déroute supposée n’a pas lieu. Au contraire, la métamorphose semble s’être engagée et elle se confirme lors des matches retours où les Verts ne s’inclineront plus que quatre fois dont deux dans les trois dernières journées lorsque le maintien était quasiment assuré. A la dérive pendant une bonne partie de la saison, le redressement est spectaculaire et laisse supposer des lendemains enchanteurs. La machine, qui aurait pu se gripper définitivement, est désormais lancée sur de bons rails et Saint-Etienne obtient son premier titre, la Coupe Drago, en 1955 puis gagne le championnat de France en 1957 et dispute ses premières rencontres de Coupe d’Europe la saison suivante face aux Glasgow Rangers et tout cela avec un Claude Abbes au sommet de son art.

LA CONSÉCRATION AVEC L’EQUIPE DE FRANCE POUR CE GARDIEN DE L’ASSE

Toujours aimable, souriant et, au-delà de sa manie de toujours porter des pulls lorsqu’il jouait, il a apporté un vent de fraîcheur dans le championnat français car s’il n’était pas aussi brillant sur sa ligne que pouvaient l’être un François Remetter ou un René Vignal, il leur était largement supérieur dans des domaines peu courant pour l’époque. En effet, avec la tactique offensive prônée par Jean Snella, il s’est transformé en un gardien-libéro très en avance sur ses contemporains se caractérisant par une autorité sans failles sur les sorties dans les jambes et les balles aériennes où sa sûreté d’exécution a fait merveille.

Ces qualités peu communes ont évidemment attiré l’attention des sélectionneurs qui ont fait appel à lui. Il connaît sa première sélection le 27 octobre 1957 contre la Belgique où il fait étalage de toute sa classe permettant à la France, grâce à ce match nul, de se qualifier pour la phase finale de la Coupe du Monde. Il est de nouveau sollicité un mois plus tard contre l’Angleterre à Wembley en compagnie de deux nouveaux capés stéphanois, Richard Tylinski et René Domingo. Les Français dépassés par la vivacité britannique, il ne peut empêcher la déroute en terre anglaise (0-4). Mais il a été lourdement touché dans sa chair. À la 59e minute, il est violemment percuté par un Anglais mais il conserve sa place jusqu’au coup de sifflet final s’attirant l’admiration de la presse anglaise. À la fin du match, il est transporté en urgence à l’hôpital, touché aux reins. Il ne sera autorisé à sortir que le 5 décembre après une semaine passée en observation.

FANTASTIQUE ÉPOPÉE SUÉDOISE EN 1958

Avec François Remetter, ils se partagent la place de titulaire au sein de l’équipe de France et c’est d’ailleurs le Strasbourgeois qui débute la Coupe du Monde 58 en Suède en jouant les deux premiers matches de la compétition. Comme en 1954 en Suisse, il est le remplaçant condamné au banc de touche. Mais après la défaite face à la Yougoslavie, le duo Batteux-Snella, constitué pour diriger l’équipe de France, fait appel à ses services pour disputer la partie capitale face à l’Ecosse. Grâce à sa victoire 2-1, elle se qualifie pour les quarts de finale et c’est désormais le Stéphanois qui est sollicité jusqu’à cette fabuleuse demi-finale contre le Brésil.

Diminués par la blessure de Jonquet, obligé de quitter ses partenaires, il ne peut rien pour contrer le festival d’un génial débutant dénommé Pelé qui réussit un hat-trick. Il n’empêche, en battant l’Allemagne pour la 3e place, la France réussit une performance à laquelle il aura largement participé et qui restera pendant longtemps une référence.

La suite de la carrière de Claude Abbes est affectée par les résultats en dents de scie de l’ASSE. Il fait partie du groupe qui gagne la Coupe de France en 1962 mais il ne peut éviter que la saison se termine par une descente en deuxième division. Il quitte ainsi le Forez et entreprend de terminer ses études d’ingénieur qui l’amène à un poste important au CEA de Pierrelatte de 1962 à 1970. En même temps, il devient entraîneur-joueur de Montélimar qu’il propulse jusqu’en deuxième division. Il occupe par la suite le poste de directeur sportif de ce club avec plus ou moins de bonheur. Ce n’est qu’au moment de prendre sa retraite qu’il retourne à Saint-Etienne où Roger Rocher lui octroie un poste au conseil d’administration de l’ASSE. Il le quitte au moment de l’affaire de la « caisse noire » par fidélité pour son président de toujours.

Claude Abbes est donc l’archétype du gardien moderne qui a permis à l’AS Saint-Etienne de franchir une nouvelle dimension, celle qui a mené aux premiers titres. On peut ainsi affirmer sans trop se tromper qu’il appartient à la famille des goals légendaires des Verts et que sa place parmi les cinquante meilleurs joueurs de l’histoire du club n’est absolument pas usurpée.