Comme chaque semaine, nous mettons à l'honneur une des Légendes du club. Place désormais aux dix meilleurs joueurs de l’histoire de l’ASSE. Ceux qui occupent une place spéciale au firmament du club. Ils ont marqué une époque, une génération. Ils ont pris part à la légende et permis à ce que les Verts soient encore aujourd’hui à part dans le cœur des Français. Voici le portrait du 8ᵉ : René Domingo (533 matches, 43 buts de 1949 à 1964).

Le Capitaine Mythique de l'ASSE

René Domingo est né le 28 décembre 1928 à Sourcieux-les-Mines (Rhône) mais il passe toute sa jeunesse en Auvergne où il s’adonne aux joies du football dans un club renommé de la région, La Combelle. En 1949, Monsieur Saulnier (typographe de l’ASSE et autrefois joueur du CO Saint-Chamond notamment) repère deux bons joueurs. Domingo et Ferenc Koczur Ferry évoluant lors d'un match de sélection junior dans un quartier de Saint-Etienne, au Soleil, puis au cours d’un match de la Coupe nationale UFOLEP au stade de Solaure, autre enceinte sportive stéphanoise.

Maître Perroudon, alors président de l’ASSE, donne son accord pour engager les deux footballeurs et prendre de vitesse la concurrence qui ne manquerait pas d’être intéressée par la qualité de ces deux recrues potentielles.
Un matin de mai 1949, Alex Fontanilles, Ignace Tax et Monsieur Farel, s’installent dans une V8 21 CV, direction La Combelle. Arrivé sur place, c’est Ferry, un blondinet de 18 ans, qui leur indique le chemin de Jacky Domingo, le père de René, également entraîneur de l’équipe de la ville et de Jean Bourdier, un ex-joueur de l’ASSE (1939-41) originaire de Côte-Chaude qui est devenu le directeur technique du club.

Ferry donne son accord pour rejoindre les rangs des Verts bien avant midi, mais Domingo hésite à franchir le pas. Son papa est veuf et est atteint d’une maladie incurable, la Silicose, terrible fléau touchant les mineurs. Ce dernier, pourtant, pousse son fils à accepter cette opportunité et les deux espoirs auvergnats s’engagent pour l’ASSE.

Il effectue son premier match avec les Verts le 23 octobre 1949 à Sochaux, mais, peut-être tétanisé par l’enjeu, il passe complètement au travers, humilié par son adversaire direct qu’il était censé surveiller, ce dernier s’offrant un festival. Après cette défaite douloureuse (2-6), il est la cible des quolibets de ses partenaires et de la presse qui ne l’épargne pas. Vexé, il veut repartir chez lui. Heureusement, il serre les dents et Ignace Tax lui donne une deuxième chance le 25 décembre 1949 à Geoffroy Guichard contre le FC Sète en guise de cadeau de Noël. Cette fois-ci, il ne la laisse pas passer. L’ASSE gagne 1-0. Et surtout, le 1ᵉʳ janvier 1950, il inscrit les deux buts de la victoire contre le RC Lens (2-0) marquant les vrais débuts de Domingo à Saint-Etienne. Sa carrière, qui aurait pu s’achever aussi vite qu’elle avait commencé, est définitivement lancée.

La pierre angulaire de l'entre-jeu stéphanois

C’est avec l’arrivée de Jean Snella, la saison suivant, qu’elle prend sa véritable dimension. L’entraîneur stéphanois en fait un des piliers de sa formation et lui offre rapidement le brassard de capitaine. Ce choix ne supporte aucune contestation tellement Domingo fait corps avec son club. Il représente au plus haut point les valeurs que Jean Snella défend bec et ongles : le travail, l’humilité, l’abnégation et l’amour du maillot. C’est sur ces fondations qu’il peut construire un football offensif et toujours en mouvement. Avec lui à sa tête, Snella est sûr que l’équipe est bien gouvernée, notamment lors des derbies contre l’Olympique Lyonnais qui voient le jour dans les années 50.

Cette décennie est à marquer d’une pierre blanche parce qu’elle est celle des premières distinctions. Le 3 juin 1955, Domingo soulève la Coupe Drago, le premier trophée de l’histoire du club, remportée au Parc des Princes contre Sedan (2-0). Il est bientôt suivi par le titre de champion de France en 1957. Une consécration pour le tandem Domingo-Snella. Tous ces bons résultats, ainsi qu’un passage remarqué en Coupe d’Europe contre les Glasgow Rangers, valent au valeureux capitaine sa première et dernière sélection en équipe de France contre l’Angleterre le 27 novembre 1957. Il est appelé en même temps que Richard Tylinski dont ce sont également les débuts et Claude Abbes. Trois Stéphanois sous le maillot bleu, c’est un exploit puisqu’il ne s’était réalisé que deux fois auparavant en 1951 avec les sélections conjuguées de René Alpsteg, Antoine Cuissard et Guy Huguet.

Le départ de Jean Snella, en 1959, est une véritable cassure. Il ne peut empêcher le club de sombrer jusqu’en D2 en 1962, malgré son implication et une victoire inespérée en Coupe de France cette même année. Heureusement, le purgatoire est de courte durée et il est sanctionné dès l’année suivante par un titre de champion de D2.
Toutes les conditions sont donc réunies pour que Roger Rocher puisse annoncer fièrement le retour du Mythique entraîneur à l’orée de la saison 1963-64. Les Verts attaquent le championnat tambour battant et ils virent en tête début novembre.

Une fin de carrière brutale

Arrive cette funeste 19ᵉ journée, la première des matches retours, à Valenciennes le 19 janvier 1964. René Domingo, à 35 ans, est toujours l’indiscutable capitaine sur lequel Jean Snella s’appuie les yeux fermés. Il n’a raté aucun match et s’apprête à mener ses troupes vers son deuxième titre de champion de France lorsqu’à la 15ᵉ minute, à la suite d’une charge excessive du Valenciennois Kocik, il s’écroule. Malgré la présence des protèges-tibias, le diagnostic est brutal : double fracture de la jambe. Devant la gravité de sa blessure, Domingo est opéré d’urgence sur place à Valenciennes.

Malheureusement, lors de son transport à Saint-Etienne, la fracture se déplace. Une nouvelle opération est nécessaire. Elle est réalisée avec succès, mais on peut craindre qu’elle l’ait empêché de retrouver l’intégralité de ses moyens, mettant un terme définitif à sa carrière professionnelle après 426 matches en D1. C’est une durée exceptionnelle pour l’époque puisque seuls Roger Marche, Robert Jonquet, Joseph Ujlaki et Jean-Jacques Marcel avaient connu pareille longévité à ce niveau de la compétition.

Domingo est resté encore quatre ans au club en tant qu’entraîneur des amateurs. Il a coulé une retraite paisible sur la Côte d’Azur où il a pu se consacrer à l’une de ses passions, les Westerns, à l’origine d’ailleurs de son surnom « Bill ». Il est encore de nos jours le plus capé de l’histoire de l’ASSE. Et certainement son capitaine le plus emblématique et pourtant d’autres joueurs de renom ont un jour eu le privilège de porter le brassard des Verts. Du premier, André Boutet en 1933, en passant par Robert Herbin, Jean-Michel Larqué pour ne citer qu’eux. Tous lui doivent le respect car il représente le travailleur de l’ombre qui a su magnifier les valeurs ancestrales de l’ASSE et porté l’ASSE jusqu’à la consécration.

Terminons par cette anecdote savoureuse concernant le capitaine stéphanois :
En juin 1957, Saint-Etienne est devenue championne de France. Les «Chocolats Pupier», décident d'offrir au capitaine de l'équipe, René Domingo, son poids en chocolat. La pesée a lieu le 5 juin 1957. Elle est relatée dans l’édition du Progrès du lendemain. En présence du Président de l'ASSE, Pierre Faurand, des entraîneurs et des joueurs, René Domingo s'assoit sur un des plateaux de la balance, et on installe 75 kg en tablettes de chocolat, sur l'autre plateau. L'entraîneur, Jean Snella, malicieusement, indique que l’entraînement du jour a fait perdre à son capitaine deux kilos et les dirigeants de la société bienfaitrice obtempèrent, rajoutant donc les deux kilos de chocolat supplémentaires. De quoi s’offrir une belle crise de foie !