Comme chaque semaine, nous vous présentons l'une des Légendes de l'ASSE. Place désormais aux dix meilleurs joueurs de l’histoire des Verts. Ceux qui occupent une place spéciale au firmament du club. Ils ont marqué une époque, une génération. Ils ont pris part à la légende et permis à ce que les Verts soient encore aujourd’hui à part dans le cœur des Français. Voici le portrait du 6e : Antoine Cuissard (186 matches, 41 buts de 1944 à 1946 et de 1947 à 1952).
La première Légende née à Saint-Etienne
Antoine Cuissard est né à Saint-Étienne le 19 juillet 1924. Il quitte sa région natale à l’âge de deux ans, pour suivre sa famille qui reprend un magasin de marée sur le port de pêche de Lorient. À partir de 1938, il intègre tout naturellement le FC Lorientais (aujourd’hui le FC Lorient), un club créé par ses grands-parents, où il y fait l’apprentissage de la pratique du football. Ses talents sont indéniables et il se fait rapidement remarquer par sa dextérité et son aisance balle au pied à un poste de milieu de terrain qui lui permet d’exprimer toutes ses qualités.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la ville de Lorient, particulièrement touchée par les bombardements, ne peut développer des compétitions sportives durables. Il a vingt ans et pour continuer à jouer au football, il accepte, en 1944, la proposition de l’ASSE. Il signe son premier contrat professionnel. Il retrouve une région où il a gardé des attaches, notamment du côté de Feurs où résident encore des membres de sa famille. C’est d’ailleurs un de ses cousins, se prénommant comme lui, qui l'a surnommé « Tatane » pour se différencier.
Son arrivée coïncide avec celle d’un autre surdoué du ballon rond, René Alpsteg. Ils vont faire merveille dans l’entre jeu stéphanois au point d’être les principaux artisans d’une fantastique deuxième place au classement du premier championnat de France de D1 de l’après-guerre en 1946 : un résultat complètement inespéré et jamais atteint pour les Verts jusqu’alors. Pour un essai, c'est un coup de maître.
Brillant avec l'ASSE er l'équipe de France
Son jeu fluide et d’un niveau technique remarquable lui ouvre tout naturellement les portes de l’équipe de France. Il connaît sa première sélection le 7 avril 1946 contre la Tchécoslovaquie (3-0) où il évolue au poste d’arrière. Et surtout, il participe à la magnifique victoire face à l’Angleterre (2-1) au stade de Colombes devant plus de 58 000 spectateurs le 19 mai 1946. À la suite d’un Julien Darui, impérial dans les buts, il avait été un des grands bonhommes du match. Sa carrière est définitivement lancée. On n’ose imaginer jusqu’où elle pourrait grimper.
Pourtant, alors que rien ne le laissait supposer, il retourne à Lorient dès la fin de la saison 1946 pour se porter au chevet d’un club malade qui a besoin de son aide. Il y retrouve Jean Snella, qu’il avait côtoyé en tant que joueur à l’ASSE, et qui débute là sa carrière d’entraîneur. Alors qu’il évolue désormais en division d’honneur et qu’il est redevenu simple amateur, il est tellement impressionnant qu’il continue tout de même à être régulièrement sélectionné en équipe de France devenant par là-même, un des rares à avoir obtenu ce privilège.
Un retour à l'ASSE qui aurait pu être triomphal
Une fois l’équipe de son cœur à nouveau sur de bons rails, il retourne à Saint-Etienne pour y retrouver le haut niveau. Il faut dire que l’ASSE met tout le monde d’accord avec un chèque non négligeable de 5 millions d’anciens francs. Toutefois, Antoine Cuissard doit se débrouiller dans un environnement qui ne lui permet pas de donner la pleine mesure de son talent.
Entre les problèmes de trésorerie que rencontre le club et la réorganisation qu’elle impose, on ne lui donne pas tous les moyens pour briller et pour enfin remporter des trophées. Il est pourtant toujours aussi étincelant avec des performances éblouissantes, en particulier en 1947. Du 21 septembre au 26 octobre, il inscrit deux doublés (Metz et Marseille) et un triplé (Toulouse). Pas mal pour un milieu de terrain ! Néanmoins, les résultats de l’ASSE ne sont pas du même niveau. En championnat, les Verts n’obtiennent pas mieux qu’une 4ᵉ place en 1948 avant de décliner progressivement (8ᵉ en 1949 et 11ᵉ en 1950).
L'ASSE a de la chance de posséder des joueurs de ce calibre, car il fait partie de ceux qui portent l’équipe à bout de bras malgré les conditions difficiles alors que le club aurait très bien pu sombrer. L’arrivée de Jean Snella au poste d’entraîneur en 1950 aurait pu changer la donne. Mais il est trop tôt pour que le travail de fond qu’il a engagé commence véritablement à porter ses fruits malgré une demi-finale de Coupe de France perdue 3-1 contre Valenciennes en 1951. Il n’a pas supporté cette défaite surprise face à un club de D2 alors que les portes de la finale semblait grande ouverte. Il comprend qu’il est temps pour lui d’aller voir ailleurs pour étoffer un palmarès désespérément vierge de tout trophée.
Un transfert à Nice qui fait polémique
En 1952, à vingt-huit ans, il demande à être transféré, sachant que l’OGC Nice veut le recruter. Les Niçois viennent de réaliser le doublé coupe championnat, après une des plus belles finales de l’histoire de la Coupe de France face au Girondins de Bordeaux (5-3). Finale à laquelle il a assisté avec Pierre Garonnaire. C’est donc une proposition qui ne se refuse pas.
Cependant, Pierre Faurand, le nouveau président de l’ASSE, ne tient absolument pas à renforcer un adversaire déjà aussi redoutable. Il coupe court à toute négociation, d’autant plus que Cuissard, devenu un des meilleurs défenseurs du championnat, est au sommet de son art. Contre toute attente, les Niçois acceptent cette décision et voilà que se manifeste l’AS Cannes. Une formation de 2ᵉ division qui semble posséder des moyens importants puisqu’elle est prête à dépenser la somme de huit millions de francs.
Les dirigeants stéphanois sont perplexes. Comment un tel club peut-il disposer de finances aussi florissantes ? Néanmoins, devant l’intransigeance de son joueur, qui veut absolument quitter l’ASSE, Faurand accepte la proposition cannoise. Cuissard est transféré sur la Croisette. Moins de six mois plus tard, ce dernier prend la direction de Nice, sa véritable destination. Les Stéphanois n’étaient pas dupes et avaient bien compris la manœuvre, mais ils n’avaient pas la possibilité de retenir un joueur qui voulait partir.
C’est avec Nice qu’il inscrit la seule ligne à son palmarès en remportant la coupe de France en 1954 avant de repartir dès 1955 dans sa Bretagne adorée où il signe à Rennes.
De joueur à entraîneur
Après sa carrière de joueur qui n’aura pas eu la renommée que son talent aurait pu laisser envisager, il devient pendant une quinzaine d’année un entraîneur aux résultats contrastés à Rennes, Lorient et Ajaccio. On retiendra de cet immense joueur qu’il aura enthousiasmé les foules de Geoffroy Guichard même si son parcours aura somme toute toujours un goût d’inachevé au regard des qualités qu’il possédait. Lorsque Jean Snella a pris ses fonctions d’entraîneur à l'ASSE, il s’est énormément appuyé sur Antoine Cuissard qu’il connaissait pour avoir joué avec lui et l’avoir entraîné à Lorient. En reconnaissance de tout ce qu’il a apporté à l’ASSE, une rue adjacente au stade porte son nom. Signe évident de l’importance qu’il a eue au sein de l’effectif stéphanois dans une des périodes les plus troubles de son histoire.