À l’occasion des 90 ans de l’AS Saint-Etienne, le site Peuple-vert vous propose le portrait des 50 meilleurs joueurs de l’ASSE parmi les 775, qui, depuis 1933, ont un jour porté le maillot Vert.
De la place 50 à 21, les joueurs classés seront présentés par ordre alphabétique.

JEAN LAUER
(130 matches, 57 buts de 1943-1949)
Un authentique héros de la Résistance

JEAN LAUER SE RÉFUGIE A SAINT-ETIENNE PENDANT LA GUERRE

Jean Lauer est né 21 août 1916 à Moyeuvre-Grande en Moselle. Il commence sa carrière professionnelle, en tant qu’attaquant, à Fives à l’âge de 18 ans. À l’époque, il est le plus jeune professionnel du championnat de France.

Parti à Metz, il y joue en première division de 1937 à 1939 avec qui il dispute la finale de la coupe de France de football en 1938 contre l’OM que Metz perd (1-2 après prolongations). Il y reste jusqu’au commencement de la Seconde guerre mondiale où lors d’une rencontre contre une équipe allemande composée de soldat SS, il blesse sérieusement un officier nazi.

Les débats s’enveniment et se terminent par une bagarre générale et le fautif est activement recherché. Pour éviter d’être arrêté et être incorporé de force dans l’armée allemande, il n’a d’autre choix que de se réfugier à Saint-Etienne.

À la recherche de bons joueurs de football, l’ASSE avait déjà recruté des éléments passés par la Lorraine et désireux d’échapper aux Allemands comme Nicola Hibst (1941-1944). Jean Lauer, qui a acquis une certaine renommée, intéresse donc Pierre Guichard, le président stéphanois.

Lauer est d’ailleurs à l’origine de l’arrivée du gardien Antoine Gaurius (1943-1945), aussi passé par le FC Metz, qui se fait appeler Gaurand dans le Forez parce qu’il est, lui-aussi, recherché par la Gestapo.

 

LES DÉBUTS DE JEAN LAUER A L’ASSE

Jean Lauer joue son premier match avec les Verts le 1ᵉʳ novembre 1943 contre Gap à Geoffroy-Guichard (3-0) dans un championnat amateur fondé de toute pièce suite à la réforme du football voulue par le régime de Vichy et le colonel Pascot.

En effet, avec les nouveaux règlements, les anciens professionnels de la région ont été d’office inscrits au sein de l’équipe du Lyonnais, créée pour l’occasion dans une compétition où ne s’affrontent que des formations de province, sévèrement encadrées.

Les clubs de football redeviennent, quant à eux, amateurs, ce qui est donc le cas de l’AS Saint-Etienne, au grand désarroi de Pierre Guichard qui avait démissionné.

L’avant-centre se distingue d’entrée par son premier but sous ses nouvelles couleurs. Il en marquera beaucoup d’autres. Notamment un triplé le 7 novembre 1943 contre Rive-de-Gier (10-2) pour le troisième tour de la coupe de France. Ou encore, un doublé le 28 novembre 1943 contre Saint-Chamond (7-0) au quatrième tour de la coupe de France. Il est même l’auteur d’un quadruplé le 9 janvier 1944 contre Reims (6-2) en 16ᵉ de finale de cette même compétition.

De part son passé de joueur professionnel, il est prié d’aller exercer son talent dans l’équipe du Lyonnais comme ses partenaires stéphanois Ignace Tax, Arsène Casy et Jean Snella.

Pour leur éviter de jouer avec cette équipe, la société Casino annonce qu’ils sont désormais salariés de cette entreprise et qu’ils ont abandonné leur statut précédent. Après enquête de la commission sportive, elle découvre que ses contrats sont faux et les quatre joueurs sont radiés à vie. Ils doivent donc se contenter de participer à des rencontres sans intérêt avec le maillot des Verts.

 

JEAN LAUER ET LA RÉSISTANCE FRANÇAISE

Jean Lauer joue le 12 mars 1944 contre le Lyon Olympique Universitaire à Geoffroy-Guichard où il est encore décisif avec un but malgré le match nul (2-2).

C’est le dernier match avant de nombreux mois, car il est arrêté par la Gestapo courant en mars et incarcéré à la prison de Montluc de Lyon. Il est déporté dans un camp de concentration en Alsace-Lorraine d’où il parvient à s’échapper pour rejoindre la Résistance locale.

Il participe à la bataille de Metz qui oppose l’armée américaine et les Forces françaises de l’Intérieur à la Wehrmacht, du 27 août au 13 décembre 1944. Des combats farouches face à des Allemands qui ont l’ordre de ne jamais reculer.

Il participe ainsi à la libération de la ville de Metz qui a lieu le 19 novembre 1943, acte de bravoure pour lequel il obtient la croix de Guerre et la médaille de la libération de Metz. Il n’est pas le seul de sa famille à avoir eu des démêlés avec les Allemands, car son frère, Pierre, joueur de Mulhouse, a été déporté à Schirmeck pour avoir giflé un SS dans un bar.

Après avoir été un héros de la Résistance française, il peut retourner à Saint-Etienne rejoindre ses partenaires Tax, Snella, Casy, entre autres, avec lesquels il rejoue le 31 décembre 1944 contre Alès (6-0).

 

VICE-CHAMPION DE FRANCE AVEC L’ASSE EN 1946

Au sortir de la seconde guerre mondiale, conformément à la décision de la Fédération française de football, Jean Lauer doit retourner au FC Metz pour débuter le championnat de France de première division.

Mais les Lorrains acceptent de le libérer contre une indemnité de transfert réglée par l’AS Saint-Etienne. Toutefois, il ne peut entamer cette nouvelle saison que le 13 janvier 1946.

Une absence qui a été certainement préjudiciable, car son équipe a rivalisé avec les Lillois pour le titre de champion de France. Malheureusement, alors que l’ASSE est leader, une défaite cuisante à Lille, le 2 mai 1946, sonne le glas des espérances stéphanoises (0-8) et la formation de l’entraîneur Ignace Tax doit se contenter d’une place de dauphin bien frustrante.

L’attaquant ligérien joue dans le Forez jusqu’en 1949 et, régulièrement titulaire, il régale les spectateurs locaux avec sa technique hors du commun, sa vivacité et son sens du but.

Complètement sous-estimé, son influence au sein de l’ASSE a été reconnue, par la suite, à sa juste valeur et il dispose aujourd’hui d’une rue à son nom à proximité du stade Geoffroy-Guichard, théâtre de ses nombreux exploits. Pour la petite histoire, le fils de Jean Lauer a épousé la fille de Roger Rocher mythique président des Verts.

Ce grand joueur de football, au destin si atypique, authentique héros de la Résistance française, mérite donc de figurer parmi les 50 meilleurs joueurs de l’AS Saint-Etienne.

 

By Albert Pilia