25 décembre 1956
ASSE-Nîmes 4-0,
Les Verts champion d’automne
Normalement, le football français fait relâche pour les fêtes de Noël. Cette année, la coupe du monde ayant eu lieu au Qatar du 21 novembre au 18 décembre 2022, la Ligue de football professionnelle a planifié 2 journées de championnat en L2 les 26 décembre et 30 décembre prochain (16e et 17e journée) entre Noël et le Jour de l’An.
Contrairement à l’Angleterre, la France n’a pas une tradition de Boxing Day. D’ailleurs, la dernière fois que l’ASSE a joué un match officiel entre le 25 et le 31 décembre c’était le 28 décembre 1969.
Par contre jusqu’en 1961, les équipes françaises jouaient les 25 et les 31 décembre. Ainsi, Saint-Etienne a disputé 10 rencontres le jour de Noël de 1934 à 1960. Et certaines pouvaient être décisives. La preuve ? Le 25 décembre 1956, l’ASSE recevait Nîmes pour le compte de la 17e et dernière journée des matches aller du championnat de France de 1ere division, désignant donc le champion d’automne.
UN DEBUT DE SAISON RECORD
Les hommes de Jean Snella ont pris la tête du championnat 1956-57 depuis la 2e journée et leur victoire sur Lens 3-1. Ils sont seuls premiers depuis la 4e journée et un succès étincelant à Nancy (7-1). Ils ont même caracolé en tête puisqu’ils comptaient six points d’avance dès la 12e journée en ayant marqué 47 buts. Toutefois, depuis quatre journées, les Verts marquent le pas. Ils n’ont plus marqué qu’un seul but pour deux défaites et deux match nuls.
Le deuxième, Lens, avec 22 points est désormais revenu à deux longueurs des Stéphanois avec une différence de buts à +17 contre +18 à l’ASSE. Une défaite de Saint-Etienne cumulée à une victoire de Lens qui reçoit le 3e, Reims, et le titre de champion d’automne reviendrait aux Nordistes.
Le président de l’AS Saint-Etienne, Pierre Faurand, croit savoir pourquoi son équipe performe moins depuis plusieurs matches. Son joueur vedette, Rachid Mekloufi, a été incorporé sous les drapeaux et ses allers-retours avec la caserne sont incompatibles avec la compétition de haut niveau. Il n’a ainsi pas été retenu par Jean Snella pour ce match face à Nîmes à Geoffroy-Guichard. Il sera remplacé par Armand Fouillen, un attaquant trop souvent blessé (deux opérations au ménisque) et barré à l’ASSE par la paire Mékloufi-N’Jo Léa.
Cependant, il a toujours répondu présent quand on a fait appel à lui. L’entraîneur stéphanois peut néanmoins compter sur l’attaquant hollandais, Kees Rijvers, surnommé « Trottinette » pour sa vitesse, qui était donné incertain à cause d’une blessure au mollet. De plus, le milieu de terrain Jean Oleksiak, le père de Thierry qui portera le maillot vert à la fin des années 1970 et au début des années 1980, a été préféré à Georges Peyroche pour solidifier l’entre-jeu.
Né à Roche-la-Molière, l’attaquant Peyroche peut jouer partout. Sa polyvalence peut être une qualité (il a même remplacé le gardien Claude Abbes qui s’était blessé en début de rencontre lors d’un ASSE-Montpellier) mais il s’agit d’un handicap pour lui. D’ailleurs, il partira fâché de l’ASSE en 1962 quand les dirigeants voulaient le fixer dans les lignes arrières de l’équipe.
Les Stéphanois ont préparé ce match de manière originale. Tous les célibataires ont été invités à réveillonner dans les familles des hommes mariés. Ainsi les Abbes, Rijvers, Lefèvre, Domingo, Wicart et Michel Tylinski ont conviés leurs jeunes coéquipiers à passer la soirée en leur compagnie.
LE RECITAL DE L’ASSE
Heureusement que les Verts jouent à domicile ce 25 décembre 1956 parce qu’ils ont horreur de se déplacer le jour de Noël. Ils ont joué à l’extérieur cinq fois le lendemain du réveillon et ils ont perdu à chaque fois et que des raclées par au moins trois buts d’écart. Par contre, ils savent gâter leur public car les trois réceptions ont rapporté autant de victoires. Il ne peut donc en être autrement contre Nîmes. 8 160 spectateurs se sont rendus au stade et ils viennent avec une seule idée en tête : recevoir le cadeau qu’ils méritent, c’est-à-dire le titre de champion d’automne.
Autant le dire tout de suite, du suspense il y en a eu très peu. Il a duré 16 minutes, le temps qu’il a fallu à Kees Rijvers pour marquer un joli but d’une frappe des vingt-cinq mètres qui a trompé le gardien adverse, un peu statique pour le coup. Onze minutes plus tard, l’attaquant Bernard Lefèvre se joue d’une grande partie de la défense, qui ne semble pas avoir encore digéré la dinde la veille, pour tromper le gardien nîmois une deuxième fois. La réaction nîmoise est de courte durée même si le gardien forézien, Claude Abbes, a été sauvé par un de ses montants.
A la 37e minute, Eugène N'Jo Léa, le diamant noir stéphanois, profite d’un bel enchaînement de Rijvers pour reprendre un tir dévié du hollandais et inscrire ainsi le troisième but stéphanois, son dix-septième de la saison. En a peine plus d’une demi-heure, l’ASSE a assuré l’essentiel et elle peut rejoindre les vestiaires le sentiment du devoir accompli. Les murs ont d’ailleurs tremblé pendant la mi-temps mais du côté nîmois car l’entraîneur gardois, Kader Firoud ex-stéphanois, dont on connaît le sang chaud, n’a que modérément apprécié la performance de ses joueurs.
Ils font ainsi jeu égal avec l’ASSE en ce début de reprise mais ils n’ont pas véritablement inquiété la défense des Verts. Ils ont été inefficace même lorsqu’ils se sont retrouvés à 11 contre 10 avec la blessure du milieu de terrain stéphanois, René Ferrier, qui a du quitter ses partenaires victimes d’un claquage à la 69e minute. Pire, en toute fin de match, aux alentours de la 85e minute, c’est N’Jo Léa qui inscrit un doublé d’un tir venu de nulle part, qui malgré un angle fermé, trompe le gardien adverse, décidément peu vigilant.
Avec cette victoire (4-0), les Verts font plaisir à leur public avec ce titre de champion d’automne avec 26 points, deux points d’avance sur Lens qui a aussi battu Reims (2-1). Ils ont la meilleure attaque avec 52 buts et la meilleure défense 20 buts ce qui est la marque d’une équipe qui peut aller au bout. Mais attention, contrairement à ce que l’on croit, c’est la deuxième fois que l’ASSE est championne d’automne.
Elle l’avait déjà été en 1945-46 mais elle avait terminé dauphin du LOSC, club phare des années 1940. Il ne faudrait donc pas que l’histoire se répète Toutefois mon petit doigt me dit que la saison 1956-57 pourrait bien être la bonne : celle du premier titre de champion de France de l’histoire du club.
8160 spectateurs ont pris place dans les gradins du stade Geoffroy-Guichard pour ce match ASSE-Nîmes du 25 décembre 1956.
Un article rédigé par Albert Pilia.