Comme chaque année la DNCG a publié les comptes des clubs de L1. Il y a un an, nous vous avions proposé une analyse financière en portant un regard sur les 10 dernières années. Nous reprenons ces éléments et mettons à jour en tentant d'apporter du sens.
Objectif ? Comprendre.
Il y a tout juste un an, nous vous proposions un article où nous explorions les 10 dernières années sous le prisme de la finance du club. La semaine dernière, la DNCG a publié le bilan de l'ASSE version 2021-2022.
Malgré le décalage habituel des exercices comptable, il nous a paru opportun de nous replonger dans cette tentative de vulgarisation. Pour rappel, il est important de préciser que nous ne sommes ni expert-comptable, ni professionnel de la finance. Pour autant, en tant que passionné des Verts, il est indispensable de se pencher sur l'évolution financière de l'ASSE.
Aucun scoop ici mais simplement des données factuelles avec pour seule ambition de comprendre.
Rappels au préalable
Les comptes de résultats des clubs et les bilans sont publiés à la fin de chaque saison. Nous collectons les informations diffusées à chaque parution de puis 2010. Chaque chiffre cité ici est public et accessible. Les données ont été réunies sur un seul et même tableur afin de faciliter l'analyse.
Si vous maîtrisez déjà l'aspect comptable, passez directement à la partie suivante 😉
Comme indiqué, la DNCG publie pour chaque club deux documents : le compte de résultat et le bilan comptable. Si nous devions faire une métaphore simpliste, nous pourrions dire qu'il s'agit respectivement d'une photographie des comptes sur la saison (compte de résultat) et d'un film depuis la création de l'entreprise (Bilan cumulé).
Sur le compte de résultat apparaissent :
- Les Produits (= les recettes)
- Droits TV,
- Sponsoring,
- Billetterie,
- Autres produits (principalement merchandising - Vente de maillots etc)
- Les Charges
- Masse salariale (dont salaires des joueurs),
- Amortissement des Mutations. Exemple : J'achète un joueur 6M€ avec qui j’ai signé un contrat de 3 ans, je l'amortis et déclare dans mes charges 2M€ chaque année pendant 3 années.
- Agents intermédiaires : Commissions versées,
- Autres Charges : loyer du stade, fonctionnement du centre de formation, et tout ce qui permet au club de vivre au quotidien.
Une fois que les additions sont faites, on compare simplement les plus et les moins. Ce qui nous donne le Résultat d'opérations sans mutation. Le fameux déficit structurel.
On réintègre alors les recettes perçues lors de la vente des joueurs (idem dans le sens inverse avec les achats) et nous avons le résultat financier. C'est la base pour comprendre les comptes. Volontairement nous ne ferons pas la même explication pour le bilan pour ne pas perdre tout le monde en chemin.
1. La dépendance aux Droits TV
Entre 2010 et 2016, la masse salariale augmentait chaque année. La courbe suit l'augmentation des droits TV perçus par l'ASSE (cf. graphique ci-dessous) La croissance des droits audiovisuels est essentiellement absorbée par les salaires des joueurs.
Entre 2017 et 2019, fin de l'ère Galtier, la situation sportive se dégrade. La Direction prend le pari d'augmenter la masse salariale. Tout en sachant que les droits TV diminuent à cause de la chute des résultats sportifs (moins bons classements finaux).
Un problème structurel est alors introduit avec des contrats onéreux. Le déficit structurel se creuse. Le début de la fin ?
Les dirigeants décident de jouer la carte Puel dès 2019. Objectif : baisser la masse salariale. Comme l'atteste la courbe, le poids des salaires se réduit chaque saison. De ce point de vue là, la période Puel a répondu aux attentes.
La masse salariale est passée de 58 millions à 38 millions entre 2018 et 2021. Un régime plutôt drastique qui a amené les Verts à sa plus faible masse salariale depuis la saison 2011-2012 !
plus faible masse salariale depuis 2011-2012 !
2. Un trou loin d'être résorbé
Le déficit structurel est présent depuis que nous observons les comptes de l'ASSE. Comme la saison dernière, notons que le cas de la grande majorité des clubs de L1. Ce qui pose un autre problème plus macroéconomique quant aux modèles de gestion des clubs français.
Du côté du forez, on s'aperçoit que le gouffre s'est profondément creusé il y a 4 saisons. Le moment où la Direction a choisi de changer de braquet pour être plus économe avec des salaires moins importants.
Pourquoi ? Si on veut faire simple, il suffit d'observer la baisse des recettes. A commencer par la chute des droits TV. Le classement des Verts n'est plus le même, ce qui impacte directement les recettes. Le Covid est également passé par là.
Une baisse brutale des recettes qui a été comblée par la vente des joueurs la vente de joueurs.
Des droits TV qui sont encore nettement plus réduits aujourd'hui que l'ASSE est en Ligue 2... Pas de quoi améliorer la situation...
L’ASSE a commencé dès saison 2020-2021 son opération de rationalisation de masse salariale. Dès 2022-2023, cet effort aurait dû s'observer. Un régime qui a été fatal à l'ASSE. Pour rappel, lors de l'été 2021, les Verts n'ont recruté qu'Ignacio Ramirez au cours du mercato estivale. Insuffisant pour rester en L1.
3. 10 ans d’augmentation des recettes sans se consolider ?
Depuis 2010, les recettes du club ont régulièrement augmentées. Après une chute liée au Covid, les produits repartent clairement à la hausse. Si les droits TV restent relativement stables en passant de 29M€ à 32M€, les recettes du sponsoring et de la billetterie reviennent (+10M€ dans les caisses en comparaison à la saison "Covid").
Les produits de l'ASSE ont ainsi augmenté de 53M€ à 66M€ entre la saison 2020-2021 et 2021-2022. Des chiffres qui sont à relativiser. Avant la crise du Covid, les recettes du club étant de 69M€.
Par ailleurs, les fonds propres de l’entreprise (qui renseignent sur la solidité des fondations en cas de coups durs à venir) ont quant à eux réduit. Passant de 23M€ à 16M€. Si on veut vulgariser, les capitaux propres on dirait qu'il s'agit du capital de départ augmenté par les bénéfices réalisés et amputé des déficits. Ceci année après année. En gros c’est le trésor de guerre.
Notons tout de même que :
- L’ASSE n’est pas du tout le seul club de L1 dans cette situation. C’est le cas de la majorité des clubs. Ce qui n'excuse rien mais situe le problème dans un contexte plus global.
- Économiquement, la tendance depuis 2018 est bonne. Malgré la baisse des recettes, les Capitaux Propres se maintiennent.
- La forte hausse des fonds propres en 2020 s'explique principalement par de nouvelles dispositions exceptionnelles introduites par la Loi de finance 2021 en raison de la situation COVID.
4. L'ASSE, un club endetté ?
Il s'agit d'un vieux serpent de mer. Beaucoup de choses ont été écrites. Un peu tout et n’importe quoi sur un sujet qui mérite des précisons.
L’endettement global est passé de 26,7M€ à 48,6M€ en 11 ans. Mais si on regarde de plus près, on constate une baisse importante sur la dernière saison. Passant de 69M€ à 48M€.
La dette sociale est plutôt « normale ». A la clôture d’un exercice une entreprise doit toujours de l’argent à l’Etat (URSSAF pour les derniers mois écoulés).
Si la dette financière (emprunts auprès d’institutions financières, banques, etc.) avait explosé ces dernières saisons (5,8M€ en 12-13 à 40,2M€ en 19-20), le désendettement financier est bien entamé (36M€ en 20-21, 26M€ en 21-22).
Un club finalement relativement sain ?
Sur les 10 années observées, la situation financière de l'ASSE reste relativement saine. L'AS Saint-Etienne est toujours retombée sur ses pattes. Bien géré ? Un modèle viable ? C'est une autre histoire. Le constat reste le même que celui établi il y a un an.
Bien sûr, l’éventualité d’une vente et de l’arrivée de nouveaux moyens financiers remettra certainement en cause ce modèle. En l’état actuel du club, sans changement de modèle, une rationalisation des dépenses continuera à être indispensable.
C'est d'autant plus le cas en Ligue 2 où les recettes sont grosso modo divisées par 2. Le bilan de la saison en cours sera intéressant à observer avec le régime Ligue 2.
Moins dépenser ou recevoir un nouvel apport d'argent ? Vente ou non ? L’argent ne fait pas tout. Encore faut-il savoir bien l’utiliser.