Cyril Linette, fondateur de The Follow Compagny et ex-directeur du Pôle Sports de Canal + est revenu sur la crise des droits TV sur BFM Business. Un discours éclairant qui aborde la possibilité de voir naître une chaîne 100 % foot français.

 

Le foot français dos au mur

Cyril Linette : « On est vraiment face à un problème. C’est un problème qui trouvera une solution. Il y aura du foot à la rentrée pour les fans de foot. Je n’ai aucun doute là-dessus. Mais à quel prix pour le foot français ? Probablement à un prix beaucoup plus bas que le prix qui avait été imaginé. L’erreur historique du football français, c’est d’avoir toujours pensé qu’ils (les dirigeants) fixer les prix. Or, on ne fixe pas les prix. Ce n’est pas un marché classique. C’est ce qui a amené les erreurs. Historiquement, le foot était l’Alpha et l’Oméga de tous les opérateurs payants. On ne payait pas la valeur du produit mais la valeur stratégique. Dans les années 2010, quand Canal achète très chère les droits du foot, ce n’est pas parce qu’ils vont faire de l’argent sur le foot. En réalité, ils en perdent. C’est pour priver leur concurrent de l’époque, TPS, de foot. C’est un choix tactique de Canal mais le football français l’a pris comme une forme de valorisation dans l’absolue.

Lorsque l’aspect compétitif est beaucoup moins prononcé, comme c’est le cas aujourd’hui, la valeur stratégique diminue. On revient à la valeur du produit.

Le divorce avec Canal

Cyril Linette : «Canal + a beaucoup de football. Les Coupes d’Europe. Ils ont posé 480 M€ pour les prochaines années. C’est une décision forte. 48 0M€/ an, c’est colossal. C’est quasiment le montant que Canal investissait précédemment pour la Ligue 1. La Ligue 1 a expliqué à Canal qu’ils n’avaient plus trop besoin d’eux. Elle a tourné le dos à son client principal. Que fait le client principal ? Il va acheter autre chose. Canal dépense à présent l’argent dans les Coupes d’Europe. Dans l’absolu, je ne peux pas parler à la place des dirigeants de Canal, mais je pense qu’ils aimeraient bien avoir un peu de Ligue 1. Le match du dimanche soir. L’OM ne fera pas la Coupe d’Europe l’année prochaine. L’OM est un vecteur d’abonnement et d’audience. Au même titre que le PSG. Mais ils le feront à leur prix, au prix du marché.

Amazon ? C’est une autre erreur stratégique assez colossal. Quand on est à la tête d’un business aussi important que le foot, on ne se met pas entre les mains d’une entreprise de Seattle pour qui le contenu de la L1 est totalement anecdotique. Imaginez Amazon, géant mondial de l’e-commerce, géant mondial de l’industrie et de l’informatique, que pèse Prime Vidéo dans Amazon ? C’est un complément pour leurs abonnés. Que pèse le territoire français pour Amazon ? Et que pèse le foot à l’intérieur de ce territoire pour Amazon ? Le foot français pour Amazon, c’est une ligne qui peut être rayée dans une réunion financière. On ne se met pas entre les mains d’un acteur pour qui le sujet n’est pas fondamental.

Vers une nouvelle chaîne ?

Une chaîne 100 % foot ? Vous avez deux options aujourd’hui. Soit, vous trouvez un accord avec des diffuseurs (BeIN, Amazon, Canal, …). Soit, vous créez votre chaîne et là, vous devez trouver des accords avec les distributeurs (Orange, Free, SFR, et encore Canal). Dans les deux cas, vous avez Canal qui est incontournable. Pour moi, lancer une chaîne est la solution qui obligerait à passer par un point de vente des droits TV au plus bas. Mais la crise, ce n’est pas forcément la pire des solutions pour une entreprise. Quand vous êtes en crise, vous réduisez vos charges. Vous arrêtez d’acheter un troisième arrière gauche, vous arrêtez de graisser la patte des agents de joueurs. Ce serait difficile, mais une entreprise en crise peut aussi se recentrer. Baisser ses charges, revenir sur son business model, s’occuper des clients qu’elle a déjà, arrêter de concourir à l’international, car c’est un vœu pieux, on verra ça plus tard. S’occuper plutôt de ses consommateurs les plus fidèles. Une chaîne 100 % foot à lancer, ce serait probablement la solution la plus compliquée financièrement, mais pas forcément la plus mauvaise.