L'ancien adjoint de Christophe Galtier nous a accordé une interview dans laquelle il revient sur son expérience verte, son actualité et celle des Verts.
Bonjour Alain, pour commencer comment allez-vous ? Et quelle est votre actualité ?
" Je vais bien, merci. Aujourd’hui, je suis à la retraite et l’emploi du temps est assez chargé. J’adore le sport donc je fais pas mal de vélos et de balade dans la nature, surtout avec le beau temps que l’on a eu. J’ai de la chance d’être en bonne santé donc je profite des amis, de la famille. Je pars également en voyage, une vie bien remplit et fournit. Il faut préparer un petit emploi du temps pour réaliser tout ce que l’on a envie de faire."
Vous avez eu plusieurs passages au club durant votre carrière, quels sont les souvenirs qui vous reviennent en mémoire quand vous parle de l’ASSE ?
"J’ai eu plusieurs vies à l’ASSE, je suis arrivé une première fois en 1984/1985 avec Henry Kasperczac. À l’époque l’équipe était en deuxième division, ce fut une très belle époque car je suis tombé sur un entraîneur magnifique avec lequel je me suis très bien entendu. Nous avions atteint les barrages à l’issue de la saison et même si nous n’étions pas montés, ça avait permis à l’équipe de jouer le haut du tableau et de remonter la saison suivante. Montée à laquelle je n’ai pas participé, car à la fin de la saison 84/85 je suis parti à Thonon les Bains pour une nouvelle expérience.
Mon deuxième passage au club fut de 1992 à 1996, ce fut une période beaucoup plus difficile. Durant cette période, j'ai eu la responsabilité du centre de formation, où je me suis éclaté et durant laquelle j’ai mis en place pas mal de choses qui existent encore. Comme les structures sport étude que j’avais créé avec le lycée Tézenas.
Ensuite, avec Elie Baup, on est monté avec l’équipe professionnelle et ce fut une épreuve beaucoup plus dure parce qu’on a fait deux saisons très compliquées. On se fait limoger avec Elie Baup au mois de février 1996, Dominique Bathenay nous remplace, mais n’arrive pas à maintenir l’équipe en première division. Je pensais au public, aux personnes qui aimaient ce club et ce fut deux saisons très très dures pour moi où j’ai souffert.
D’ailleurs cette période me fait penser à la dernière descente du club. Il n’y avait pas les locomotives à la tête du club pour se sortir de situations compliquées. On avait des grands joueurs comme Laurent Blanc ou Moravcik, mais on était dans une spirale négative ou tout un club était entrainé vers le bas.
À l’inverse, lors de mon dernier passage au club de 2007 à 2017, au centre de formation dans un premier temps, puis avec Christophe Galtier à partir de 2010, il y avait une dynamique hyper positive. Durant cette période, on sentait le dynamisme dans tous les étages du club, que ce soit au centre de formation, dans les bureaux administratifs, tout le monde était derrière le coach. On avait également des dirigeants comme Stéphane Teissier qui travaillaient beaucoup, l’osmose était totale.
Durant votre période avec Christophe Galtier, quel est votre meilleur souvenir ?
Le souvenir, c'est évidemment le trophée de la coupe de la Ligue remporté en 2013. Depuis 1981, il n’y avait plus eu aucun titre à l’ASSE, et j’en parlais constamment à Christophe Galtier. J’avais à cœur de ramener un trophée à mon club, pour qu’on puisse enfin tourner la page et continuer l’histoire de l’ASSE.
Au cours de cette épopée de la coupe de la Ligue qu’est-ce qui vous à le plus marqué ?
Ce qui m’a le plus marqué au cours de cette campagne, c’est l’enthousiasme de notre équipe et la volonté de faire le maximum. On a rencontré quand même de grosses équipes comme le PSG ou encore le LOSC qui jouait les premiers rôles en championnat.
Nous, on s'est battu avec nos valeurs, notre énergie, notre détermination et on a rien lâché. Les tirs aux buts en sont le symbole, on a tremblé jusqu’au bout, mais on a été capable de l’emporter grâce à cette volonté. Quand je réunissais mes joueurs à la fin de l’échauffement, je faisais toujours un petit discours pour les motiver, mais là, il n’y avait pas besoin de les motiver, je les sentais prêts pour affronter le combat.
Avec Christophe Galtier, quel était votre rôle dans son staff ?
Quand on a repris l’équipe professionnelle en 2010, je suis devenu son adjoint. C’était sa première expérience en tant que numéro 1, moi, j'avais un peu d’expérience au poste d’adjoint, j’étais là pour l’accompagner, pour l’aider à prendre les décisions relatives à l’équipe. On a récupéré l’équipe dans une situation compliquée au mois de décembre avec seulement 16 points à la trêve. Par son énergie et son esprit fédérateur, il a été capable de redonner de l’énergie et un état d’esprit à ce groupe.
Moi, je l’aidais du mieux possible avec l’expérience que j’ai pu acquérir également avec Guy Lacombe, et on a été en osmose de manière formidable durant nos années de travail en commun. Christophe est quelqu’un qui travaille beaucoup et qui apprend très rapidement, il s'est vite accaparé le costume de numéro un pour devenir le grand entraineur qu’il est aujourd’hui.
Est-ce qu’un jour il vous a surpris par un coup tactique, une causerie, un entrainement ou autre ?
Là où il m’a le plus surpris et où j’ai vu qu’il était en train de devenir un entraineur de haut niveau, c’est par sa capacité à analyser très rapidement les situations en match. À la mi-temps des matchs, il avait une expertise et une précision très importante.
Il était vraiment très efficace durant les mi-temps des matchs, il était capable quand ça se passait bien de trouver les bons mots pour continuer sur notre lancée, mais également de modifier une organisation, une animation ou des joueurs pour renverser un match. J’étais vraiment impressionné par ça.
Parmi tous les joueurs que vous avez entraîné, s’il n’y en avait qu’un à retenir, ce serait lequel ? Et pourquoi ?
J’ai adoré tous les joueurs avec lesquels j’ai travaillé, par exemple Laurent Blanc était quelqu’un de magnifique, mais si j’avais un joueur à ressortir ce serait Fabien Lemoine. Il correspondait tellement à l’état d’esprit du Saint-Étienne de Christophe Galtier. Ce n'était pas le meilleur des joueurs, mais il donnait toujours le maximum et il apportait son énergie pour transcender son équipe.
En termes de qualité, on pourrait parler d’Aubameyang, Max Gradel, Guilavogui ou de Romain Hamouma par exemple, mais « papy » c’était vraiment quelqu’un de fabuleux qui apportait toujours son enthousiasme et son énergie.
J’imagine qu’à cette époque-là, vous parliez recrutement avec Christophe Galtier, est-ce qu’il y a un joueur que vous n’avez pas réussi à recruter et que vous regrettez de ne pas avoir plus insisté ? Un joueur avec lequel vous vous dites « avec lui, on aurait pu accrocher le podium et la Ligue des Champions » ?
Honnêtement, je trouve qu’on c’est toujours bien battu et qu’on a réussi à récupérer de très bons joueurs sur certaines trêves comme Mathieu Bodmer ou Trémoulinas par exemple. On a fait quand même de belles périodes et je ne peux pas dire qu’il y a des joueurs qu’on a eu très envie de recruter et qu’on a loupé.
Je pense que Christophe Galtier a eu tous les joueurs qu’il voulait vraiment, car tout le club était déterminé pour l’aider. On faisait tout ce qu’il fallait au niveau relationnel pour arriver à faire venir les joueurs à Saint-Etienne.
En termes de recrutement, le choix le plus fort qu’on ait pu faire c’est le retour définitif d’Aubameyang qu’on avait eu en prêt et qui ne devait pas revenir chez nous. Finalement, grâce au président Romeyer et à Christophe Galtier il est revenu et par son travail, il a réussi à faire décoller sa carrière.
Vous avez connu des grands clubs par exemple, Sochaux ou le PSG, est-ce que pour vous, entraîner l’ASSE a été quelque chose de différents ?
Oui complètement ! Saint-Étienne c’est mon club et comme je vous l’ai dit précédemment, lors de mon passage en 1992 /1996, j’ai vraiment eu l’impression d’apporter le malheur à mon club avec des saisons difficiles. J’étais vraiment très triste de ne pas apporter des bons résultats à mon club et mon public.
Ça a été une période très noire pour moi, j’ai eu beaucoup de mal, de tristesse et de déception. Quand je suis parti dans d’autres clubs, que ce soit à Sochaux, Paris ou Guimguamp, les défaites n’avaient pas la même saveur. J’arrivais plus facilement à passer au-dessus des défaites dans ces clubs qu’à l’ASSE.
Même à la fin de ma période avec Christophe Galtier, quand on perdait, c'était comme si je recevais un coup de poignard dans mon cœur. C’est aussi pour ça que j’ai décidé d’arrêter ma carrière d’entraîneur adjoint et de partir à la retraite.
Les déprimes après les défaites ou les périodes sportivement plus compliquées, je n’arrivais plus à les gérer. C’est une fois à la retraite que je me suis rendu compte que j’avais vécu avec cette pression et ce désarroi. À Saint-Étienne c’était pire que dans mes autres clubs. On a envie de tout gagner, on est tellement heureux quand on voit ce public festif après une victoire, qu’après une défaite, je ne pouvais pas supporter d’avoir déçu tout un public et toute une ville.
Finalement, je faisais rejaillir cette tristesse à ma famille et mes amis, car les lendemains de défaite, je ne bougeais pas de la maison, personne ne pouvait me parler, que ce soit ma femme, ma famille ou mes amis.
Alain revenons au présent, que pensez vous de ce début de saison des Verts ?
C’est une première partie qui a été un peu compliqué avec les deux premières défaites en début de saison. Le changement tactique, je ne sais pas si c’est Laurent Batlles qui en a pris la décision ou s’il a été un peu poussé, mais en tout cas, ce changement a permis à l’équipe de se retrouver et de performer.
Les joueurs se retrouvent un peu mieux dans cette organisation. Maintenant, on aimerait forcément un peu plus. Quand on voit la belle prestation contre Angers et qu’a contrario ont fait des prestations plus que moyenne contre Dunkerque ou le PFC, c’est sûr qu’on est un petit peu déçu.
On voudrait que l’équipe soit toujours au top niveau. Mais il faut accepter ses périodes de haut et de bas, car on n'a pas une équipe excessivement forte et au-dessus de la Ligue 2. C’est difficile de jouer à l’ASSE, car une pression supplémentaire s’exerce sur les joueurs avec l’aura du club, tous les joueurs ne sont pas capables de jouer devant 35 000 personnes et tout ça fait qu’il faut une force mentale supplémentaire pour porter ce maillot vert. Pour le moment, on peut être satisfait puisqu'ils sont dans les clous en termes de points et de classement.
Vous qui avez été Directeur du centre de formation de l’ASSE, que pensez-vous de l’utilisation des jeunes par Laurent Batlles ?
Déjà, c’est le reproche que je pourrais faire à mon club, c’est de définir le projet que l’on veut avoir au sein du club.
Est-ce qu’on souhaite jouer qu’avec des joueurs expérimentés ou alors de lancer des jeunes du club ? Ce projet doit être défini en accord avec l’entraîneur et depuis quelques saisons je n’ai pas l’impression qu’on a une vision claire et définit.
Ensuite, il faut également que le centre de formation soit performant en sortant des jeunes joueurs prêts à jouer en équipe professionnelle. Quand vous avez un jeune comme Zaire Emery au PSG, il est tellement au-dessus que l’entraîneur ne peut que le titulariser. Il faut que les jeunes du centre travaillent durent et imposent à Laurent Batlles le choix de les mettre sur le terrain.
Si on souhaite s’appuyer sur nos jeunes, il faut également que le recrutement des jeunes soit fait en conséquence pour récupérer les meilleurs jeunes joueurs. Il faut par ailleurs apporter de l’expérience à côté de ces jeunes joueurs.
Par exemple pour Kurt Zouma, je pense qu’on pouvait difficilement le mettre dans de meilleures conditions en le titularisant à côté d’un Perrin ou d’un Bayal Sall. Un jeune a besoin de cette expérience à ses côtés pour s’aguerrir et grandir. Il faut savoir alterner entre joueurs d’expériences et jeunes professionnelles dans un groupe, mais quand on donne une chance à un jeune joueur, il doit sauter sur l’occasion pour s’affirmer et se rendre indispensable.
Vous avez connu Loïc Perrin comme joueur, que pensez-vous de son travail comme Directeur Sportif ?
Loïc Perrin, s’il avait eu la chance d’avoir un dirigeant comme Stéphane Tessier ou un entraîneur comme Christophe Galtier à ses côtés, il aurait évidemment appris plus vite.
C’est un garçon qui est passé du terrain à la direction sportive sans être véritablement accompagné, il est livré à lui-même. Il essaye de faire ses premiers pas assez isolé, même si j’imagine qu’il a beaucoup de contacts.
Il a sa personnalité, il faut lui laisser le temps de travailler, de progresser, mais c’est vrai que c’est un jeune directeur sportif qui doit apprendre rapidement, car Saint-Étienne ne peut pas se permettre d’être patient. Il faut lui laisser le temps de s’aguerrir, mais il va être jugé très rapidement, que ce soit positivement ou négativement.
Dernière question, dernièrement, vous avez fait le choix d’apporter votre soutien au projet socios, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Pour moi, l’ASSE se définit par son public. Le club vit autour de son public. L’équipe vit autour de son stade et de son public, donc je pense que c’est naturel que les supporters stéphanois puissent soutenir son club, pas seulement au stade, mais également dans les bureaux du club.
Pouvoir apporter son soutien financier et donner son avis sur différents sujets, je pense que ce serait une très bonne chose pour le club. Ça permettrait par ailleurs de communiquer le projet du club aux supporters. Aujourd’hui aucun dirigeant ne parle aux supporters, c’est donc normal que ces derniers soient impatients. Si demain, on leur explique et détail un projet sur 3/4 ans, le public sera capable de le comprendre, d’être patient et d’apporter son soutien à l’équipe. Avoir plus de clarté, de franchise et de partage des orientations et des objectifs est essentiel pour un club."
Merci à Alan Blachon pour sa disponibilité !
By Jérémy