À l’occasion des 90 ans de l’AS Saint-Etienne, Peuple-vert vous propose le portrait des 50 meilleurs joueurs de l’ASSE parmi les 773 qui, depuis 1933, ont un jour porté le maillot Vert. De la place 50 à 21, les joueurs classés seront présentés par ordre alphabétique. Place à Pierre Bernard.

PIERRE BERNARD
(161 matches de 1963 à 1967)
Un gardien au sommet de son art à Saint-Etienne

Pas de grande équipe sans grand gardien

Après un an de purgatoire, Saint-Etienne est remontée en première division en 1963. Devant l’insistance du jeune président, Roger Rocher, qui a déjà convaincu Rachid Mekloufi de revenir dans le Forez, Jean Snella a accepté d’entraîner à nouveau l’ASSE. Il revient après son premier passage couronné de succès (titre de champion de France en 1957) de 1950 à 1959.

Il est la personne idoine pour assurer un maintien serein d’un club qui n’a aucune envie de faire l’ascenseur. Le technicien n’a pas beaucoup d’exigence pour renforcer son équipe sauf une qu’il considère comme indispensable. Il veut le recrutement d’un gardien confirmé pour encadrer sa défense.

C’est à Nîmes que la direction va trouver son bonheur en la personne de l’international français Pierre Bernard qui est intéressé par le challenge proposé par Saint-Etienne. Malgré ses 31 ans, il a conservé toutes ses qualités qui lui permettent d’être considéré comme l’un des meilleurs spécialistes français du poste, fort de ses 14 sélections avec les Bleus.

Il a racheté sa liberté auprès du club gardois qui a tout tenté pour le conserver, mais peine perdue, le gardien a de l’ambition et cela tombe bien, Jean Snella aussi.

Des débuts réussis

Il débute avec l’ASSE lors d’un match en coupe de la Ligue (une compétition officieuse) contre l’OL le 2 août 1963. Il encaisse deux buts, mais son équipe remporte la rencontre 6-2 face à une équipe qui a terminé 5ᵉ du dernier championnat de France. Il est peut-être allé chercher deux fois le ballon au fond de ses filets. Mais il a surtout écœuré les attaquants adverses et impressionnées par son calme et sa sérénité.

C’est un gardien qui est économe de ses gestes et qui a la particularité de rendre les autres meilleurs. Sa blessure à l’épaule, le 24 août contre Grenoble (2-2) n’est qu’un contretemps puisqu’il est opérationnel dès le 7 septembre à Toulouse où il commence le championnat (2ᵉ journée) par une lourde défaite (0-4), preuve que des ajustements sont encore nécessaires.

Néanmoins, très rapidement, il va prendre ses marques au sein d’un effectif dans lequel il inspire un grand respect malgré la présence de six internationaux. Geoffroy-Guichard le découvre le 13 septembre avec une victoire à la clé (4-1) face au champion de France en titre, balayé. Pierre Bernard ne s’est pas trompé.

Avec cette équipe, il peut envisager étoffer un palmarès en club plutôt maigre puisqu’il ne compte qu’une coupe de France avec Sedan en 1961, même s’il a été élu joueur français de l’année par le magazine France-Football en 1961.

Deux titres de champion de France avec l’ASSE

Les prestations de Pierre Bernard mettent tout le monde d’accord, ce qui lui vaut d’être de nouveau sélectionné avec l’équipe de France contre la Bulgarie pour les huitièmes de finale du championnat d’Europe.

En difficulté à l’aller à Sofia devant 50 000 spectateurs (0-1, le 29 septembre 1963), il est décisif au retour au Parc des Princes. Il maintient son équipe en vie avant que ses coéquipiers ne fassent la différence en toute fin de match, notamment grâce à un but de Robert Herbin (3-1, le 26 octobre 1963).

En championnat, à la surprise générale, les Verts, promus (rappelons-le), jouent les premiers rôles. Ils prennent la tête du classement dès la 9ᵉ journée, au coude à coude avec Monaco. Le gardien est époustouflant à plusieurs reprises.

En particulier face au Racing Paris, où il gagne le match à lui tout seul grâce à ses arrêts déterminants (3-1) permettant à son équipe d’être champion d’automne avec trois points d’avance sur l’OL et quatre sur Lens et Monaco.

Personne ne reverra plus les hommes de Jean Snella qui filent vers leur second titre de champion de France, l’année de leur accession, un exploit encore jamais réalisé dans l’hexagone.

Sar éférence à Gerland

Pierre Bernard est l’un des principaux artisans de cette formidable performance. Son calme à toute épreuve, son professionnalisme montré en exemple, l’ont rendu indispensable dans ce groupe qui loue ses qualités. Gardien complet, quasi imbattable sur sa ligne, il est un dernier rempart infranchissable, véritable patron d’une défense qu’il commande à la perfection et qui lui voue une confiance aveugle.

Ses deux matches « référence » avec les Verts se sont déroulés à Gerland. Il s’agit du derby retour contre Lyon le 14 mars 1965 (0-1) où il a été phénoménal avec des arrêts sensationnels. Il récidivera en quart de finale de la coupe de France, encore à Gerland, contre Valenciennes (3-2) le 4 avril suivant. Avec ses arrêts héroïques, il envoie les siens en demi-finale.

Avec lui, les Stéphanois vont remporter un troisième titre de champion de France (son deuxième personnel) en 1967. À 35 ans, il peut ainsi quitter l’AS Saint-Etienne avec le sentiment du devoir accompli, en même temps que Jean Snella, l’entraîneur qui l’a fait venir.

Ensemble, ils ont marqué l’histoire du club en replaçant l’ASSE au sommet de la hiérarchie du foot français. Gardien aussi généreux que modeste, mais d’une redoutable efficacité, Pierre Bernard a tout à fait mérité sa place parmi les cinquante meilleurs joueurs de l’histoire de l’ASSE.

By Albert Pilia