Ancien attaquant de l’ASSE de 2004 à 2007 (101 matches, 28 buts) et aujourd’hui consultant à Amazon Prime Vidéo, Frédéric Piquionne s’est livré pour Peuple Vert sur son aventure et ses souvenirs sous le maillot vert. Entretien.

Frédéric, tu as porté le maillot des Verts de 2004 à 2007. Que retiens-tu de ton aventure stéphanoise ?

Elle a été très positive, en général. Il y a bien évidemment eu des hauts et des bas, comme tout footballeur, mais si je dois tirer un bilan, j’ai vécu de très belles choses à l’ASSE. Quand je suis arrivé, je n’avais que trois ans de football professionnel dans les jambes, dont une avait été très compliquée, dans la mesure où il fallait que j’apprenne tout du métier. Je sortais de belles saisons à Rennes, même si la dernière avec László Bölöni avait été un peu contrastée avec l’émergence de Frei.

En tout cas, je suis arrivé ici avec énormément d’ambition et d’envie. Je savais que j’arrivais dans un club historique et l’un des plus populaires de France, il fallait absolument que je prouve que je méritais de porter ces couleurs, on m’a d’ailleurs tout de suite dit que dans ce club, tu n’avais pas le droit de ne pas mouiller le maillot. Tu peux avoir des moments compliqués, mais tu ne peux pas tricher à Sainté. C’est ce que j’ai fait pendant tout le temps où je suis resté.

Je me souviens d’ailleurs que quand je suis arrivé, l’année de la remontée, j’ai très vite senti ce poids de l’histoire et cette pression. Il fallait absolument que nous maintenions le club en Ligue 1, ce que nous avons fait.

Frederic PIQUIONNE – Lille / St Etienne – 10.12.2006 – 17eme journee de Ligue 1 – Photo : Philippe Perusseau / Icon Sport

Si tu devais retenir un souvenir de ces trois saisons, ce serait lequel ?

Je crois que c’est quand je reçois les trophées de meilleur joueur de Ligue 1 (ndlr : décembre 2004 et 2006). Il n’y a qu’ici que j’ai réussi à remporter des trophées individuels. C’était une belle récompense de tout le travail que j’avais pu faire jusqu’à présent, surtout que ce sont les supporters qui votaient. C’est quelque chose de très fort, et même d’inoubliable, quand tu sais que tu as été dans le cœur des gens. Encore aujourd’hui, c’est quelque chose dont je suis très fier.

D’autant qu’à Saint-Etienne, la ferveur est unique et exceptionnelle.

Oui, c’est énorme. Sincèrement, à part Marseille et Lens, je ne vois pas quel public peut rivaliser. Geoffroy Guichard, c’est très fort. Surtout quand on a le ballon et que l’on pousse, tu sens ce stade et ce peuple qui te pousse vers l’avant. Par contre, il vaut mieux finir les actions dans ce cas-là (rires).

Tu peux vite te retrouver sous pression dans les périodes difficiles ?

Oui, évidemment. Mentalement, tu peux vivre des moments compliqués quand tu commences à manquer de confiance et te poser des questions. Un attaquant a besoin de marquer des buts, de prendre des certitudes. Tu as beau te dire que tu mettras la prochaine, tu as ce stress et cette pression qui t’envahissent. C’est tout un travail psychologique qu’il faut mettre en place, surtout dans un club comme l’ASSE où la pression et l’attente des supporters sont importantes.

Illustration during the Ligue 1 Uber Eats match between Laval and Saint-Etienne at Stade Francis Le Basser on May 13, 2023 in Laval, France. (Photo by Eddy Lemaistre/FEP/Icon Sport)

Tu as également porté le maillot lyonnais pendant une saison. Est-ce particulier d’avoir évolué dans les deux clubs ?

Oui, bien-sûr, même si beaucoup d’autres joueurs sont dans cette situation. Encore aujourd’hui, on me parle du fait que j’ai joué dans les deux clubs et on me demande dans lequel j’ai préféré jouer. J’en discute parfois avec d’autres anciens comme Bafé (Gomis), on en rigole. Après, pour ma part, je suis quand même plus porté vers l’ASSE. J’ai porté pendant trois ans le maillot des Verts, c’est quelque chose qui marque une carrière.

Au cours de ton aventure stéphanoise, tu as notamment partagé un duo redoutable avec Ilan. Que retiens-tu de cette période ?

Que de bonnes choses. C’est avec lui que j’ai fait la grosse demi-saison qui me permet ensuite d’intégrer l’équipe de France. Dès qu’il est arrivé en provenance de Sochaux, nous nous sommes vus et avons discuté ensemble. Le coach voulait nous associer tous les deux. J’avais vu ses matches, je savais que c’était un joueur très fin techniquement et avec qui je pourrais m’entendre sur le terrain. Surtout qu’il y avait un certain Pascal Feindouno derrière nous pour nous mettre de superbes ballons (rires). Mais c’est vrai que cette association a été merveilleuse.

Je lui faisais des passes et il me faisait des passes. Cela peut paraître anodin de dire cela, mais il fait partie de ceux avec qui je me suis le plus entendu sur un terrain. Jamais un seul de nous deux n’a été égoïste envers l’autre, je crois que c’est aussi cela qui nous a permis de réussir ensemble. Mon association avec Ilan, c’est l’un des moments charnières de ma carrière.

ILAN / Pascal BERENGUER – 07.11.2009 – Nancy / Saint Etienne – 13e journee Ligue 1 – Stade Marcel Picot – Nancy

Tu parlais aussi du mythique Pascal Feindouno, qui nous a tous fait rêver sous le maillot vert. Est-ce l’un des meilleurs joueurs avec qui tu as joué ?

Oui, bien-sûr. Des bons joueurs, j’en ai côtoyé aussi à Lyon. Mais Pascal, c’était un artiste. Je le connaissais déjà depuis ses années lorientaises, c’était un joueur extraordinaire, qui n’a pas eu la carrière qu’il aurait dû avoir. Tout le monde le dit et tout le monde le sait. Il fait partie de ces mecs qui pouvaient faire gagner un match à eux seuls quand ils en avaient envie. C’était Pascal, un garçon incroyable.

Revenons à Ilan, il fait partie depuis quelques mois de la cellule de recrutement du club. Est-ce une bonne idée selon toi ?

Oui, c’est toujours important de s’appuyer sur ceux qui ont construit l’histoire d’un club. À condition bien entendu que tu reviennes avec des compétences et pas simplement pour revenir. Ilan connaît parfaitement le football brésilien, c’est quelqu’un qui est capable d’apporter son réseau et toutes ses compétences. Et puis, en cas d’arrivée d’un joueur sud-américain, il sera forcément très important dans son adaptation. Pour moi, c’est une très bonne chose qu’il soit revenu au club.

Un mot également sur les derniers mois des Verts. Comment as-tu jugé la saison dernière et le travail du staff ?

L’équipe a retrouvé des couleurs à partir du moment où le recrutement a permis de repartir de l’avant. Tout le monde savait que la première partie de saison serait compliquée, peut-être pas à ce point, mais c’était presque évident qu’il y aurait des difficultés avec les trois points en moins suite aux incidents face à Auxerre. Surtout qu’à partir du moment où tu commences à perdre trois ou quatre matches, c’est toujours très compliqué de se relever. Lolo Batlles, je le connais bien pour avoir joué à ses côtés au Stade Rennais. Il faut vraiment le féliciter, lui et son staff, d’avoir tenu bon, mais également le club de l’avoir gardé.

Laurent BATLLES coach of Saint Etienne during the training session of AS Saint-Etienne on July 10, 2023 in Saint-Etienne, France. (Photo by Romain Biard/Icon Sport)

J’ai même cru, à quelques journées de la fin, qu’ils pourraient commencer à jouer les trouble-fête pour la montée. Aujourd’hui, il y a une dynamique et une continuité qui se sont mises en place. L’année dernière était une saison de transition. Il va falloir désormais être beaucoup plus constant et régulier pour espérer aller chercher quelque chose dans quelques mois. Cette Ligue 2 sera une Ligue 1 bis, ce sera difficile jusqu’au bout. Mais il y aura quelque chose à faire dans ce championnat, c’est certain.

D’où l’importance de bien lancer cette saison avec la réception, ce week-end, de Grenoble.

Totalement. Il ne faut pas commencer à se dire que l’on peut rattraper facilement les points perdus trop vite. Si tu veux faire une belle saison, tu dois être tout de suite être à l’affût et montrer que tu es là. Il y aura une grosse ambiance à Geoffroy Guichard, il va falloir tout donner pour aller chercher la victoire et bien démarrer le championnat.