C’est l’histoire d’un club pas comme les autres, qui évolue dans un stade pas comme les autres, et qui a des supporters, eux non plus, décidément pas comme les autres. Ce match au sommet face à Auxerre, leader de L2, le Chaudron s'en souviendra longtemps. Récit.
Un club : l'AS Saint-Étienne
Ce club, c’est l’association sportive de Saint-Étienne qui vit actuellement sa deuxième saison dans l'antichambre de l'élite du football français. 4ème avant le début de cette 28ème journée, l'ASSE pouvait provisoirement monter sur le podium en cas de succès et se rapprocher de l'adversaire du jour, leader du championnat avec 10 points d'avance sur les Verts au coup d'envoi.
Après un début de saison mouvementé, fait de longues séries d'invincibilité et de défaites, l'ASSE a opéré un nouveau lifting à l'entrée de l'hiver avec un changement de coach (départ de Laurent Batlles, remplacé par Olivier Dall'Oglio) et l'arrivée de trois nouveaux joueurs (Maçon, Cardona, Mbuku) qui ont, eux aussi, métamorphosé le visage de l'équipe stéphanoise. Avant la rencontre face à Auxerre, les Verts restaient sur quatre matchs consécutifs sans défaite, dont deux victoires spectaculaires et convaincantes face à Troyes (5-0) et Angers (0-3).
Au soir de la 23ème journée, après une défaite particulièrement inquiétante à Dunkerque (1-0), les Verts sont 11èmes du championnat, avec 9 pts d'avance sur le premier relégable, 3 points de retard sur le 5ème, et 12 sur le Top 2, synonyme de montée directe en L2. Ce dimanche, alors que la majorité de la 28ème journée a eu lieu (il reste Grenoble/Laval ce lundi soir), l'ASSE est 3ème, dispose de 12 points d'avance sur le premier relégable, et surtout n'a plus que 5 points de retard sur le dauphin angevin. Tout est désormais possible, et les Verts peuvent se mettre à rêver.
Un stade : Geoffroy-Guichard
Ce stade, c’est le Chaudron. Geoffroy-Guichard. 41.965 places en temps normal, mais qui est amputé cette saison des deux balcons de ses Kops. La capacité commerciale allouée aux supporters stéphanois est donc temporairement de 35.337 places. Auxquelles il faut ajouter le parcage visiteur.
Ce stade abrite deux kops parmi les plus bouillants de France, qui se font face. Une ambiance de folie quelle que soit la compétition, l’affiche, le standing et l’horaire. Un stade mythique, théâtre des plus grands exploits.
Ce samedi 9 mars, le Chaudron s'en souviendra. Et pour cause, il était plein à craquer, et bouillant. 36.277 supporters, c'est l'affluence réalisée ce samedi, comprenant le parcage auxerrois complet (environ 900 supporters). Geoffroy-Guichard a ainsi réalisé sa meilleure affluence de la saison, dépassant celle atteinte face au Paris FC à l'occasion des 90 ans du club en novembre dernier.
Les chiffres, c'est une chose, les records donnent une fière allure. Mais ce qui a été le plus mémorable ce samedi venteux à Saint-Etienne, c'était assurément l'ambiance exceptionnelle qui s'y est exercée. Il faut dire que c'était prévisible, car après tout, et n'ayons pas peur de la dire, l'ASSE dispose d'une ferveur unique et d'un public fantastique.
Un public : le Peuple Vert
Ces supporters, ce sont ni plus ni moins que les supporters des Verts. Ceux présents dans la victoire comme dans la défaite. Ceux qui se déplacent par centaines, voire millier aux quatre coins de la France pour encourager leur équipe. Ces supporters fidèles à vie, fiers de leurs valeurs, de leur histoire, de leur passé et de leur présent. Ces supporters qui pour certains ont connu 76, d’autres ont connu la précédente relégation au début du siècle et la remontée, et enfin ceux qui vivent leurs premières saisons en L2, leur première relégation et pour qui, c'est le premier moment très douloureux de leur vie de supporter des Verts.
Ces amoureux des Verts qui se voient trop souvent entravés dans leur supporterisme à cause de trop nombreuses sanctions collectives prises par la commission de discipline de la LFP. Depuis le début de saison, six matchs de l'ASSE à Geoffroy-Guichard se sont déroulés à huis clos partiel. Mais ces multiples sanctions, parfois incompréhensibles (deux huis clos partiels à domicile après les évènements survenus à l'extérieur en parcage à Rodez), n'empêchent les supporters des Verts d'encourager leurs joueurs. La passion en ressort parfois même décuplée. Malgré des programmations parfois peu arrangeantes en semaine, les affluences de l'ASSE à domicile sont plutôt bonnes cette saison. On pense notamment à ASSE/PFC (35.563), ASSE/SCO (27.153), ASSE/GF38 (25.412) ou ASSE/QRM (24.103).
Enfin, ces supporters des Verts qui se reconnaissent enfin dans l’équipe aujourd’hui. Une équipe portée vers l’avant, qui produit du beau jeu, qui ne lâche rien, capable de serrer les dents dans des phases délicates d'un match, qui se montre solide défensivement et qui est capable de se sublimer face aux meilleures équipes : l'ASSE est l'équipe qui gagne le plus de points face au Top 5 cette saison.
Bref, ce club, ce stade et ces supporters sont uniques. Et ils l’ont une nouvelle fois démontré ce samedi face à Auxerre.
Geoffroy-Guichard s’est embrasé. Allez les Verts, allez, allez Sainté.
L'attente autour de cette affiche a grandi au fur et à mesure de la saison. Si certains supporters avaient déjà coché cette date dans leur calendrier dès l'été dernier, ayant le sentiment d'une revanche à prendre après la relégation des Verts en 2022, d'autres se sont pris de passion pour ce match après l'humiliation subie au match aller (5-2). Finalement, la bonne série en cours de la bande d'Olivier Dall'Oglio a fini de convaincre les supporters à venir encourager leur équipe pour ce match qui pouvait s'avérer décisif selon le résultat.
Tout l'enjeu de cette semaine, était de savoir si le match allait se jouer à guichets fermés. En effet, si c'était le cas et face à l'affluence attendue en parcage visiteur, le club allait avoir l'assurance de réaliser son record d'affluence de la saison. Finalement, c'est chose faite.
Ce samedi, les deux kops étaient remplis, complets, pleins à craquer. Henri-Point aussi, tout autant que la tribune Pierre-Faurand et tous les corners. Les supporters ont abondé autour du Chaudron tôt dans la journée, dès 13h (alors que les portes étaient censées ouvrir à 13h30), de longues files d'attente étaient perceptibles aux pieds des Kops. Les supporters étaient pressés, prêts à donner de la voix et des mains pour pousser leur équipe. Les Magic Fans et Green Angels sont, eux aussi, arrivés plus tôt que d'habitude dans leur tribune respective. Il faut dire que les pensionnaires du Kop Nord avait imaginé et mis en place une animation, un magnifique tifo pour célébrer leurs dix ans d'amitié avec le Commando Cannstatt 1997, groupe ultra de Stuttgart. Le résultat était assurément à la hauteur de leurs attentes.
Tifo fêtant les 10 ans d’amitié entre les Magic Fans et le Commando Cannstatt. 💚❤️pic.twitter.com/DsQMcAjdHX
— Ferveur Verte (@FerveurVerte_) March 9, 2024
Le Kop Nord (où j'étais en l'occurrence) était bouillant, effervescent. En face, le Kop Sud avait un beau visage, plein à craquer lui aussi et avec des chants particulièrement bruyants et suivis. Une image qui faisait, elle aussi, plaisir à voir. Dès le coup d'envoi du match, les deux Kops se sont joints pour un chant commun, quelque peu brouillon, mais particulièrement bruyant. Le spectacle était lancé. Il faut dire que le début de match était particulièrement emballant sur le terrain, avec des occasions de buts des deux équipes. Après 20 premières minutes survoltées, le stade s'est quelque peu endormi, sans doute refroidi par le vent, les quelques gouttes de pluie et surtout l'enjeu du match. Les souffles étaient coupés à chaque coup de pied arrêté ou tentative de tir.
À la mi-temps, un capo des Magic Fans a tenté de remobiliser les troupes. Il n'en fallait pas plus pour revigorer des supporters qui ne demandaient qu'à exulter. La 2ème période a ainsi repris sur les mêmes bases que la première, mais cette fois sans jamais s'essouffler. Les Verts attaquaient face à Kop Nord, un mur vert qui ne faisait qu'un avec des supporters se tenant par les bras et chantant à la gloire de leur équipe favorite.
À la 55ème minute, lorsque Irvin Cardona a accompagné dans les filets le ballon au pied du Kop Nord, une marrée verte a déferlé sur le bas de la tribune. Le Chaudron exultait, explosait, se libérait. Les visages des joueurs étaient tout aussi joyeux que ceux des supporters, à la fois soulagés et heureux. À partir de ce moment-là, Geoffroy-Guichard a basculé dans une autre dimension, Henri-Point s'est joint aux 2 Kops.
Le Kop Nord a entonné son mémorable "Si on ouvrait les portes d'un club légendaire" à la 65ème (mon péché mignon) puis a enchainé avec un « Popolo polo popo po » avec le Kop Sud. Sentant la victoire s'approcher, le stade basculait dans l'irrationnel, malgré une crispation toujours perceptible chez des supporters conscients qu'avec les Verts, il faut s'attendre à tout.
Durant les longues minutes d'un temps additionnel qui a paru interminable et au cours duquel les auxerrois ont assiégé la surface de réparation de Gautier Larsonneur, un shalala a été entonné à l'unisson. Au coup de sifflet final, les supporters ont exulté de la même manière que les joueurs présents sur le banc. Tout un stade prenait conscience de l'exploit que venait de réaliser son équipe : faire tomber le leader qui restait sur une série de 14 matchs sans défaite.
La victoire de tout un groupe ! 🫂 pic.twitter.com/CumGV0WIuF
— AS Saint-Étienne (@ASSEofficiel) March 9, 2024
Les célébrations de l'équipe avec les 2 Kops a été à la hauteur de la performance réalisée ce jour-là. Si tout reste à faire dans ce sprint final qui ne fait que débuter, et que l'objectif est loin d'être atteint, les supporters et les joueurs peuvent et doivent savourer ces moments qui resteront gravés dans les mémoires. Ce samedi, les joueurs d'Olivier Dall'Oglio ont fait honneur au maillot Vert, et les supporters des Verts ont fait honneur, comme toujours, à leur réputation de meilleur public de France.
Qu'il semble le loin le temps où certains joueurs étaient "inhibés" par l'ambiance de Geoffroy-Guichard d'après les mots d'Olivier Dall'Oglio. Pourtant, cette déclaration remonte au tout début du mois de février, après la défaite à domicile face à Amiens. Ce temps semble donc révolu, les joueurs ont enfin pris confiance dans ce stade, à la faveur de résultats positifs face à Troyes, Annecy et Auxerre. Ça tombe bien, puisqu'il reste désormais 4 matchs dans le Chaudron d'ici à la fin de la saison, dont des rendez-vous majeurs :
- ASSE - Concarneau le 6 avril avec les 90 ans de l'ASSE fêtés par les GA92, l'USS et les IS98
- ASSE - Bordeaux le week-end du 20 avril
- ASSE - Caen le week-end du 27 avril
- ASSE - Rodez le 10 mai avec les 90 ans de l'ASSE fêtés par les MF91
Cette fin de saison peut être belle, théâtre d'une performance sportive attendue par tout un club et tout un peuple. Elle peut également être festive et collective. Les supporters des Verts répondront de toute manière présents, à domicile comme à l'extérieur. À l'équipe de poursuivre sa quête de son rêve et d'embarquer avec elle un peuple qui ne demande qu'à vibrer.
Un match dans l'histoire de la 2ème division française
Cette grosse affluence va marquer l'Histoire. Avec 36.277 spectateurs, ce Sainté - Auxerre est la 2ème meilleure affluence à Geoffroy-Guichard en D2 (depuis la restauration de la poule unique en 1994).
Les meilleures affluences en D2 à Geoffroy-Guichard :
- ASSE - Valenciennes, le 2 juin 2023 : 39.873 spectateurs
- ASSE - Auxerre, le 9 mars 2024 : 36.277 spectateurs
- ASSE - Paris FC, le 4 novembre 2023 : 35.563 supporters
- ASSE - Ajaccio, le 1er mai 1999 : 35.530 spectateurs
- ASSE - Nice, le 14 avril 1999 : 35.187 spectateurs
- ASSE - Chateauroux, le 22 mai 2004 : 34.797 spectateurs
- ASSE - Laval, le 11 novembre 1998 : 33.925 spectateurs
- ASSE - Angers, le 1er mai 2004 : 33.457 spectateurs
- ASSE - Troyes, le 12 décembre 1998 : 33.104 spectateurs
- ASSE - Chateauroux, le 22 mai 1999 : 33.011 spectateurs
Cet ASSE - Auxerre est globalement la 17ème meilleure affluence de l'histoire de la deuxième division sous poule unique, depuis 1994. Parmi les 17 affluences supérieures depuis 1995, neuf concernent des rencontres de Lens au Stade Bollaert, une concerne l'ASSE à Geoffroy-Guichard, deux le FC Nantes à La Beaujoire et une Marseille au Vélodrome (en plus de celle au Stade de France).
C'était l’histoire d’un club pas comme les autres, qui évolue dans un stade pas comme les autres, et qui a des supporters, eux non plus, décidément pas comme les autres.
Crédit photo : asse.fr