Alors que le gouvernement cible les groupes ultras, les supporters de l'ASSE, en première ligne, dénoncent des mesures disproportionnées. La responsabilité du préfet de la Loire est pointée du doigt.
Depuis plusieurs semaines, la question de la dissolution des groupes ultras agite le football français. Bruno Retailleau, Ministre de l'Intérieur, s’est montré déterminé à engager des procédures visant certains groupes, notamment les Magic Fans 91 et les Green Angels 92. Sur Sud Radio, il justifie sa position sans détours : « Nous mobilisons 30 % des forces de l’ordre chaque week-end. En six ans, le nombre d’heures de policiers et gendarmes a augmenté de 86%. » Et d’enfoncer le clou : « Je suis favorable à la dissolution si je peux dissoudre sans être annulé par la justice. »
Pour lui, ces dissolutions visent à garantir la sécurité dans les stades, qu’il décrit comme devenus « des zones de non-droit ». Mais à Saint-Étienne, la procédure soulève des questions, notamment sur le rôle du préfet de la Loire, Alexandre Rochatte .
Le préfet de la Loire sous le feu des critiques
Pierre Barthélemy, avocat de l’ANS, dénonce l'absence de dialogue entre la Préfecture de la Loire (Alexandre Rochatte) et les supporters « Il n’a jamais souhaité rencontrer les groupes de supporters stéphanois. Jamais. »
L’avocat va plus loin : « J’ai essayé de le contacter pour établir un lien. Sa réponse a été claire : ne pas me contacter directement et passer uniquement par des voies officielles. » Cette posture, fermée au dialogue, tranche avec d'autres villes où les préfectures maintiennent des échanges constants avec les associations, comme à Lyon, Marseille ou Bordeaux.
L’absence de volonté de concertation est pointée comme l’une des causes principales expliquant pourquoi l'ASSE est aujourd’hui en première ligne. Barthélemy insiste : « Dissolution ou pas, ce préfet (Alexandre Rochatte) s’en fiche. Il n’a pas perçu l’importance du dialogue. »
Un choix politique assumé, mais qui, selon de nombreux observateurs, risque d’aggraver la situation sur le terrain. Car sans interlocuteurs identifiés, les tensions pourraient s’intensifier, sans qu'aucune médiation ne soit possible.
Des arguments sécuritaires contestés par l'ANS
Bruno Retailleau insiste sur les chiffres : « Le nombre d’heures de forces de l’ordre explose, la mobilisation est sans précédent. » Mais là aussi, l’ANS tempère. Pierre Barthélemy rappelle : « On mobilise moins de forces qu’au début des années 2000. Ce qui a changé, c’est la manière de compter. Aujourd’hui, on comptabilise même les policiers à plusieurs kilomètres du stade. »
Mais le sujet le plus sensible reste l’usage des sanctions collectives, systématiquement préférées aux sanctions individuelles : « Le vrai problème, c’est l’abandon du système de sanctions individuelles. On ferme des tribunes entières, mais on ne va pas chercher les responsables. Pourtant, on dispose de centaines de caméras pour le faire. »
Pourquoi les groupes de l'ASSE sont les seuls ciblés
Alors qu’il était question initialement de dissoudre neuf groupes ultras, deux procédures seulement ont été lancées… toutes deux visant Saint-Étienne. Là encore, la responsabilité locale est pointée du doigt. « Ce n’est pas un hasard si c’est à Saint-Étienne que ça commence. Il y a un préfet qui refuse toute forme de discussion », déplore Barthélemy.
Les MF91 et GA92, pourtant partenaires du dialogue avec le Ministère des Sports depuis plus de dix ans, sont aujourd’hui visés par des procédures qui les présentent comme « des groupuscules violents ayant choisi la clandestinité ». Une vision déconnectée de la réalité locale, selon les acteurs du mouvement supporter.
Daniel Riolo, lui aussi, questionne la stratégie : « La dissolution passera mieux si elle touche des groupes politiquement marqués. Mais quel est l’intérêt de tout dissoudre ? Autant aller chercher les individus violents. » Et de rappeler que la suppression des associations supprime avant tout des interlocuteurs : « Sans structure, la gestion des supporters devient bien plus compliquée. »
Les dissolutions semblent donc porter la marque d’une décision locale assumée, mais contestée par ceux qui prônent un retour au dialogue, avant qu’il ne soit trop tard. Les dirigeants de l'ASSE suivent le dossier de très près.
Source : Sud Radio, RMC, After Foot