En 2015, en créant le statut d'intermédiaire sans licence, la FIFA a ouvert la porte à toutes les dérives dans le monde des agents... Bien consciente des abus qui ont permis à M. Tout le Monde de s'enrichir sur le dos du transfert d'un joueur, la FIFA siffle la fin de la récréation. Une révolution qui prendra forme en juin prochain !
Comme le précisait L'Equipe il y a peu, "la commission XXL de l'agent italo-néerlandais sur le transfert de Paul Pogba de la Juventus à Manchester United en 2016, estimée à un total de 49 millions d'euros pour un transfert de 105 millions d'euros, a été l'un des déclencheurs de la tentative de grand ménage de la FIFA."
Outre le problème du déplafonnement des commissions touchées par les agents, c'est le nombre faramineux d'intermédiaires qui ont émergé depuis 2015 qui est dans le viseur de la FIFA.
"La création en 2015 du statut d'intermédiaire sans licence a été une énorme erreur."
Jean-François Brocard, enseignant chercheur en économie du sport au Centre de droit et d'économie du sport de l'Université de Limoges, spécialiste des agents sportifs, évoquait il y a peu dans le journal L'Equipe : "La création en 2015 du statut d'intermédiaire sans licence a été une énorme erreur. Comme les fédérations étaient incapables de contrôler l'activité des agents, la FIFA a préféré déréguler plutôt que faire semblant, mais elle s'est vite rendu compte qu'on allait à la catastrophe."
Alors qu'en 2020 la FIFA annonce que seulement 20% des transferts sont concernés par la présence d'intermédiaires, Jean-François Brocard prétend avec certitude que ce sont en fait "près de 100 % de ces transferts sont concernés par une intermédiation." Ainsi, tout un chacun ou presque est aujourd'hui en capacité de toucher une somme dans le cadre d'un transfert de joueur de football...
Voilà qui explique certaines situations alambiquées qui n'ont pas épargné l'ASSE ces dernières années. Si on entend souvent parler du fameux "entourage du joueur", il faut parfois y dénombrer quelques opportunistes appâtés par l'argent. Lors du mercato hivernal 2021, Roland Romeyer évoquait à demi-mots cet état de fait lors du transfert avorté de Mostafa Mohamed à l'ASSE...
Les agents récupèrent le pactole pendant que les clubs formateurs prennent les miettes...
Entre le 1er juin et le 1er septembre dernier, les transactions de joueurs ont atteint 5 milliards d'euros. Sur cette somme, les agents se sont partagés 494,4 millions d'euros, précise la FIFA. L'instance mondiale du football précise également que "ces dix dernières années, le ratio indemnités des agents / indemnités de transfert pendant la principale période d'enregistrement est passé de 6,1 % en 2012 à 9,9 % en 2022. En comparaison, le total des paiements versés au titre de la rétribution de la formation s'élève à 69 millions de dollars." Cela revient à dire que les agents sont davantage rétribués que les clubs qui façonnent les joueurs pendant au moins 3 années, permettant à ce marché d'exister et à ces montants d'être atteints. Les agents s'enrichissent pendant que les clubs formateurs se partagent la part du "pauvre".
En 2015, la FIFA décidait de ne plus délivrer la licence d'agent. Ainsi, cette compétence était transférée aux associations membres, leur permettant de mettre en place ou pas leur propre réglementation en matière d'autorisation d'exercice de la profession. Luis Villas-Boas Pires, responsable du département agents de la Fifa explique : "Le nombre d'intermédiaires a fortement augmenté depuis la fin du système de licence en 2015, avec pour conséquence principale de diminuer la qualité des services fournis aux joueurs".
La FIFA sonne la fin de la récréation !
Le nouveau règlement prévoit que la licence d'agent va à nouveau devenir obligatoire pour exercer la profession. De quoi réduire le nombre de personnes qui gravitent autour des joueurs au moment de leurs transferts. "Leur rémunération étant corrélée à la mobilité des joueurs, les agents ont accéléré le rythme des transferts, mettant en danger les clubs formateurs car leurs jeunes talents partent de plus en plus tôt", explique Jean-François Brocard, économiste au Centre de droit et d'économie du sport à Limoges.
Applicable en juin 2023, le règlement présenté au sommet de la FIFA en Nouvelle-Zélande prévoit notamment de rendre de nouveau obligatoire la licence FIFA pour les agents, de créer une chambre de compensation, où tous les flux d’argent devront circuler, de plafonner les commissions versées aux agents - à 10% de l’indemnité de transfert quand ils représentent le club vendeur, et à 3% du salaire du joueur lorsqu’ils représentent le joueur ou le club acquéreur-, et de mettre fin à la multiple représentation qui permettait aux agents de représenter les trois parties lors d’un transfert (joueur, clubs vendeurs et acquéreur).
De quoi remettre un peu d'ordre dans la profession, même si la limite de 10% sur l'indemnité de transfert fait craindre que cela ne permette pas de réduire le nombre très important de transactions.
Enfin, comme le rappelle L'Humanité, "pour mieux contrôler les indemnités de transfert, la Fifa va mettre en place une chambre de compensation, qui sera installée à Paris, chargée de centraliser les paiements aux clubs formateurs (5 % du montant du transfert du joueur), mais aussi de contrôler les commissions versées aux agents. Chaque année, une grande partie de la rétribution prévue pour les clubs formateurs leur échappe, faute de centralisation de ces transactions, les clubs professionnels ayant une fâcheuse tendance à se soustraire à leurs obligations. La Fifa estime en effet à près de 400 millions de dollars le montant qui devrait être redistribué chaque année aux clubs formateurs, au lieu des 70 millions qu'ils perçoivent."
Les 10 mesures qui devraient boulverser le monde des agents et les transactions !
Selon l'Institut Préparatoire au métier d'Agent de Football (IPAF), voici les dix mesures qui vont boulverser le monde des agents et les transactions dans le monde du football
L'accès à l'activité d'agent de football :
L’inscription sur une plateforme de la FIFA en tant que personne physique et non personne morale
Le respect de critères d’éligibilité, comme le fait de ne pas avoir exercé sans licence au cours des 24 derniers mois ou avoir eu des participations dans des sociétés de paris sportifs
La réussite d’un examen organisé par la FIFA, dont le programme sera communiqué par circulaire
Le paiement d’une redevance fixée chaque année par circulaire et estimée aujourd’hui à 600 CHF
Le suivi d’une formation continue durant les 5 premières années
Une activité toujours plus encadrée
Seul un agent licencié pourra exercer les prérogatives réservées aux agents. Un avocat ne pourra pas se prévaloir de son seul statut d’avocat pour exercer, il devra détenir la licence en passant l’examen. Cette disposition télescope actuellement la réglementation française et il s’agira de voir si la France transposera bien cette mesure.
Il sera toujours possible d’avoir une société d’agents mais seul l’agent licencié pourra exercer les prérogatives d’agents au sein de la société
Le contrat de représentation
Il ne sera possible de représenter un client qu’après avoir conclu un contrat avec lui. Avant de conclure, l’agent devra rappeler à son client qu’il peut demander des conseils juridiques sur le contrat de représentation qu’il s’apprête à signer et obtenir une confirmation qu’il a eu recours ou non à un conseiller juridique concernant ce contrat.
S’agissant d’un entraineur ou d’un joueur, le contrat de représentation sera de deux ans maximum et ne pourra pas être reconduit automatiquement. Il ne pourra pas être rompu sans juste cause sous peine de sanction pour la partie à l’origine de la rupture.
Le contrat ne pourra pas interdire au joueur de négocier seul avec un club s’il le souhaite.
Changement majeur pour les mineurs
Il sera possible de contracter avec un joueur mineur au plus tôt 6 mois avant la possibilité pour un joueur de signer son 1er contrat professionnel. Dans le cas contraire, l’agent s’expose à un amende et à une suspension de licence de 2 ans.
Si un agent souhaite représenter un mineur ou un club dans une transaction comprenant un joueur mineur, il devra avoir suivi un cours de formation relatifs à ce type d’opération.
Double mandats : interdiction, exception et commission
Le principe posé par la FIFA est l’impossibilité de représenter 2 parties dans une même transaction
Une exception est prévue : la double représentation du club acquéreur et du joueur ou entraîneur.
Rémunération : le joueur devient vraiment le payeur
Seul le client de l’agent pourra désormais payer l’agent, sans l’intervention d’un tiers. Ainsi, un club ne pourra plus se substituer au joueur pour rémunérer l’agent comme cela était autorisé autrefois. Une exception est toutefois prévue pour le joueur percevant moins de 200 000 dollars à l’année.
Rémunération : un plafond de verre
Selon l’opération pour laquelle il a œuvré, l’agent sera rémunéré :
Si le salaire du joueur ou de l’entraîneur est inférieur à 200 000 USD ou équivalent : 5% de la rémunération, 10% de la rémunération en cas de double mandatement autorisé, 10% de l’indemnité de transfert du club libérant
Si le salaire du joueur ou de l’entraîneur est supérieur à 200 000 USD ou équivalent : 3% de la rémunération, 6% de la rémunération en cas de double mandatement autorisé, 10% de l’indemnité de transfert du club libérant
Client - agent : une relation monogame à l’horizon
Un agent ne pourra pas solliciter un joueur ou un entraîneur sous contrat exclusif avec un autre agent. Une exception est prévue lorsque le contrat entre le joueur ou entraîneur et l’agent expire dans moins de 2 mois, il y aura possibilité d’approcher le joueur ou l’entraîneur voire même de conclure avec celui-ci.
Des litiges réglés en chambre
En cas de litige, il y aura possibilité d’agir devant la chambre des agents de la FIFA, en respectant trois conditions :
-Le litige doit être international. Dans le cas contraire, c’est l’association en question qui sera compétente.
-La requête devra être déposée conformément au règlement du Tribunal du Football de la FIFA ;
-Il faudra déclarer le litige avant la fin du délais de prescription : 2 ans à compter de la survenance des faits ;
Anciens agents et nouveau monde
L’agent qui détient une licence qui date du moment où la FIFA organisait l’examen (2015 au plus tard) sera exempté de passer le nouvel examen. Il devra toutefois faire une demande de licence, respecter les critères d’éligibilité et faire la preuve de son exercice de la fonction depuis 2015
L’agent qui a obtenu une licence après 2015 dans un pays ayant mis en place en système de régulation conforme à la législation nationale pourra obtenir la licence FIFA. Pour cela il faut qu’un examen ait été mis en place par l’association.