Favori pour le rachat de l'AS Saint-Etienne, le nom de David Blitzer est au coeur de toutes les discussions. Si Romain Molina a donné une image plutôt rassurante du milliardaire américain, nous avons souhaité prolonger nos recherches. Nous sommes tombés sur un entretien entre David Blitzer et Scott O'Neil. Le talk show du 8 novembre 2019 à la "Wharton Sports Business Summit". Un échange dans lequel on apprend beaucoup... Bonne lecture à vous.

David Blitzer se présente avec Scott O'Neil. Il s'agit d'une personne impliquée dans la gestion et le développement opérationnel des 76ers de Philadelphie (NBA). Extraits.

Pourquoi investir dans le sport ?

David Blitzer : " Comme probablement 99% des personnes présentes dans cette salle, j'étais l'un de ces faux athlètes ou athlètes ratés en grandissant, mais j'étais un énorme fan de sport depuis mon enfance.  J'ai toujours eu dans un coin de ma tête l'envie de m'investir dans le sport. Ma mère s'en souvient, je me rappelle l'avoir appelé quand je lui ai dit que nous allions acheter les Sixers (76er de Philadelphie en NBA). Elle m'a tout de suite dit : Je ne suis pas surprise, tu voulais faire ça quand tu avais sept ans.

On a eu un peu de chance, ce qui nous a permis, ce qui m'a permis de le faire. Mais pour ce qui est de l'aspect business, j'en ai beaucoup parlé, nous n'aurions jamais fait un investissement juste pour le plaisir. C'est génial qu'il y est cette notion de plaisir. Elle crée une combinaison parfaite, mais je devais avoir du sens du point "Business".

J'ai appris une tonne de choses. Je pense que ça fait maintenant huit ans que nous avons investi dans notre première équipe de sport. J'ai appris une tonne de choses chaque semaine, chaque année, etc. Et j'apprends encore beaucoup. Mais au début, ma thèse d'investissement était vraiment très simple. C'étaient deux choses :

  • Les droits audiovisuels. Je n'aurais jamais pensé que les droits TV de la NBA auraient tant augmenté depuis 2014, mais je pensais qu'ils allaient croître de façon spectaculaire tout de même. Ils ont dépassé mes espérances.
  • Et la valeur de rareté. En NBA par exemple, il y a 30 équipes. La loi basique de l'offre et de la demande fait que la demande augmente et l'offre non. Donc tant que vous avez de la patience et que vous avez une vision à long terme vous êtes gagnant. 

Quand nous avons acheté les 76ers j'étais vraiment optimiste sur la NBA. Nous avons acheté les Philadelphia 76ers mais nous avons essentiellement acheté 3,3% de la NBA ! 

Le problème à l'époque était que l'équipe perdait des sommes d'argent importantes. Nous avons fait beaucoup d'analyses de flux de trésorerie. C'est la partie la moins jolie mais indispensable. "

 

Le risque d'investir dans des championnats non fermés

"Il y a une différence entre ce qui m'inquiète et les risques inhérents à l'industrie du sport.

Dans les championnats sans relégation, si vous avez une vision à long terme, et cela va paraître un peu banal, je ne pense pas qu'il y ait vraiment beaucoup de risques.

En Premier League, c'est simplement 20 équipes, trois sont rétrogradées chaque année dans les ligues mineures. Et trois montent. Donc vous n'avez pas de place permanente et c'est le cas pratiquement partout dans le football mondial.

En NBA, je vois un risque sur le taux de croissance, pas sur le fait qu'il y ait croissance. Fondamentalement, dans les championnats principaux sans relégation, à long terme, je ne pense vraiment pas qu'il y ait de risque d'investissement.

Je pense qu'il y a beaucoup plus de risques dans les championnats avec relégation. Sans aucun doute. Nous avons connu beaucoup de stress avec notre équipe de football. Quand j'ai pensé que nous pourrions être relégués ça aurait été embarrassant et financièrement désastreux.

Mais de quoi dois-je m'inquiéter ? Je m'inquiète des performances. Je m'inquiète de notre rôle dans la communauté. Je m'inquiète que quelqu'un fasse quelque chose de vraiment stupide. Je m'inquiète des blessures. Nous nous inquiétons sans fin. Mais pour en revenir au côté investissement, je n'ai pas beaucoup d'inquiétudes. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de risques."

On dirige un club comme une entreprise ?

"C'est incroyablement similaire. C'est ce que j'ai fait pendant les 28 dernières années de ma vie. Je ne pense pas qu'il y ait vraiment de différences.

Il y a des différences fondamentales avec le business du sport. Un club c'est différent d'une entreprise de produits de consommation. Mais en ce qui concerne la gestion d'équipe, la construction de l'organisation, c'est exactement ce à quoi je suis habitué. A la fin de la journée, vous embauchez les meilleures personnes à chaque poste. Vous leur donnez de quoi être efficaces. Vous mettez en place les structures de gouvernance appropriées, et vous leur donnez l'espace nécessaire pour faire leur travail.

Vous n'avez pas besoin de venir du sport pour être sur le volet business. C'est bien si vous l'avez mais il n'y a aucun prérequis. Pour ce qui est de l'aspect sportif, nous pourrions le diviser en plusieurs catégories. Je doute qu'on prenne une personne super intelligente et qu'on la mette comme entraîneur. J'ai tendance à penser que cette personne devrait probablement avoir une certaine expérience du sport. Ce serait une expérience intéressante. Mais il y a tellement d'autres postes que les gens ne voient pas dans les opérations de basket-ball par exemple. Vous savez la science du sport explose avec les Data. Beaucoup de choses se passent en coulisses. Tout cela, je n'ai pas l'impression qu'il y ait un prérequis pour être dans le sport."

Un fan de DATA

"Oui, oui, oui et oui. Oui, nous croyons profondément à l'analyse des données.
La science des données a évidemment existé pendant une période assez longue. Elle est en train de changer de façon spectaculaire sous nos yeux. J'ai oublié les chiffres exacts, mais la quantité de données créées et analysées au cours des 12 derniers mois est plus importante que le reste des données de l'histoire. Ça va continuer à croître à un rythme exponentiel.

Nous utilisons les données très intensément lorsque nous analysons les entreprises et les clubs dans lesquels nous voulons investir. Elles n'auront rien à voir avec le sport et vous voulez toujours obtenir autant de données que vous le pouvez. Des personnes incroyablement intelligentes analysent ces données.

Je veux dire que l'investissement que nous faisons dans les scientifiques et la DATA chez Blackstone, par exemple, est massif. Je travaille intensément avec eux et c'est un tel plaisir d'être capable de résoudre un problème que je n'aurais pas su comment résoudre ce problème ou simplement d'obtenir une meilleure lecture.

C'est absolument génial. Donc, en ramenant ça au sportif, c'est toujours super important d'avoir autant que vous pouvez et d'avoir des gens incroyablement talentueux avec lesquels vous pouvez observer et analyser. 

Dès que nous sommes arrivés chez les 76ers, nous avons ajouté quelques personnes chargées de l'analyse des données. Je pense que ces trois dernières années nous sommes passés à un autre niveau. Nous continuons parce que c'est un peu comme l'apprentissage automatique dans le sens où ça ne cesse de s'améliorer, et nous avons une équipe incroyable aux Sixers (NBA).

Il y a 18 mois, nous avons aussi fait appel à des analystes chez les Devils (New Jersey Hockey). Nous avons investi de manière significative à la fois dans les ensembles de données, dans l'équipement et dans les personnes pour développer de manière spectaculaire ce que nous faisons dans le hockey. Et nous faisons la même chose dans le football. C'est donc un peu partout."

 

Les risques de l'approche Data

"Le problème réside dans la qualité des données. Comment ces données sont-elles fournies et utilisées ?  Par exemple, le hockey n'en est qu'à ses débuts, ils testent toute une série de systèmes mais le suivi des joueurs et des palets va complètement changer l'analyse du hockey au cours des prochaines années. Je pense que le hockey est raisonnablement similaire au football. Donc je pense que cela va faire une sorte de grand bond en avant au fil du temps.

Vous pouvez avoir les gens les plus intelligents de la science des données et des données merveilleuses, mais qu'est-ce que ça va vous dire ? On peut avoir quelqu'un assis dans son bureau qui est un génie et qui a compris que lorsque "Ben" va à gauche, la défense a tendance à faire ceci, que pour X, Y ou Z facteurs les joueurs devraient faire X, ...  Mais si les joueurs et les entraîneurs ne sont pas convaincus de cela, vous avez juste des scientifiques qui ont créé des choses vraiment cool. Ça ne va pas vraiment faire grand-chose pour vous. Donc, ce que j'ai l'impression que nous avons vraiment bien fait, c'est d'intégrer nos équipes de données et d'analyse et nous le faisons encore plus largement dans toute l'organisation."