Comme chaque semaine, nous vous présentons l'une des Légendes de l'ASSE. Place désormais aux dix meilleurs joueurs de l’histoire des Verts. Ceux qui occupent une place spéciale au firmament du club. Ils ont marqué une époque, une génération. Ils ont pris part à la légende et permis à ce que les Verts soient encore aujourd’hui à part dans le cœur des Français. Voici le portrait du 5ᵉ : Yvan Beck (108 matches, 103 buts de 1935 à 1939)
BECK, Le magnifique
L’ASSE a raté par deux fois son objectif de monter en D1 mais les dirigeants stéphanois sont loin de se décourager. Bien au contraire. Ils continuent à vouloir renforcer leur équipe et à l’aube de la saison 1935-36. Ils recrutent Max Charbit, un ancien capitaine de l’OM et vainqueur de la Coupe de France, Ignace Tax, un Autrichien, et Roger Rolhion, un arrière en provenance de Montpellier, également vainqueur de la Coupe de France en 1929.
Ce n’est pas tout, ils obtiennent la signature de Marcel Langillier, encore un lauréat de la Coupe de France en 1933, qui a été élu meilleur footballeur français en 1934 par le journal L’Auto. Et surtout, ils réalisent un coup exceptionnel en obtenant l’accord d’une véritable pointure internationale : Yvan Beck
Yvan Beck (né Ivan Bek) voit le jour le 26 octobre 1909 à Belgrade (Yougoslavie). À 16 ans, il entame une carrière professionnelle qui s’annonce brillante avec pas moins de 51 buts en 50 matches. Naturellement, l’équipe nationale lui fait les yeux doux et pour ses débuts à 17 ans et demi, il réalise une prestation remarquée face à la Bulgarie à Sofia 2-0 le 15 mai 1927.
En 1928, Beck débarque au FC Sète, qui arrive toujours à enrôler de bons joueurs grâce à son président, Georges Bayrou, toujours à l’affût lorsqu’il s’agit de profiter d’excellentes occasions. Il participe à la première coupe du monde de football en 1930 en Uruguay où il permet à la Yougoslavie de se hisser jusqu’à la demi-finale grâce à ses buts contre le Brésil (celui de la victoire) et un doublé contre la Bolivie.
En France, il éclabousse de sa classe le championnat et la coupe qu’il remporte la même année en 1934. Lors de la finale face à l’OM, il avait subjugué le président de la République, Doumergue, qui ne jurait plus que par lui. Ce jour-là, il avait adressé deux passes décisives à Lukaes qui ne s’était pas prié pour convertir ces caviars. Naturalisé Français, il est également sélectionné pour jouer avec l’Équipe de France qui se réjouit de posséder un tel joyau dans ses rangs.
BECK, le premier Vert en Bleu
Pierre Guichard et Pierre Marey le veulent absolument dans leur équipe et en 1935. Il accepte la proposition stéphanoise, autant attiré par les émoluments que le challenge qui lui était proposé. D’autant plus que Sète, qui vivait au-dessus de ses moyens, avait un besoin urgent de liquidités.
À l'ASSE, Beck réalise des prouesses, inscrivant le nombre incroyable de 103 buts en quatre saisons. Il marque un doublé dès son premier match en Vert face à Reims le 18 août 1935 (6-1). Il est un des grands artisans de l’accession de Saint-Etienne en première division lors de la saison 1937-38 et de la prometteuse quatrième place obtenue par l’ASSE lors de la saison suivante. Il est l’auteur d’un quintuplé le 19 septembre 1937 contre Bordeaux (7-2), de quatre quadruplés et de quatre triplés en quatre ans de présence dans le Forez.
En plus de ses performances phénoménales, il va marquer l’histoire du club en devenant le premier joueur portant la tunique verte à être sélectionné en équipe de France. Bien que jouant en deuxième division, il continue à attirer l’attention sur lui et il est convoqué pour le match France-Suisse du 10 octobre 1937. Il s’agit là de la dernière de ses cinq capes, une rencontre qu’il joue au poste d’inter, en position de relayeur.
De l'ASSE à héros de la Résistance
La guerre viendra mettre un terme à son aventure dans le Forez. Il signe à Nîmes, mais son combat le plus remarquable est celui qu’il a mené au sein de la Résistance dans laquelle il s’engage corps et âmes.
Il intègre le maquis de Bayon (Basses-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence) qu’il dirige avec bravoure et conviction malgré l’adversité. Il participe à une opération commando qui permet de délivrer une quarantaine de prisonniers de la citadelle de Sisteron le 21 juillet 1944.
La riposte allemande est féroce avec l’attaque de son maquis le 26 juillet cause la mort de 24 Résistants. Il fait partie des maquisards qui s’engagent dans la libération de la ville de Sisteron acquise en septembre 1944, point d’orgue de son action dans la clandestinité.
Ce sont là ces derniers actes de bravoure, car l’après-guerre est terrible pour ce garçon qui a brûlé la chandelle par les deux bouts. Il tombe dans la misère et une collecte doit être organisée à Sète en 1951 par Georges Bayrou, qui ne l’a pas oublié, pour lui permettre de survivre.
Il meurt terrassé par une crise cardiaque le 2 juin 1963. Il est enterré à Sète le 15 juin 1963 dans une ville qui veut se rappeler à ses bons souvenirs puisqu’elle organise régulièrement un rassemblement sur sa tombe.
BECK, Le Fantastique de l'ASSE
À côté de ses prestations exceptionnelles, il est un autre domaine où Yvan Beck aura beaucoup fait parler de lui. C’est celui des virées nocturnes. En effet, dans le Saint-Étienne du milieu des années 1930, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y fait bon vivre. Les salaires sont intéressants et permettent aux professionnels de s’adonner à certains extras. Encouragé par un entraîneur, William Duckworth, toujours prêts à suivre ses ouailles, le Yougoslave naturalisé Français, n’est pas le dernier à faire la fête.
Il n’est pas rare de le voir traîner dans les bars jusqu’à l’aube, même les veilles de match. Pierre Marey, le directeur sportif, va bien essayer de canaliser son diamant brut en instaurant notamment des mises au vert pour l’empêcher de sortir au moins à l’approche des rencontres. Il va jusqu’à éloigner son équipe en retenant des chambres en dehors de Saint-Étienne à Montrond les Bains pour les matches à enjeu. On dit même qu’il veillait toute la nuit sur la dernière marche du perron pour les surprendre au cas où. C’était peine perdue. Sa surveillance était à chaque fois prise au dépourvu, car les plus bringueurs s’échappaient par la fenêtre à l’aide d’une échelle qu’on leur avait apporté.
Beck mènera la vie dure à ses dirigeants qui ne savent plus où donner de la tête. Lorsqu’il part en vacances, il se rend régulièrement au Gros-du-Roi où il se lâche, comme on dirait aujourd’hui. À tel point qu’il n’est jamais présent à la reprise des entraînements. De guerre lasse, Pierre Marey fait ses valises et le récupère dans son hôtel en prenant bien soin de régler toutes ses notes et en le surveillant comme le lait sur le feu jusqu’au retour dans le Forez.
Et pourtant, selon Pierre Garonnaire, qui l’a côtoyé, il était encore celui qui était le plus étincelant le dimanche suivant. Ces frasques commencent à être célèbres et à remonter aux oreilles des autorités qui, au début, s’en amusent. Néanmoins, pendant l’Occupation, le Gouvernement de Vichy en vient à interdire le professionnalisme et pour justifier sa décision. Il diabolise les excès des joueurs professionnels en prenant comme exemple, entre autres, les écarts d’Yvan Beck qui est alors montré du doigt.
Malgré tout, il reste de ce fantastique joueur l’image d’un attaquant qui aura ébloui de sa classe les terrains de football. Il est tout simplement avec Ignace Tax la première grande vedette de l’ASSE, celui qui mérite de voir ses talents reconnus et qui est à la base du premier grand exploit de ce club, l’accession en première division.