Le football français traverse une période de trouble inquiétante. Vincent Labrune, président de la Ligue de football professionnel, était auditionné ce mercredi après-midi par la Commission Culturel du Sénat (Laurent Lafon), dans le cadre de la mission d'information sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football professionnel français.
Vincent Labrune veut rester optimiste
Vincent Labrune : "On a beaucoup de talent. On a la meilleure formation en France. Si on est compétitif sur la scène européenne, ça valorise énormément notre marque: la marque Ligue 1, ça va valoriser énormément notre produit. Je pense qu'on s'en sortira.
Après, sur la commercialisation, je préfère que Kylian Mbappé soit dans le championnat de France, bien évidemment.
Ce serait très facile pour moi de vous dire qu'il est plus plus dur de vendre les droits sans Mbappé, Messi et Neymar. Je pense que beaucoup de gens le feraient à ma place. Moi, je ne vais pas le faire.
J'aurais préféré qu'il soit là. Ce serait évidemment plus facile, notamment pour la commercialisation des droits internationaux, si on avait les grandes stars dans le championnat. Malheureusement elles sont quasiment toutes parties."
Vincent Labrune croit en la Ligue 1
Vincent Labrune : "Mais pour autant, on a travaillé d'arrache-pied depuis plus d'un an, territoire par territoire, avec les équipes de LFP Media. A l'heure où je vous parle, parce qu'on n'a pas fini la commercialisation, on a doublé les droits internationaux pour le prochain cycle, alors qu'on n'a plus Messi, plus Neymar, plus Mbappé. C'est bien de les avoir, mais ce n'est pas une fatalité.
Ça ne nous aide pas, c'est sûr, mais on doit faire avec ce qu'on a et on croit au produit. On croit à la qualité de la formation française. On croit en nos équipes. On croit à nos talents. Non, le football français n'est pas surcoté !
Nous sommes un grand pays de football. Cette année, toutes les équipes françaises de toutes les catégories étaient qualifiées dans les compétitions internationales avec l'équipe nationale. On a des beaux joueurs devant nous.
C'est paradoxal ce que je vais vous dire. Je pense qu'on vit une période dorée du football français en termes de talent. L'équipe de France, les équipes de France, c'est fantastique. En performance européenne, on marche bien. Tous nos accords commerciaux ont été doublés. Même le partenariat de l'équipe de France avec Nike a été doublé."
"Je ne suis pas le maître des Horloges"
Vincent Labrune : "Effectivement, on a un problème sur un sujet qui est le sujet le plus important, qui est le sujet des droits domestiques. Ce n'est pas en phase avec ce qui se passe par ailleurs et ce qu'on observe sur les autres droits qu'on vend, mais c'est un constat. C'est très compliqué, je vous l'accorde. Je n'accable personne. On a fait des erreurs. On a fait des erreurs majeures. En 2018 vis-à-vis du groupe Canal+. Et aujourd'hui, on travaille pour essayer de trouver des solutions.
Et si une des solutions est de créer notre propre produit, notre propre chaîne, on le fera. Il faut voir des temps longs. Quel calendrier vous donnez pour conclure les droits TV ? Je ne suis pas le maître des Horloges, Monsieur le Président. Malheureusement, mon calendrier idéal était bien avant les rendez-vous des clubs à la DNCG. Je ne peux pas vous dire."
"30 € ? Une simple hypothèse"
Vincent Labrune : "Reproduire les erreurs de MédiaPro avec un abonnement à 25 € HT (30 € TTC) ? Le 25 euros que vous avez vu dans la presse, c'est des hypothèses de travail, il y en a plusieurs. C'est celle qu'on a présentée aux clubs dans un souci de transparence avec un prévisionnel de 2 millions d'abonnés.
J'aurais pu en présenter une autre, plus optimiste, où on avait mis 2,5 millions d'abonnés et on avait mis le prix à 20 euros. Il n'y a rien de gravé dans le marbre sur ces sujets-là. Par contre, c'est une volonté forte de la Ligue depuis deux ans, de trouver un acheteur qui pourra diffuser l'intégralité de nos compétitions, 100 % de nos compétitions. On considère qu'aujourd'hui avoir 100% du football en France, ça coûte 57, 58 ou 60 euros, c'est beaucoup trop cher pour nos concitoyens. On s'est mis un boulet au pied un peu aussi avec ça, à vouloir absolument commercialiser 100 % des droits au même acteur. On l'a fait aussi pour baisser le coût pour le consommateur qui souhaite avoir 100 % de la compétition."
MédiaPro n'est pas comparable avec une chaîne 100 % L1
Vincent Labrune : "Mediapro ? On ne peut pas comparer un projet avec 80 % des matchs, 8 matchs sur 10, dont les deux autres sont diffusés chez le plus gros acteur qui est le groupe Canal+, et un projet qui aurait 100% des rencontres en termes d'abonnement. Ce n'est pas la même chose.
Si vous avez 100 % des matchs, vous êtes beaucoup plus fort en termes de recrutement d'abonnés que si vous n'avez qu'une partie des matchs. Voilà ce que nous pensons sans rentrer dans les détails.
Quelles recettes pour les clubs si une chaîne 100 % L1 ? Il est trop tôt pour en parler, on a des hypothèses de travail. On n'a pas fini de discussion avec certains des acteurs qui pourraient distribuer la chaîne, donc il est beaucoup trop tôt pour en parler.
Je ne peux pas vous donner de chiffres, comprenez, on est en pleine négociation. Je ne peux pas donner de chiffres en public."
La lutte contre l'IPTV
Vincent Labrune : "La lutte contre l'IPTV ? C'est un fléau absolu. C'est un combat prioritaire. On pense aussi, c'est une des raisons pour lesquelles on pense que commercialiser 100% des matchs sur le même réseau de diffusion, ça participera à limiter le piratage.
Toujours en contact avec Canal + ou BeIN Sports ? Je suis désolé, il y a trop d'informations confidentielles. Ce que je peux vous dire, c'est que ça serait irresponsable de la part du président de ce que je suis, de ne pas travailler sur une hypothèse de chaîne dans l'hypothèse où il n'y aurait aucune autre offre alternative.
Donc, on est obligé de travailler sur cette hypothèse par définition. Ce qui n'empêche pas de travailler sur une deuxième hypothèse."
Vincent Labrune derrière le Qatar
Vincent Labrune : "On travaille sur plusieurs hypothèses, notamment avec la chaîne BeIN Sport. J'ai trop souvent entendu un QatarBashing absolument hallucinant sur le sujet des droits audiovisuels. "Est-ce que c'est normal que BeIN Sport participe à l'appel d'offres, puisse acheter les droits éventuellement alors que le Paris Saint-Germain est dans le championnat ? Non mais attendez, on doit remercier tous les jours le Qatar pour ses investissements dans le football professionnel français.
Depuis 12 ans, BeIN a participé à tous les appels d'offres de la LFP. Pas plus tard que mardi soir, BeIN s'est porté acquéreur de l'intégralité des droits de la Ligue 2 pour un montant vraiment satisfaisant. Moi, c'est le troisième appel d'offres que je fais. C'est la première fois que j'ai eu une offre. Est-ce que vous imaginez la complexité de ce marché ? Et c'est BeIN qui était encore là.
Aujourd'hui, je suis content qu'on puisse discuter avec BeIN. Je suis très content puisque ça a été relaté dans la presse que les dirigeants de CVC puissent discuter avec Canal+, par ailleurs.
On discute avec tous les interlocuteurs possibles et imaginables pour trouver la meilleure solution pour nos clubs et je peux vous le garantir, on va se battre jusqu'au bout.
Je ne lâcherai rien jusqu'au bout pour trouver une solution pour toutes les parties, et je ne crois pas à l'hypothèse du désastre.
Il y a effectivement une incertitude que je regrette. On travaille tous matin, midi, soir, la nuit de l'arrache-pied. On est très nombreux sur ce sujet-là des droits domestiques et on espère trouver une solution positive dans les prochains jours."