À l’occasion des 90 ans de l’AS Saint-Etienne, le site Peuple-vert vous propose le portrait des 50 meilleurs joueurs de l’ASSE parmi les 775 qui depuis 1933, ont un jour porté le maillot vert.
De la place 50 à 21, les joueurs classés seront présentés par ordre alphabétique.
RENE LLENSE : (121 matches de 1938 à 1939, de 1940 à 1943 et 1944 à 1945)
Un gardien exceptionnel recruté par l'ASSE
En terminant deuxième de la division 2 en 1938, l’AS Saint-Etienne a obtenu le droit d’être promue en D1 cinq ans après sa création. Pour bien figurer dans l’élite du football français, les Verts doivent se renforcer dans toutes ses lignes et notamment au poste de gardien de but.
L’équipe de William Duckworth, un entraîneur anglais, qui connaissait le football sur le bout des doigts, est montée à l’étage supérieur avec Joseph Favier et André Guillard, des goals d’un bon niveau, mais qui pas suffisamment armés pour la D1. Une recrue s’impose.
Pierre Marey, le directeur sportif, se met en chasse de la perle rare, et il se tourne du côté de Sète, qui, chaque année, a besoin de vendre des joueurs pour équilibrer ses comptes. Et cette équipe dispose d’un gardien international français qui ferait bien l’affaire des Verts.
Encore faut-il trouver un accord entre toutes les parties. René Llense, puisque c’est de lui dont il s’agit, ne voit pas d’inconvénient à venir dans le Forez. Et ce serait une belle prise pour l’ASSE qui disposerait dans ses rangs de l’un des trois meilleurs gardiens français du moment.
N’est-il pas membre de l’équipe de Sète qui a été la première à avoir réalisé le doublé coupe-championnat de France en 1934 avec son partenaire de l’époque, Ivan Beck, qu’il pourrait rejoindre chez les Verts.
Les négociations sont dures, mais le président Sétois consent à libérer son joueur en échange de 170 000 francs, une somme rondelette pour l’époque. C’est un renfort de choix pour l’ASSE qui est heureuse d’accueillir, le 22 juin 1938, un gardien de cette qualité, à peine âgé de 25 ans.
Titulaire pour la première saison des Verts en D1
René Llense est titulaire pour le premier match de l’histoire de l’ASSE en D1 à Fives le 4 septembre 1938 tout comme les nouvelles recrues Jean Snella et le tchèque Karel Hess.
Si les Verts sont dominés dans un premier temps par les Nordistes (ils sont menés 3-0 après 58 minutes de jeu), ils parviennent à rendre la défaite moins cinglante (2-3) grâce à deux buts tardifs (86ᵉ et 89ᵉ).
Ce revers semble indiquer que la saison sera difficile pour les promus. Et pourtant, contre toute attente, grâce à une défense de fer, Saint-Etienne va jouer les troubles fêtes dans ce championnat.
René Llense prend une part active dans les bons résultats de l’ASSE grâce à sa clairvoyance, son adresse et une détente impressionnante.
Les spectateurs ne tardent pas à l’adopter, car les Verts sont intraitables à domicile avec seulement deux défaites et huit petits buts encaissés.
Avec un dernier rempart de cette qualité, les ténors du championnat se cassent les dents à Geoffroy-Guichard. Lille (2-0), Marseille (1-0), Sochaux, le champion de France en titre (2-1) et Sète, le futur champion (2-1), repartent tous battus.
Saint-Etienne termine ainsi à une très belle quatrième place avec, cerise sur le gâteau, la meilleure défense avec 30 buts.
Saint-Etienne prend date pour le futur. Malheureusement, la Seconde Guerre mondiale vient casser cette dynamique et les Verts ne pourront pas confirmer les belles dispositions entrevues malgré une finale de coupe de France, zone non occupée, perdue face à Toulouse, 6 avril 1941, que René Llense a disputée (0-1).
Le régime de Vichy, ayant même décidé de réformer le professionnalisme en 1943, le gardien stéphanois est obligé de quitter l’ASSE pour jouer pour la province de Lyon-Lyonnais qu’il doit rejoindre à son corps défendant, lui qui s’est pris d’amour pour son deuxième club de cœur.
Un match culte face à l'Italie de Mussolini
Appelé pour les coupes du monde 1934 et 1938, René Llense n’a joué aucun match de ces compétitions, ses camarades Alex Thépot et Laurent Di Lorto lui étant préféré.
Il totalise tout de même neuf capes avec l’équipe de France avant de débarquer à l’ASSE. Il est de nouveau sollicité le 4 décembre 1938 pour disputer un match amical à Naples contre l’Italie, le double champion du monde. Il devient ainsi le deuxième Stéphanois à revêtir le maillot bleu après Ivan Beck en 1937.
Les Français aimeraient bien se venger des Italiens qui les ont éliminés en quart de finale de leur coupe du monde en France six mois auparavant . Pour bien faire comprendre qu’ils ne prennent pas ce match à la légère, ils refusent de faire le salut fasciste pendant les hymnes comme on leur en avait intimé l’ordre, sous les yeux de Vittorio et Bruno Mussolini, les fils du Duce présents dans les tribunes.
En échange, les Italiens ont décidé de siffler « La Marseillaise » que les Français ont chanté à pleins poumons. Galvanisés par leur capitaine, Etienne Matler, futur résistant, qui les exhorte à se dépasser « Ils sont 80 000 en chemise noire dans le stade, nous 11 avec le maillot tricolore.
Celui qui se dégonfle, qu’il retourne immédiatement au vestiaire », ils sont prêts à aller à la guerre face à des italiens qui jouent en noir pour l’occasion, la couleur de leur triste programme fasciste. Même Larbi Ben Barek, qui honorait sa première sélection et né au Maroc, ne s’est pas défilé.
René Llense, qui n’a jamais eu peur d’aller au contact, n’est pas effrayé par cette ambiance. Il s’est même « occupé » de l’avant-centre adverse Piola, qui a terminé le nez dans le gazon. Les Français ont tenu la dragée haute à des italiens surexcités et même s’ils se sont finalement inclinés (0-1), ils les ont regardé droit dans les yeux.
Onze sélections chez les Bleus !
En tant que Stéphanois, René Llense honorera une onzième et dernière sélection face à la Pologne, le 22 janvier 1939, un peu plus tranquille pour lui, car le premier France-Pologne de l’histoire s’est soldé par un 4-0 où il n’a pas eu grand-chose à faire.
Ainsi, ce très grand gardien, champion de France, vainqueur de la coupe de France, international français, qui a traversé les vicissitudes de la seconde guerre mondiale, mérite amplement de figurer parmi les cinquante meilleurs joueurs de l’histoire de l’ASSE !
By Albert Pilia