23 juin 1957 - L’AS Saint-Etienne a découvert les joies du football européen en 1957 lors de la coupe latine de football. Mais, pas n’importe où ! Au stade Santiago Bernabeu de Madrid. En deux matches, elle a joué devant 75 000 spectateurs puis 100 000 spectateurs.
L’AS SAINT-ETIENNE CHAMPIONNE DE FRANDE DE FOOTBALL
L’entraîneur mythique Jean Snella a réussi son pari. Coach depuis 1950, il a construit patiemment un effectif qui, année après année, a suivi ses principes immuables mais novateurs basés sur le jeu et la discipline. Il a apporté le premier titre de champion de France de football en 1957 à l’AS Saint-Etienne avec une bande de jeune gamins tout juste champions de France amateurs l’année précédente (Richard Tylinski, René Ferrier, Yvon Goujon…) encadrés par des joueurs de grand talent (Rachid Mekloufi, Eugène N’Jo Léa…) ou confirmés (Kees Rijvers, René Domingo, François Wicart).
L’équipe a été irrésistible toute la saison et à part un ou deux couacs, elle dominé le championnat de la tête et des épaules. Elle a fini première avec 49 points, quatre points d’avance sur le RC Lens et six sur le Stade de Reims.
Son attaque composée du Camerounais N’Jo Léa, du Hollandais Rijvers et du Franco-algérien Mekloufi a été phénoménale. Aucune défense ne lui a résisté et les Verts ont inscrits 88 buts en championnats dont 29 pour N’Jo Léa et 25 pour Mekloufi à tel point qu’on l’a surnommée « l’attaque mitraillette ».
Cerise sur le gâteau, le 7 juin 1957, l’ASSE a remporté le challenge des champions où chaque année, le champion de France affronte le vainqueur de la coupe de France. Elle a battu Toulouse (2-1) grâce à l’ouverture du score de Jean Oleksiak (le père de Thierry) et Armand Fouillen qui a redonné définitivement l’avantage aux Verts. Elle semble donc suffisamment armée pour se confronter à ce qui se fait de mieux eu Europe du Sud dans le cadre de la coupe latine de football qui doit de dérouler du 20 au 23 juin 1957.
La coupe latine de football est une compétition européenne qui s’est déroulée de 1949 à 1957 réunissant le champion de France, d’Italie, d’Espagne et du Portugal. Elle a disparu après l’avènement de la coupe d’Europe des clubs champions.
Les quatre équipes conviées s’affrontaient en demi-finales et les vainqueurs se disputaient la victoire tandis que les perdants la place de troisième et quatrième. En 1957, le tirage au sort a désigné l’ASSE pour jouer contre Benfica Lisbonne et l’autre match a opposé le Real Madrid (double tenant de la C1) au Milan AC (le futur finaliste de l’édition 1958).
DEMI-FINALE BENFICA – AS SAINT-ETIENNE
Le club portugais du Benfica semblait l’équipe la plus abordable du plateau et l’ASSE comptait bien faire valoir sa supériorité technique. Malheureusement, au stade Santiago Bernabeu de Madrid, devant 75 000 spectateurs, le 20 juin 1957, les Verts n’ont pas fait honneur à leur football qui avait enthousiasmé le public français. Ils se sont inclinés 1-0 sans avoir montré toute l’étendue de leur talent.
L’ASSE a encaissé un but « casquette » à la 17e minute sur une erreur improbable de son gardien international, Claude Abbes, qui a mal apprécié la trajectoire d’un centre de quarante mètres de l’arrière droit du Benfica et s’est fait transpercer comme un débutant.
Abbes ne nous avait pas habitué à de telles bévues, lui qui a pris une part importante dans les résultats de son club depuis son arrivée en décembre 1953 et qui sera l’un des héros de la France lors de la coupe du monde 1958.
Les Stéphanois ont alors tenté de revenir au score et ils auraient dû bénéficier d’un penalty à la 27e minute lorsque Bernard Lefèvre s’est fait balancer dans la surface de réparation alors qu’il allait marquer dans le but vide.
De manière incompréhensible, l’arbitre n’a pas sifflé la faute indiscutable et il a accordé un corner aux Français. Sur le corner, le gardien portugais s’est emparé de la balle mais il s’est couché derrière sa ligne de but et là encore, l’arbitre n’a pas bronché. Cette double erreur d’arbitrage a eu le don de réveiller le public madrilène qui a, dès lors, pris fait et cause pour les Verts, victime de ces différentes injustices.
Pourtant, l’ASSE n’a pas refait son retard, la faute à ses attaquants particulièrement maladroits. Mekloufi a eu l’occasion d’égaliser par deux fois, sans succès et N’Jo Léa n’a pas eu son rendement habituel. Mais, que dire de Rijvers, même s’il souffrait d’une cheville, qui a été complètement absent des débats toute la rencontre. A la fin du match, les deux équipes sont sorties sous les huées du public de Bernabeu qui n’a pas apprécié, c’est le moins que l’on puisse dire, le triste spectacle proposé.
MATCH POUR LA TROISIEME ET QUATRIEME PLACE MILAN AC – AS SAINT-ETIENNE
L’ASSE devait se faire pardonner son match vraiment moyen contre Benfica et offrir un tout autre visage contre le Milan AC, battu 5-1 par un brillant Real Madrid. Néanmoins, les Italiens ont offert une belle résistance ayant atteint la pause sur un score de parité 1-1.
Pour y parvenir, Jean Snella a tranché dans le vif en effectuant pas moins de trois changements par rapports à l’équipe qui a débuté en demi-finale. Richard Tylinski, Lefèvre et Rijvers ont été remplacés par Georges Peyroche, Oleksiak et Fouillen. Domingo a reculé en défense centrale et la ligne d’attaque composée par N’Jo Léa, Goujon et Fouillen était chargée de dynamiter la défense transalpine. Côté lombard jouaientt Cesare Maldini le père de Paolo Maldini et Lorenzo Buffon, le grand-oncle de Gianluigi Buffon.
Le 23 juin 1957, l’ASSE a évolué devant 100 000 spectateurs madrilènes, ce qui constitue encore aujourd’hui le record d’affluence pour un match des Verts. Revanchards, ils ont remarquablement entamé la rencontre en ouvrant le score à la 9e minute par Wicart. Si le Milan AC a égalisé à la 18e minute, Saint-Etienne aurait dû reprendre l’avantage quand, à la 23e minute, le gardien italien a effectué une mauvaise passe vers son arrière, interceptée par Oleksiak qui a marqué comme à la parade. Pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraitre, l’arbitre a refusé ce but considérant que… c’était un spectateur qui avait transmis le ballon au Français.
Cette nouvelle erreur d’arbitrage a mis un coup sur la tête des hommes de Snella et l’équipe adverse en a profité pour atteindre la mi-temps en menant 2-1 grâce à un but à la 43e minute. En seconde période, les Verts ont tenté de recoller au score mais malgré les encouragements du public satisfaits de l’attitude des Français, les Lombards ont ajouté un but supplémentaire à la 72e minute pour s’échapper 3-1.
Toutefois, il faut croire que les Stéphanois avaient de la ressource car Mekloufi à la 80e minute et N’Jo Léa à la 87e minute, enfin efficaces, ont égalisé La joie a été de courte durée puisque l’ASSE a encaissé un 4e but quasiment sur l’engagement (88e minute) et elle a dû s’incliner 4-3 non sans avoir démontré sur ce match qu’elle pouvait rivaliser avec les meilleures équipes européennes. De bon augure pour son entrée en lice pour la vraie coupe d’Europe des clubs champions en septembre prochain.
Si Saint-Etienne a joué son premier match européen officiel le 22 septembre 1957 contre les Glasgow Rangers, on peut quand même affirmer qu’elle a connu ses premiers grands frissons continentaux lors de cette coupe latine dans un stade Santiago Bernabeu bouillant devant 75 000 puis 100 000 spectateurs face à des adversaires qui ont aligné leur meilleure équipe possible même si la compétition n’a jamais été reconnue par les instances dirigeantes de la FIFA.
Merci à Philippe Gastal, le conservateur du musée des Verts, pour la documentation qu’il m’a permis de consulter pour l’écriture de cet article.
By Albert Pilia