12 mai 1976, Finale de la coupe d’Europe des Clubs champions Bayern Munich – ASSE 1-0.
Le 12 mai 1976 restera une date qui aura marqué l’histoire de l’AS Saint-Etienne. Les Verts disputaient une finale de coupe d’Europe qui est restée dans les mémoires malgré la défaite au goût amer. Nous vous proposons de revivre ces moments légendaires en trois parties distinctes.
Dans un premier temps, revivons ensemble les dernières heures avant cette rencontre qui a tenu en haleine des millions de Français. Ensuite, nous nous pencherons sur un match qui a laissé tant de regrets. Enfin, nous reviendrons sur les festivités d’après-match où les Verts ont été accueillis comme des héros dans une ferveur que seule la France peut offrir à des perdants magnifiques.
DEUXIEME PARTIE : UN MATCH QUI A LAISSE TANT DE REGRETS
LA PREMIERE MI-TEMPS : LES POTEAUX CARRES
A 20h15, les deux équipes font leur apparition, conduites par leurs capitaines avec déjà une surprise. Les Verts portent un short noir en lieu et place du blanc habituel mais il leur a été imposé pour cause de retransmission télévisée en couleurs. Les remplaçants vont directement s’asseoir sur le banc. Dominique Rocheteau porte le numéro 13. Patrick Revelli le lui a conseillé puisqu’il lui a porté chance contre Eindhoven. Christian Sarramagna se rend compte que son adversaire direct s’appelle Johnny Hansen, un danois qu’il a ridiculisé lors d’un France-Danemark. Il ne peut s’empêcher de penser que la soirée se présente bien et comme il fonctionne beaucoup à la confiance, c’est tout bénéfice pour lui et pour l’équipe.
A Paris, pour permettre aux députés de suivre la retransmission du match, la séance de nuit de l’assemblée nationale est retardée. Le Premier ministre a envoyé au capitaine Jean-Michel Larqué le télégramme suivant : « Toute la France vous regarde. Nous sommes fiers de vous. Bon courage. Signé : Jacques Chirac »
Robert Herbin a aligné une équipe finalement sans surprise en fonction des absences : Curkovic – Janvion, Piazza, Lopez, Repellini – Santini, Bathenay, Larqué – Sarramagna, H. Revelli, P. Revelli.
De son côté, le Bayern Munich s’est présenté avec une composition traditionnelle et toujours aussi redoutable : Maier – Hansen, Schwarzenbeck, Beckenbauer (cap), Horsmann, Roth, Dürnberger, Kapellmann, Rummenigge, Müller, Hoeness.
Le coup d’envoi est donné par les Allemands entre Muller et Hoeness et d’entrée, on sent un Bayern prudent qui n’entend pas s’exposer inutilement. Comme prévu, Sarramagna a déjà pris la mesure de Hansen qui va passer un sale moment.
Dès la 3e minute, Yvan Curkovic est allé chercher le ballon dans ses propres filets par la faute de Gerd Muller qui n’a pas laissé passer l’occasion mais il était hors-jeu selon le juge de touche et le but n’est pas validé. L’honnêteté nous oblige à reconnaître que l’assesseur de Monsieur Palotai s’est trompé. Le but était parfaitement valable. C’est donc un avertissement sans frais mais attention danger.
A la 4e minute, Patrick Revelli est déjà le nez dans le gazon. Le message est clair, il ne bénéficiera d’aucune liberté. Toutefois, le coup-franc sifflé ne donnera rien. Dès le début du match, Dominique Bathenay puis Jacques Santini tentent une frappe des vingt mètres mais elles ne sont pas cadrées. De l’autre côté, les Allemands obtiennent un bon coup-franc à la 7e minute, consécutif à une faute peu évidente d’Osvaldo Piazza sur Muller. L’Argentin est particulièrement surveillé par le corps arbitral qui sait que le duel que vont se disputer les deux joueurs peut être une clé du match. C’est déjà Roth qui s’élance mais son tir se dérobe. Il ne faudrait pas lui donner trop l’occasion de briller.
Les initiatives sont plutôt stéphanoises mais les Allemands semblent les plus dangereux. A la 10e minute, Muller envoie une passe en profondeur en direction de Kapellman. Ce dernier s’introduit dans les 18 mètres et avant de déclencher son tir, il est bousculé par Pierre Repellini. Un moment de silence se fait sentir dans le stade mais l’arbitre (ex joueur ayant joué une demi-finale de coupe d’Europe et gagné les jeux olympique avec le Hongrie en 1964) ne siffle pas le penalty redouté, estimant que l’Allemand en avait rajouté. Ouf !
Sarramagna fait souffrir le martyr à son arrière latéral. Il multiplie les centres de son aile gauche, trois en moins d’un quart d’heure qui font passer des frissons dans le dos des Bavarois. Hoeness veut passer sur son aile droite mais il est rattrapé par Gérard Janvion qui, comme par magie, a vu son trac s’envoler dès les premières secondes de la rencontre. Après 25 minutes de jeu, le score est toujours de 0-0, les deux équipes hésitant à se livrer.
Le premier tournant du match survient à la 34e minute. A la suite d’une contre-attaque fulgurante, Bathenay récupère le ballon, s’avance d’une vingtaines de mètres et décoche une lourde frappe qui vient s’écraser sur la barre transversale. Le ballon revient en jeu sur la tête d’Hervé Revelli mais qui n’inquiète pas Maier. Pourquoi n’a-t-il pas pris le temps de contrôler cette balle ? Il était tout seul…
Deux minutes plus tard, c’est au tour de Rummenigge de tenter sa chance et Curkovic détourne le ballon devant sa propre ligne et il faut un retour désespéré de sa part pour l’empêcher d’entrer dans les buts.
Le deuxième tournant arrive à la 39e minute. Sarramagna centre une nouvelle fois sur la tête de Santini qui a bout portant, envoie le ballon encore sur la barre alors que la gardien allemand était battu. La légende des poteaux carrés est née avec les commentateurs français qui se demandent déjà ce qu’il serait advenu si les poteaux avaient été ronds. La fin de la mi-temps est totalement à l’avantage des Verts. A la 41e minute, Sarramagna tire directement un coup-franc excentré, côté gauche, espérant surprendre Maier qui ne s’y attendait pas mais le ballon fait seulement trembler le petit filet.
A la mi-temps, le score est toujours nul et vierge. Robert Herbin encourage ses joueurs qui ont réalisé les quarante-cinq premières minutes qu’il désirait voir. Il énonce ses dernières recommandations : « Vous jouez bien. Continuez votre pressing, ça va bien finir par rentrer ! Sarra et Patrick c’est parfait. Il faut encore passer par les ailes. Derrière, ne vous découvrez pas. Attention au contre ! ». Confiant, Bathenay pense qu’ils vont dévorer les Munichois.
LA DEUXIEME MI-TEMPS : … ET A LA FIN, CE SONT LES ALLEMANDS QUI GAGNENT
La deuxième mi-temps démarre sur les mêmes bases. L’AS Saint-Etienne tient la dragée haute au double vainqueur de la compétition en titre qui doit s’employer pour contenir les assauts adverses. Patrick Revelli centre de son aile droite vers Sarramagna qui devance le défenseur. Malheureusement, sa tête file en sortie de but le long du poteau gauche de Maier qui était battu. Sur une nouvelle montée de Piazza, qui est de plus en plus offensif, Hervé Revelli entre dans la surface de réparation, côté gauche, mais il ne peut frapper, taclé par un Allemand. Que d’occasions manquées, les Stéphanois vont-ils finir par le regretter ?
Le troisième tournant se présente à la 57e minute. L’arbitre siffle une nouvelle faute contestable de Piazza sur Muller à l’entrée de la surface de réparation stéphanoise. Alors que Curkovic était en train de placer son mur que l’homme en noir s’évertuait à faire reculer, Beckenbauer, subrepticement, glisse la ballon à Roth qui transperce le mur et trompe le gardien des Verts, qui ne peut qu’effleurer le missile. Le Bayern Munich mène 1-0 contre le cours du jeu et, il faut bien le dire, avec l’aide d’un arbitre plus que complaisant.
Les Stéphanois veulent refaire leur retard et se démènent sur le front de l’attaque mais les Allemands restent dangereux sur contre-attaque comme cette passe en profondeur pour Muller qui percute Curkovic venu à sa rencontre. L’arbitre n’y trouve rien à redire et n’interrompt le jeu que lorsqu’il voit les deux joueurs toujours étendus sur le sol alors que le ballon était déjà au milieu de terrain, dans des pieds stéphanois. Heureusement, plus de peur que de mal et l’arbitre siffle un entre-deux que les Allemands ne respectent pas (à l’époque le fair-play n’était pas obligatoire) puisque Rummenigge chipe le ballon pour tenter d’aller marquer et obtient finalement un corner.
Sur l’action suivante, Santini se retrouve en bonne position aux abords des vingt mètres mais son tir trop mou ne surprend pas Maier qui peut se saisir tranquillement du ballon.
La bataille fait rage au milieu de terrain et sur une perte de balle de Janvion, Hoeness parvient à déborder Christian Lopez pour tirer dans un angle fermé, une tentative que Curkovic repousse difficilement. Il s’en est fallu de peu que l’ASSE n’encaisse un second but.
Herbin joue son va-tout à la 83e minute en remplaçant Sarramagna qui commençait à piocher physiquement, lui qui a beaucoup donné sur son aile gauche, par Rocheteau, pas encore totalement remis de sa blessure mais qui peut, peut-être permettre aux siens de revenir au score. Ses premiers dribbles mettent déjà la défense au supplice et Beckenbauer est tout heureux de dégager en corner. A la dernière minute de jeu, « l’Ange Vert » crochète trois joueurs avant de décaler sur sa gauche, Patrick Revelli, idéalement placé mais sa frappe du droit n’est pas suffisamment appuyé et Maier peut plonger à la base de son poteau droit pour se saisir du ballon.
La dernière chance de l’AS Saint-Etienne vient de passer et l’arbitre siffle la fin du match sur ce score si cruel. Plusieurs Stéphanois pleurent à chaudes larmes comme Revelli ou Larqué qui ne fait même pas l’effort d’aller récupérer les médailles des perdants, celle-ci étant distribuée dans les coursives du stade.
Les Allemands reçoivent pour la troisième fois de suite le trophée de champion d’Europe sous les huées d’une foule qui avait choisi son camp. Le vainqueur au point c’est l’ASSE mais cet impression n'est guère susceptible de consoler les Stéphanois qui se sont inclinés sur la plus petite des marges. Le quotidien L’Equipe titrera en Une le lendemain qu’ « Ils ont tout tenté » en l’honneur d’une formation qui a enchanté la France entière. Tout le monde pense que ce n’est que partie remise et que les hommes de Robert Herbin seront justement récompensés la saison suivante. Ils l’ont tellement mérité.
https://www.youtube.com/watch?v=gknVXkhjgtA&t=263s
A suivre, troisième partie : Fêtés comme des héros