Le 7 mai 1982, Michel Platini a joué son dernier match avec le maillot vert sur le dos à Geoffroy-Guichard. Récit de cette rencontre face à Metz qui comptait pour la dernière journée du championnat de France de D1 et des quelques jours qui l’ont précédé. Ils sont rentrés dans l’histoire de l’AS Saint-Etienne.
UN DEPART INELUCTABLE
En 1981, Michel Platini, qui était arrivé à l’AS Saint-Etienne en 1979 pour deux saisons, n’avait résigné que pour une année supplémentaire. En 1982, le milieu de terrain français était donc libre de s’engager où il voulait à condition que son nouveau club ou lui-même règle la somme de 1 280 000 francs, comme une clause le stipulait dans son nouveau contrat. Il s’agit d’un montant qui n’avait absolument rien d’insurmontable pour quiconque auraient voulu s’attacher les services d’un joueur faisant partie des meilleurs du monde à cette époque.
Le président de l’ASSE, Roger Rocher a fait le forcing pour le conserver dans son effectif deux ans de plus mais il s’est heurté à deux écueils qu’il n’a jamais pu surmonter. Tout d’abord, Michel Platini sent bien que l’ambiance à l’ASSE est devenue très négative. Rocher n’est plus aussi incontesté et la crise qui couvait, a éclaté au grand jour le 1er avril 1982 par l’intermédiaire d’un scoop d’un quotidien régional qui a confirmé les antagonismes irréconciliables qui existaient au sein des dirigeants stéphanois, notamment entre le président et Robert Herbin. Rester dans ces conditions semblait peu envisageable.
D’autant plus qu’un contexte extra-sportif l’a également poussé à partir. Le 3 mai 1982, le journal national Libération a révélé que Jean-François Larios a eu une relation extra-conjugale avec l’épouse de Michel Platini. Cette dernière a décidé de rester avec son mari mais la cicatrice a forcément laissé des traces. Un transfert est donc, dans son esprit, la meilleure solution.
Plusieurs clubs sont intéressés par le profil de ce joueur hors norme. En France, le Paris SG et Bordeaux ont proposé des conditions très alléchantes mais Michel Platini a déjà décidé, qu’à 27 ans (il les aura le 21 juin), il était temps pour lui de tenter une expérience à l’étranger.
Le FC Barcelone s’est renseigné mais il n’a pas convaincu. En fait, tout se joue entre Arsenal et la Juventus de Turin qui se sont montrés les plus pressants. Le Lorrain, d’origine italienne a laissé parler ses racines et l’assurance qu’il évoluerait en véritable numéro 10 dans l’effectif transalpin, pour s’engager avec la Juventus de Turin, le 30 avril 1982. Le secret n’a pu être gardé bien longtemps et toute la France du football sait qu’après le mondial 1982 en Espagne, Platini portera un maillot blanc et noir.
Mais il doit tout d’abord soigner sa sortie et l’ASSE est encore en course pour remporter le doublé coupe-championnat. Cet objectif passe déjà par une victoire face à Metz pour le compte de l’ultime journée du championnat de France qui sera son dernier match à Geoffroy-Guichard en Vert.
UN ASSE-METZ D’ANTHOLOGIE
Même si un onzième titre de champion de France est encore possible pour l’AS Saint-Etienne, elle n’est pas, pour autant dans une position favorable à l’aube de cette 38e et dernière journée du championnat 1981-82. Les Verts, deuxièmes avec 52 points, comptent en effet un point de retard sur Monaco et un goal-average défavorable de quatre buts sur les Monégasques. Ils ne sont pas maîtres de leur destin et même avec un match nul des joueurs de la Principauté, les Stéphanois doivent battre Metz, qu’ils reçoivent à Geoffroy-Guichard, par au moins quatre buts d’écart voire cinq, sachant que Monaco accueille Strasbourg (9e) qui n’a plus rien à jouer.
Toutefois, pour sa dernière apparition à Geoffroy-Guichard, Michel Platini est ultra motivé. Il veut faire plaisir à son public qui l’a plusieurs fois exhorté à rester dans le Forez. Il peut compter sur l’ensemble de ses co-équipiers qui ont le même objectif en tête, même sur Jean-François Larios qui est titulaire, les deux milieux de terrain ayant laissé leurs griefs de côté, afin de parvenir à retourner cette situation mal engagée.
Avant de s’occuper des résultats de Monaco, l’ASSE doit d’abord remplir la part de son contrat et ce 7 mai 1982, le FC Metz, qui était 17e mais déjà sauvé, peut-être déjà en vacances, ne sait pas qu’il va subir une de ses pires défaites de son histoire.
L’entraîneur stéphanois Robert Herbin n’a procédé qu’à un seul changement dans son équipe par rapport à celle qui est allé gagner à Valenciennes trois jours auparavant (2-0). Gérard Janvion blessé a laissé sa place à Bernard Gardon dont c’est le retour. Laurent Paganelli a ouvert les hostilités dès la 17e minute (1-0) rapidement imité par Jean-François Larios à la 19e minute sur une passe de… Michel Platini (2-0).
Metz a réduit le score à la 30e minute, jetant un froid dans le chaudron (2-1) mais Platini a répondu de la plus belle des manières dès la minute suivante, permettant à son équipe de repartir de l’avant (3-1). Jean-Louis Zanon y a été de son but à la 35e minute (4-1). Comme Monaco n’arrive pas à gagner face à Strasbourg, l’espoir renait.
En deuxième mi-temps, Philippe Millot fait chavirer le stade dès la 52e minute (5-1). Les Verts sont virtuellement champion de France mais la joie est de courte durée car les Messins réduisent le score à la 56e minute (5-2). Loin de les décourager, les Verts se remettent à l’ouvrage et Patrick Battiston inscrit le 6e but de sa formation à la 58e minute (6-2), un score qui est alourdi à la 60e minute par le doublé de Jean-François Larios (7-2).
L’ASSE peut encore croire au titre, malheureusement une très mauvaise nouvelle tombe du stade Louis II. Monaco a aussi ouvert le score à la 62e minute et a éteint tout suspense. La suite du match n’est qu’un calvaire pour les Messins, décidément aux abonnés absents. Ils encaissent deux buts supplémentaires par Philippe Millot à la 73e (8-2) et le dernier par Michel Platini à la 81e sur une passe de … Jean-François Larios (9-2). Par la même occasion, il inscrit le 2 500e but stéphanois en D1, laissant une trace encore plus indélébile dans l’histoire de l’ASSE.
Le numéro 10 stéphanois a tiré sa révérence devant son public de la meilleure des façons, en grand seigneur même si son équipe n’a pas réussi à conserver le titre de champion de France acquis l’année précédente. Cette victoire est la 3e plus lourde de son histoire pour l’ASSE à Geoffroy-Guichard après le 9-1 contre Reims le 25 août 1971 et le 8-0 face à Sedan le 4 juin 1971. D’autant plus que les Verts n’ont jamais plus remporté de victoires aussi significative. Michel Platini peut donc partir la conscience tranquille à la Juventus de Turin même s’il n’aura en tout et pour tout rapporté qu’un titre de champion de France (1981) au palmarès de l’AS Saint-Etienne en trois ans passés au club.
En complément de cet article, revivez le match ASSE-Metz du 7 mai 1982 avec notre partenaire ASSE Memories :
Article rédigé par Albert Pilia