La présentation des cinquante meilleurs joueurs de l’histoire de l’AS Saint-Etienne continue. Après vous avoir exposé les portraits des joueurs situés de la 21ᵉ à la 50ᵉ place par ordre alphabétique, nous vous révélons désormais ceux qui sont situés de la 20ᵉ à la première place. Cette fois-ci, ils seront publiés dans l’ordre décroissant. Après le 17ᵉ, Hervé Revelli, place au 16ᵉ ! Osvaldo Piazza (310 matches, 20 buts de 1972 à 1979).

L’ASSE signe son premier argentin

Osvaldo Piazza est né le 6 avril 1947 à Buenos Aires en Argentine. Arrière central dans le club de Lanus, il se crée une solide réputation qui lui permet d’être sélectionné dans l’équipe d’Argentine qui dispute la Coupe de l’Indépendance (sorte de mini-coupe du monde) au Brésil en 1972. Une compétition à laquelle participe la France. Il totalise une quinzaine de sélections, la preuve qu’il est un élément de valeur. À la recherche d’un joueur expérimenté pour renforcer la jeune défense de l’ASSE, Pierre Garonnaire, a un œil sur ses performances. Il l’avait déjà remarqué dès le mois de mars 1972 grâce à des renseignements fournis par un certain Monsieur Ricard, Français installé depuis 1947 en Argentine.

L’Argentin est très tenté par une expérience en France, mais son âge pose un problème. En effet, il a alors vingt-cinq ans et la Fédération de Football Argentine (AFA) n’accepte que ses joueurs s’expatrient qu’à 27 ans révolus. Le défenseur international demande l’appui du sélectionneur Pizzuti mais les autorités font traîner. Le recruteur stéphanois est obligé de se rendre sur place pour convaincre les instances du football argentine. Il obtient avec l’aide de Monsieur Bosso, président du club de Piazza, l’autorisation de faire signer Osvaldo pour une durée de sept ans (conformément au souhait du joueur qui voulait un contrat de longue durée). Le transfert a coûté 75 000 dollars dont 10 % sont revenus au joueur lui-même qui a rétrocédé la moitié à ses coéquipiers comme le voulait la tradition.

À son arrivée sur le sol français à l’aéroport d’Orly, il rate son rendez-vous avec Garonnaire qui le retrouve donc le lendemain dans son hôtel stéphanois. Il dispute une rencontre amicale avec l’ASSE à Berne dans le cadre de la Coupe d’Été le 29 juillet 1972. Comme il n’a pas signé encore son contrat, il joue cette rencontre sous une fausse licence, celle d’Alain Merchadier. Le défenseur n’est pas réellement transcendant comme le seront la plupart de ses apparitions suivantes.
Pourtant, à l’entraînement, Herbin se rend compte qu’il dispose d’un véritable phénomène à l’allure d’un déménageur, avec des qualités physiques hors du commun et un moral en acier.

Une adaptation difficile

Pour les débuts de son nouvel étranger, l’entraîneur stéphanois lui avait concocté une préparation particulière à base de passes complètement ratées que le joueur s’était quand même évertué à rattraper sans se plaindre. Le coach avait l’intime conviction d’avoir une véritable perle rare. L’un des meilleurs à l’entraînement, et inexplicablement en match, il accomplissait des prestations médiocres où se mêlaient d’incroyables déchets techniques et des fautes de placement de débutant.

Dans son club argentin, il évoluait en tant que défenseur central, pratiquant une couverture alternée avec son compère de l’axe. À Saint-Etienne, il était surtout utilisé comme stoppeur au marquage de l’avant-centre adverse. Ses erreurs de placement n’étant plus corrigées par le libéro, il en résultait des trous béants au sein même de la défense avec des conséquences catastrophiques.

Pour le familiariser au mieux avec ses nouveaux équipiers, Herbin a utilisé ce colosse comme libéro mais également comme milieu de terrain, même ailier droit, sans aucun résultat tangible. Ces performances étaient toujours aussi peu convaincantes. Dans un premier temps, les dirigeants ont cru qu’il s’agissait juste : d’un temps d’adaptation rendu plus long avec la barrière de la langue, d’un climat différend dans le Forez, d’un éloignement de sa terre natale que sa femme supportait difficilement. Au bout de trois mois, aucune amélioration notable n’est enregistrée. Il est alors décidé que si à la fin de la saison, l’Argentin ne s’intègre pas mieux dans l’équipe stéphanoise, il ne sera pas conservé. Cela aurait été certainement la pire erreur de l’histoire de l’ASSE.

Le coach stéphanois a beaucoup tâtonné, mais il a enfin trouvé la bonne formule en associant en défense centrale Christian Lopez et Osvaldo Piazza. L’Argentin pouvait alors imposer sa masse athlétique, son dynamisme et satisfaire sa propension à aller vers l’avant en toute confiance. Il avait à ses côtés un libéro dont la rigueur, la sûreté dans le placement et la rapidité dans les interventions lui permettait d’évoluer sans aucune appréhension. À partir de ce moment-là, on a découvert un tout autre joueur qui devient rapidement un des éléments essentiels du groupe.

Des chevauchées fantastiques

Osvaldo Piazza reproduit enfin en compétition toute la panoplie qu’il était capable de déployer à l’entraînement avec en prime sa générosité, sa bonne humeur et sa faculté à mieux faire jouer ses partenaires. Il apporte également sa touche personnelle qui en fait rapidement une des coqueluches du stade Geoffroy Guichard. Lorsque le besoin s’en fait sentir, il est l’auteur de montées rageuses, balle au pied, émerveillant le public stéphanois qui pousse alors des rugissements de plaisir. Herbin encourageait ces initiatives car elles avaient le don de réveiller l’équipe qui avait parfois tendance à s’endormir sur ses lauriers.

L’Argentin devient titulaire indiscutable. Herbin n’a jamais transigé avec ses joueurs, titularisant ceux qui étaient le plus aptes à jouer. Sauf avec son stoppeur qu’il a parfois aligné diminué tellement il s’était rendu indispensable. Ce fut le cas le week-end précédent le match retour contre Hajduk Split en 1974 où Piazza a tenu sa place contre Lyon au marquage de Bernard Lacombe alors que son genou le faisait souffrir.
Depuis, le défenseur a rendu cette confiance au centuple. En plus d’écœurer la plupart des attaquants adverses, il s’est montré décisif à de nombreuses occasions. Ce fut le cas notamment lors de la finale de la coupe de France 1975 contre Lens où il ouvre le score à la suite d’un une-deux qu’il a lui-même sollicité. Il est à la réception du sauvetage de Christian Lopez face à Blockhine contre le Dynamo Kiev en 1976. Il remonte le ballon pour se retrouver à la conclusion avec Hervé Revelli laissant ce dernier marquer le premier but du futur exploit. C’est lui qui marque les seuls buts des doubles confrontations contre le CSKA Sofia et le PSV Eindhoven permettant aux Verts de se qualifier en quart de finale de la Coupe des Champions en 1977.

L’arbitre hongrois Palotaï, la bête noire de l’Argentin

Parmi ses duels homériques, on retiendra plus particulièrement celui qu’il a livré avec l’arbitre hongrois Karoly Palotaï. Celui qui a officié lors de la finale de la Coupe des clubs champions contre le Bayern Munich le 12 mai 1976. C’est lui qui siffle la faute sévère de Piazza contre Gerd Muller permettant aux Bavarois d’inscrire le seul but du match. C’est lui qui administre un carton jaune au stoppeur stéphanois (cette fois-ci mérité) à l’occasion du match aller contre Liverpool en 1977, synonyme de suspension pour le retour à Anfield Road. On se souvient tous de l’image d’un Piazza à genou implorant un pardon inutile envers un arbitre intransigeant.

Son aura est tellement grande qu’il suscite l’admiration. Une chanson à son intention « Mon Copain l’Argentin » écrite par Bernard Sauvat voit même le jour comme un témoignage sans équivoque de la popularité de ce joueur fantasque et attachant.

En 1979, à la fin de son contrat, il demande son départ pour l’Argentine car sa femme à la nostalgie du pays. Les adieux sont émouvants à Geoffroy Guichard. Une des plus grandes ovations jamais délivrées à un joueur ayant porté le maillot vert. Chacun y va de sa petite larme, même l’entraîneur stéphanois, pourtant connu pour sa froideur, se laisse submerger par l’émotion. Il sent que la succession de son défenseur central sera lourde à porter et son remplacement problématique. Il ne s’est pas trompé. Les Verts ont construit par la suite une équipe portée naturellement vers l’offensive en négligeant d’accorder de l’importance aux joueurs à vocation défensive. Ce qui créera un manque flagrant de complémentarité entre les différentes lignes, d’où les difficultés à retrouver un standing digne des années de gloire.

Osvaldo Piazza est un des étrangers les plus charismatiques de l’histoire de l’ASSE. Il a marqué toute une génération de supporters qui rêvent encore aujourd’hui de retrouver sur les pelouses de Geoffroy-Guichard un élément capable d’entamer des chevauchés aussi fantastiques. Sa place parmi les vingt meilleurs joueurs de l’ASSE est ainsi parfaitement justifiée.