La présentation des cinquante meilleurs joueurs de l’histoire de l’ASSE continue. Après vous avoir exposé les portraits des joueurs situés de la 21e à la 50e place par ordre alphabétique, nous vous révélons désormais ceux qui sont situés de la 20e à la première place. Cette fois-ci, ils seront publiés dans l’ordre décroissant. Dés lors, place au 20e ! Georges Bereta (344 matches, 68 buts de 1966 à novembre 1974).

JEAN SNELLA NE CROYAIT PAS EN GEORGES BERETA

Georges Bereta est né le 11 mai 1946 à Montreynaud, un quartier de Saint-Etienne. Fils d’un émigré polonais, ce n’en est pas moins un véritable ligérien qui vient frapper à la porte de l’ASSE. Il faut dire qu’il affiche de réelles dispositions pour la pratique du football. Avec l’école du Marais, il gagne le championnat de Loire de l'USEP en 1958. Il devient même l’année suivante le vainqueur du concours du jeune footballeur de l’USEP. Fort de ces résultats encourageants, il intègre tout naturellement l’école de foot de l’ASSE à partir de la catégorie minime. Il gravit un à un tous les échelons jusqu’à atteindre la finale de la Coupe Gambardella avec les juniors de l’ASSE en 1964. La voie semble toute tracée vers sa première titularisation en équipe première et pourtant cette dernière tarde à venir.

En effet, son premier entraîneur, Jean Snella, a émis des sérieux doutes sur sa capacité à franchir le cap du professionnalisme. Son gabarit, à peine 1,66m, ne plaide pas en sa faveur. Il s’est même vu reprocher sa façon de courir jugée peu académique par le technicien légendaire. On doit reconnaître que, dans un premier temps, Jean Snella ne semble pas vouloir lui donner sa chance. N’étant pas certain d’avoir un avenir dans le football, Georges Bereta avait trouvé un emploi dans une fabrique d’armes pour assurer son avenir. Il se murmure même qu’il puisse être transféré à Dijon avant d’avoir fait ses preuves au plus haut niveau.

L'INTERVENTION DE REVELLI

A 19 ans, il s’employa à remplir ses obligations militaires comme simple soldat. L’ASSE n’ayant pas sollicité son admission au bataillon de Joinville, lieu où se donne rendez-vous l’élite de la jeunesse sportive. A l’inverse, son camarade, Hervé Revelli, sur lequel on fondait plus d’espoir, y avait été inscrit. L’entraîneur de l’Equipe de France militaire, Lucien Troupel, désespère de trouver un bon ailier gauche dans son effectif. C’est alors qu’Hervé Revelli lui parle d’un certain Georges Bereta resté sur Saint-Etienne et qui pourrait bien être utile à ce poste. En plusieurs matches joués consécutivement contre la Tunisie, le Maroc et Portugal, Bereta gagne définitivement ses galons de titulaire et peut envisager un avenir plus radieux. Depuis ce jour, il voue à l’aîné des Revelli, une reconnaissance profonde car il n’est pas certain que, sans son intervention providentielle, Georges Bereta aurait pu entamer une carrière professionnelle.

Tout n’est pas gagné pour autant. Pierre Garonnaire n’a pas décelé dans le jeune attaquant les qualités qui pourraient faire de lui un bon joueur suivant en cela l’avis de Jean Snella. Seul, l’entraîneur de la réserve de Saint-Etienne, René Domingo, ne partage pas cet avis. Le recruteur stéphanois s’entretient avec Lucien Troupel qui, à son tour, est tombé sous le charme. Il vante les mérites de son ailier gauche n’hésitant pas à affirmer qu’il est le meilleur de sa génération. Garonnaire retranscrit fidèlement l’opinion de l’entraîneur de l’équipe de France militaire à Snella plus par acquis de conscience que par conviction. Or, le 20 novembre 1966, contre Lille, André Fefeu, l’habituel titulaire du flanc gauche de l’escouade offensive de l’ASSE, est blessé. L’entraîneur stéphanois n’a guère de choix, contraint et forcé par les événements, il titularise Georges Bereta sans trop d’espoirs quant au résultat final. Pour un premier essai c’est un véritable triomphe. Les Verts l’emportent facilement 4-1 et le petit gars de Montreynaud entre finalement par la grande porte devenant la révélation de l’année du côté de Geoffroy-Guichard.

UN JOUEUR DE CARACTERE A l'ASSE

Petit à petit, Georges Bereta devient un élément indispensable de l’effectif stéphanois. Le 22 janvier 1967, il marque le premier de ses 68 buts sous le maillot contre Nice à Geoffroy-Guichard (7-0). Dès la fin de la saison 1966-67, il remporte son premier titre de champion de France, le dernier de l’ère Snella. L’entraîneur qui finalement lui aura mis le pied à l’étrier et celui qui l’aura, en définitive, le plus marqué.

L’arrivée d’Albert Batteux ne change rien à son statut. Au contraire, sous les ordres du nouveau coach, il prend une part prépondérante dans les résultats de son équipe et naturellement, il est appelé pour la première fois en équipe de France. Le 23 décembre 1967 il joue contre le Luxembourg. C’est le début d’une belle histoire d’amour avec la sélection nationale qu’il aura honoré 44 fois. Régulièrement titularisé pour les matches de coupe d’Europe avec les Verts, il réalise des performances remarquables. Que ce soit contre Benfica en 1967, le Celtic Glasgow en 1968 ou le Bayern Munich en 1969.

BERETA COUPE D'EUROPE

D’autres titres viennent garnir son palmarès. Le championnat en 1968, 1969 et 1970, puis la Coupe de France en 1968 et 1970. Tout semble sourire au lutin gaucher qui martyrise les arrières latéraux qui se placent sur sa route. Il prend de plus en plus d’assurance dans l’effectif stéphanois et s’autorise à donner son avis à Albert Batteux dès qu’il le peut. Il lui avoue même qu’il préfère jouer avec Aimé Jacquet derrière lui plutôt qu’avec Robert Herbin dont le style s’accommode moins bien avec le sien. Relation de cause à effet ? Progressivement, Herbin glisse en défense centrale aux côtés de Bernard Bosquier laissant la place à Jacquet dans l’entre-jeu.

Son influence est si manifeste qu’il récupère le brassard de capitaine lorsque Robert Herbin se retrouve sur le banc de touche à diriger ses troupes en 1972. Ce dernier a beaucoup hésité entre Jean-Michel Larqué et Bereta mais il a finalement tranché pour l’attaquant dont l’ancienneté était un puissant sauf conduit. Il n’empêche que l’ailier gauche a modérément apprécié qu’Herbin puisse lui contester cette nomination.

LA RELATION HERBIN - BERETA

A la tête d’une nouvelle génération, il entame un nouveau cycle prêt à servir de guide à ces espoirs qui viennent de gagner la coupe Gambardella. Pour l’équilibre de l’équipe, à l’aube de la saison 1973-74, Herbin lui a demandé de se reconvertir en milieu de terrain. Bereta tergiverse car avec ce nouveau poste. Il a peur de perdre sa place en équipe de France, lui qui est indiscutable titulaire en tant qu’ailier gauche. Il accepte finalement la proposition mais il demande des compensations financières. Roger Rocher refuse. En représailles, le capitaine stéphanois menace de ne pas disputer un match de coup d’Eté contre le Standard de Liège. Même s’il se ravise, l’épisode laissera des traces effacées dans un premier temps par le titre de champion en 1974 doublé d’une Coupe de France la même année qu’il brandit des mains de Valery Giscard d’Estaing.

PORTE-PAROLE DES JOUEURS DE L'ASSE

Bereta se fait également le porte-parole de ses coéquipiers notamment des plus jeunes et sert de relais avec la direction. Il joue son rôle à la perfection même si cela doit aboutir à d’inévitables points de frictions. Le président de l’AS Saint-Etienne commence d’ailleurs à prendre ombrage de ses revendications au point d’affirmer sérieusement que si Bereta continuait dans cette voie, il en viendrait à démissionner.

Son action en coulisse n’altère aucunement ses prestations sur le terrain. Il étincelle en Coupe d’Europe en 1974-75 contre le Sporting Lisbonne à domicile, peut-être son meilleur match sous le maillot vert. Il marque le penalty du 2-0 et aura été un véritable poison pour les Portugais qui n’auront jamais su le contrer. Il participe au match légendaire contre l’Hajduk Split et la remontée fantastique qui a incontestablement lancé l’épopée européenne de l’ASSE.

Il transforme le penalty de l’espoir qui a permis aux hommes de Robert Herbin de mener 3-1 et donc d’envisager une possible qualification après la défaite 4-1 au match aller en Yougoslavie. Pourtant il ne le sait pas encore mais ce match mythique qui a qualifié l’ASSE pour les Quarts de finale de la Coupe des Clubs champions pour la première fois de son histoire est le dernier exploit auquel il participe. La suite de l’aventure s’écrira sans lui car l’orage gronde à Geoffroy Guichard.

LE DEPART DE BERETA : UNE AFFAIRE D’ETAT

En cette fin d’année 1974, l’ASSE est confrontée à de sérieux problèmes de trésorerie. C’est le moment que choisit le président de l’Olympique de Marseille, Fernand Meric, pour entrer en contact avec Roger Rocher en vue du transfert de son joueur emblématique : Georges Bereta. Les deux hommes parviennent à s’entendre et il ne manque plus que l’accord du principal intéressé. C’est bien là le nœud du problème. Toutes les tractations se sont déroulées sans que le joueur ait été mis au courant.

Le 24 novembre 1974, les Verts gagnent au stade Vélodrome 2-1. Toutefois, l’information importante se trouve dans le journal du club phocéen qui pose clairement la question : « Bereta, pourquoi pas bientôt à l’OM ? ». C’est quasiment la preuve que les négociations étaient déjà bien avancées. Le 2 décembre, le comité directeur de l’ASSE approuve ce transfert dans le plus grand secret.

Le 4 décembre, Bereta reçoit un coup de fil d’un journaliste particulièrement bien informé. L’attaquant stéphanois tombe des nues. Le 9 décembre, le quotidien « Le Provençal » annonce l’imminence du transfert du Stéphanois sur la Canebière. Les deux présidents démentent tour à tour cette information ce qui n’empêche pas le lendemain Roger Rocher de confirmer de vive voix à Georges Bereta qu’il pouvait entrer en contact avec l’OM. Ce même jour, un émissaire marseillais rencontre le milieu de terrain ligérien et lui fait une proposition alléchante. Bereta chancelle.

Le 11 décembre, il demande à Rocher une prolongation de son contrat sur les trois prochaines années avec un salaire qui s’aligne sur les prétentions marseillaises. Le désir le plus cher de l’international français est de rester à Saint-Etienne. Bien entendu, le président stéphanois refuse. Entre-temps, la presse nationale s’est emparée de l’affaire et à coup de titres tapageurs, on assiste à un véritable déballage de linge sale en public ou chacun des protagonistes apparaît sous des jours pas très reluisants. Le 15 décembre, la mort dans l’âme, Bereta entérine la décision de sa direction. Les joueurs lui organisent une très belles soirée d’adieu où se conjuguent les pleurs et les cadeaux.

Excédé, le 17 décembre, Rocher annonce sa démission qu’il reprend sous la pression de l’opinion publique et finalement le 6 janvier 1975, le transfert est validé par les instances nationales qui envoient Bereta à Marseille même si Nice a essayé un moment de concurrencer l’offre phocéenne.

UNE PREMIERE POUR l'ASSE

Le gaucher stéphanois devient ainsi le premier joueur transféré en France lors d’un mercato hivernal. Dans cette histoire, Bereta ne recevra pas le soutien de son entraîneur, Robert Herbin. Il aura du mal à l’admettre car il ne peut pas comprendre qu’un technicien puisse se passer volontairement d’un élément qui vient d’être désigné meilleur joueur français et qui le sera à nouveau en 1975. Pourtant, l’entraîneur forézien considère qu’il dispose dans son effectif largement capable de remplacer son capitaine. C’est pourquoi il ne met pas son veto aux tractations engagées. Il permet à Rocher de réaliser une excellente opération financière. Bereta en conservera longtemps une rancœur tenace envers les deux hommes qui n’auront pas hésité à l’échanger contre une somme de 500 000 francs, certes mirobolante pour l’époque.

A Marseille de 1975 à 1979, Georges Bereta ne rencontre pas la consécration attendue même s’il remporte la coupe de France 1976. Par la suite, il travaille pour une célèbre marque de sport tout en entraînant de petites équipes de la région stéphanoise.

Il est revenu ensuite dans son club de cœur où il a été responsable de la section jeunes. Parallèlement, il est entré au sein du conseil d’administration de l’ASSE preuve de son attachement à ses couleurs. Il a été nommé ambassadeur à vie, témoin de l’importance de ce joueur dans l’histoire de l’AS Saint-Etienne. Il est décédé le 4 juillet 2023 à 77 ans et restera une Légende de l'ASSE.

 

Par Albert Pilia