L'ASSE est entrée en négociations exclusives avec le groupe canadien Kilmer Sports Ventures le lundi 13 mai 2024. Une nouvelle étape qui pourrait marquer la fin d'une histoire qui n'a que trop durée. Celle-ci pourrait également avoir des répercussions directes sur l'organisation de l'ASSE. Explications.

Le Directoire pour décider à l'ASSE

L'AS Saint-Etienne présente une organisation aussi atypique qu'inédite. Avec son actionnariat bicéphale, l'ASSE s'est structurée en interne ces deux dernières décennies afin de contenter ses deux actionnaires, Roland Romeyer et Bernard Caïazzo.

À la tête du club, on retrouve le Directoire et le Conseil de Surveillance. Le premier est présidé par Roland Romeyer. Il est accompagné par Jean-François Soucasse (Directeur Exécutif). Bernard Caïazzo (co-actionnaire), propriétaire du club, est évidemment, de fait, également décideur. Samuel Rustem (adjoint de JF. Soucasse) et Loïc Perrin (Directeur Sportif) sont régulièrement consultés. Le Directoire a pour mission de prendre les décisions stratégiques pour l'ASSE. Celui-ci a souvent évolué ces dernières années (Paquet, Thuilot, Puel, ...).

Un Conseil de Surveillance

Parallèlement, l'ASSE dispose d'un Conseil de Surveillance. Celui-ci est composé de 12 sièges dont les membres plus connus sont Jean-Marc Barsotti (président de l'Association ASSE depuis 2017), Olivier Markarian ou Xavier Court (ex-VentePrivée.com), etc. Certains de ses membres s'avèrent plus proches de Roland Romeyer. D'autres de Bernard Caïazzo. Ces derniers invitent régulièrement des personnes qu'ils estiment légitimes (avocats, etc). De quoi grandir l'assemblée.

Présidé par Bernard Caïazzo (en visioconférence), le Conseil de Surveillance est réuni chaque trimestre. Quatre fois par an, le budget à venir est présenté. La tenue des comptes et des dépenses de l'ASSE également. Une présentation consolidée des éléments soumis à la DNCG. Les membres du CS donnent par ailleurs leurs avis sur le volet sportif. Si le conseil de surveillance doit à l'origine surveiller, il ne dispose pas de véritable contre-pouvoir. Il a même perdu son rôle au fil des années.

La vente de l'ASSE illustre parfaitement cette tendance. Plusieurs membres nous ont confié ne pas avoir été informés de l'ouverture des négociations exclusives avant la parution du communiqué.

Une organisation peu commune

Didier Poulmaire, avocat des affaires spécialisé dans le sport, donnait son avis sur cette organisation très spécifique dans l'Ecofoot en octobre 2021 :

"L’adoption d’une structure dualiste, c’est-à-dire avec directoire et conseil de surveillance, n’est pas la forme la plus fréquemment choisie au niveau des sociétés commerciales en règle générale, et encore moins dans les clubs de football professionnel. C’est plutôt la formule du conseil d’administration avec un président à sa tête qui est la plus usuelle.

La structure dualiste peut se justifier lorsqu’on souhaite clairement répartir les rôles entre un dirigeant opérationnel, qui prend la présidence du directoire, et un actionnaire plus contrôleur, qui prend la tête du conseil de surveillance. Le directoire est vraiment l’organe gestionnaire du club et le conseil de surveillance, comme son nom l’indique, l’organe qui contrôle la manière dont le directoire dirige le club et exécute un plan de développement qui a été arrêté par ce même conseil de surveillance."

On comprend là, l'essence de la création de cette struturation.

Une organisation à l'origine du mal des Verts ?

Didier Poulmaire poursuivait : "Il est évident que lorsque des désaccords surviennent entre le directoire et le conseil de surveillance, ceux-ci font entrer la société exploitant le club dans une situation de tension qui peut même déboucher sur une crise. Dans le cas de l’ASSE, on peut quand même remarquer que la cohabitation des deux actionnaires dans leur rôle respectif a plutôt été bien gérée pendant de nombreuses années. Les difficultés sportives combinées avec des difficultés économiques récurrentes sont bien entendu de nature à tendre les rapports entre actionnaires, surtout quand les visions pour s’en sortir divergent. Le caractère public de ces désaccords a nécessairement pu jouer un rôle déstabilisant dans le fonctionnement du club au quotidien."

Quelle organisation demain pour l'ASSE ?

Après l'annonce de l'ouverture des négociations exclusives, Ivan Gazidis et ses hommes se sont rendus à Saint-Etienne. Visite des locaux, du stade, du musée ou de la boutique. L'intégralité des infrastructures y est passée. L'ancien dirigeant d'Arsenal et du Milan AC a pu dresser un premier diagnostic en prenant le pouls sur place.

Selon toute vraisemblance, l'organisation de l'ASSE pourrait se voir modifier dans les mois à venir. Larry Tanenbaum et le groupe Kilmer Sports Ventures entendent bien diriger l'ASSE comme ils l'entendent. Si aucune révolution n'est à attendre dans un premier temps, les directives devraient s'avérer plus directes et moins consultatives. Quid de l'avenir du Conseil de Surveillance ?  Non habitué à ce type de structuration, le démantèlement du CS est loin d'être à exclure. Les membres du CS de l'ASSE n'ont pas rencontré les repreneurs lors de leur visite. Aucune information n'a été transmise quant au projet de Kilmer Sports Ventures. Le prochain Conseil de surveillance est programmé le 30 juin. S'il a bien lieu…

Si la vente venait à son terme, Ivan Gazidis serait en relation directe avec Larry Tanenbaum. Il orchestrerait le redressement de l'ASSE selon ses convictions et sa stratégie. Si plusieurs hommes de mains seront sur place, ça ne sera vraisemblablement pas le cas d'Ivan Gazidis qui dirigera le club à distance. Ce qu'il n'a pas caché devant un CSE. Un Comité Social et Économique conquis par le discours de l'ancien dirigeant du Milan AC. Jean-François Soucasse devrait quant à lui rester à son poste dans un premier temps. Particulièrement actif dans le processus de vente, le président exécutif de l'ASSE suivrait alors les directives de son supérieur hiérarchique, Ivan Gazidis.