La présentation des cinquante meilleurs joueurs de l’histoire de l’ASSE continue. Après vous avoir exposé les portraits des joueurs situés de la 21ᵉ à la 50ᵉ place par ordre alphabétique, nous vous révélons désormais ceux qui sont situés de la 20e à la première place. Cette fois-ci, ils seront publiés dans l’ordre décroissant. Après le 19ᵉ, Dominique Bathenay, place au 18ᵉ ! Georges Carnus (168 matches, de 1967 à 1971), le successeur de Pierre Bernard.

International français à seulement 21 ans

Georges Carnus est né le 13 août 1942 à Gignac-la-Nerthe dans les Bouches-du-Rhône. Gardien de but, il évolue au Stade Français depuis 1962 dans un club qui n’est pourtant pas habitué à jouer les premiers rôles en première division. Toutefois, ses prestations attirent l’attention au point d’être appelé en équipe de France pour la première fois le 28 avril 1963 contre le Brésil à Colombes où il a succédé à Pierre Bernard. Il a l’occasion de découvrir le haut niveau international marqué par une défaite (2-3) avec tous les buts inscrits par Pelé, le meilleur joueur du monde.

En 1967, l’ASSE vient de redevenir champion de France avec Jean Snella. À son retour en 1963, il avait obtenu la signature de Pierre Bernard dans les buts avec lequel il va obtenir deux titres supplémentaires (1964, 1967). Mais en juin 1967, le mythique entraîneur stéphanois a décidé de quitter son poste. Il est remplacé par Albert Batteux, un autre coach légendaire. Ce dernier, pour continuer à dominer le championnat français et conserver son titre, ce que le club n’avait jamais réussi à faire, il exige des ajustements. Notamment au poste de gardien de but.

Pierre Bernard, qui a beaucoup contribué aux succès de l’ASSE ces quatre dernières années, est désormais vieillissant (35 ans) et les dirigeants lui cherchent un successeur. Ce sera Georges Carnus, qui, à 25 ans, s’empresse d’accepter la proposition stéphanoise. Il était normal que celui qui était en passe de devenir le meilleur gardien français, intègre le plus grand club français.

Le doublé Coupe - Championnat dès sa premère à l'ASSE

Georges Carnus a imprimé sa patte dès le début au sein de la défense stéphanoise. Son calme, sa grande sobriété, son degré d’exigence et son jugement très sûr ont transformé ses partenaires qui sont devenus plus efficaces, mis en confiance par un gardien performant.

Alors que l’ASSE a pris en moyenne 1,30 but par match de 1963 à 1967, elle n’en prenait plus que 0,84 avec Carnus comme dernier rempart sur les trois saisons suivantes, caractérisées par deux doublés coupe-championnat.

Pendant ses trois premières années dans le Forez, Carnus est au sommet de son art. Avec lui, Batteux a pu poursuivre sa politique du beau jeu en s’appuyant d’abord sur Rachid Mekloufi puis sur Salif Keita. Dès la première saison de Carnus à l’ASSE (1967-68), les Verts réalisent l’exploit de remporter la coupe puis le championnat la même année pour la première fois de leur histoire.

Les Stéphanois trônent au sommet du football français comme le confirme la présence de six des leurs avec l’équipe de France contre la RFA à Marseille le 25 septembre 1968 (Georges Carnus, Bernard Bosquier, Roland Mitoraj, Aimé Jacquet dont c’est la première sélection, Hervé Revelli et Georges Bereta). Les Bleus tiennent tête aux Allemands (1-1) grâce à cette ossature forézienne.

Confronté à la concurrence de Marcel Aubour, il ne compte finalement que 36 sélections, ce qui semble peu compte tenu de son talent.

La saison 1969-70 constitue le point d’orgue de Carnus avec l’ASSE. Il est intouchable sur sa ligne. Il contribue au nouveau doublé coupe-championnat, le deuxième en trois ans, avec comme summum la victoire en coupe de France contre Nantes (5-0) qui constitue encore aujourd’hui, l’écart le plus important en finale. Les Verts ont survolé la saison avec un Carnus dont les performances ont été exceptionnelles tous les dimanches. Il ne paraît avoir aucun rival, étant d’ailleurs désigné meilleur joueur français du championnat de France en 1970 et 1971.

L’Affaire Carnus - Bosquier

L’ASSE se dirige vers un cinquième titre d’affilée. Après la 30ᵉ journée, le 4 mai 1971 et son match en retard contre Metz à Geoffroy-Guichard (6-0), elle occupe la première place avec trois points d’avance sur l’OM, son plus dangereux rival. Sauf qu’une bombe explose à Saint-Etienne par l’intermédiaire du Progrès qui révèle deux jours plus tard que Carnus va signer à Marseille la saison suivante, très certainement en compagnie de Bernard Bosquier.

C’est la consternation chez les dirigeants stéphanois qui n’ont pas vu le coup venir. Ils n’avaient nullement l’intention de se séparer de leurs deux internationaux. Oui, mais le contrat à temps, nouvelle disposition qui est apparu dans le football français, permet aux joueurs de négocier désormais leurs transferts à la fin de leur contrat. Force est de constater que le président Roger Rocher n’a pas anticipé cette évolution inéluctable.

Le 8 mai 1971, l’ASSE reçoit Bordeaux. Alors qu’elle mène tranquillement 2-0, la machine s’enraye et elle encaisse deux buts dans le dernier quart d’heure pour une défaite surprise (2-3). Il n’y pas le feu au lac, mais les coupables de cette contreperformance sont tout désignés. Georges Carnus et Bernard Bosquier n’ont pas été bons. Peut-être ont-ils la tête ailleurs. Pire, n’ont-ils pas intérêt à favoriser leur futur club ?

C’est méconnaître ces deux professionnels qui ont juré la main sur le cœur que seul comptait ce nouveau trophée. Ce n’est pas l’avis de Roger Rocher qui prend une décision radicale. Le 13 mai, il licencie purement et simplement Carnus et Bosquier contre l’avis de l’entraîneur et des joueurs. C’est un véritable gâchis car sans ces deux leaders, l’ASSE laisse échapper l’OM, tout heureux de coiffer les Verts au poteau au soir de la 38ᵉ journée. Ils n’en demandaient pas tant.

Georges Carnus va donc continuer à exercer ses talents à Marseille, mais il connaîtra une fin de carrière brutale avec un accident de voiture le 28 juin 1974 duquel il réchappera miraculeusement, mais pas sa femme et ses trois filles, décédées.
Par son professionnalisme, ses qualités qui en ont fait le meilleur gardien français à la fin des années 1960. Par les résultats de l’ASSE qui a dominé le football national, Georges Carnus mérite amplement de figurer parmi les vingt meilleurs joueurs de l’histoire de Saint-Etienne.

 

Par Albert Pilia