12 mai 1976 – Finale de la coupe d’Europe des Clubs champions : Bayern Munich – ASSE 1-0

Le 12 mai  1976 restera une date qui aura marqué l’histoire de l’AS Saint-Etienne. Les Verts disputaient une finale de coupe d’Europe qui est restée dans les mémoires malgré la défaite au goût amer. Nous vous proposons de revivre ces moments légendaires en trois parties distinctes.

Dans un premier temps, revivons ensemble les dernières heures avant cette rencontre qui a tenu en haleine des millions de Français. Ensuite, nous nous pencherons sur un match qui a laissé tant de regrets. Enfin, nous reviendrons sur les festivités d’après-match où les Verts ont été accueillis comme des héros dans une ferveur que seule la France peut offrir à des perdants magnifiques.

UNE RECEPTION GRANDIOSE A PARIS

Malgré la défaite, le public présent fait à ses héros une ovation unique dans les annales car ils sont considérés comme les vainqueurs moraux. Pourtant les Verts sont inconsolables. Seul le capitaine Jean-Michel Larqué a récupéré la médaille du finaliste alors que Beckenbauer a soulevé la coupe du vainqueur sous une bronca sans précédent.

Dans la ville de Glasgow, les supporters vont chanter toute la nuit comme si le but de Roth n’avait jamais existé. Ils sont aidés par les Ecossais, qui, attendris par cette défaite imméritée, vont tenter de leur faire oublier leur tristesse en leur faisant découvrir ce que signifie l’hospitalité à l’Ecossaise.  La Fédération écossaise a organisé une réception à l’hôtel Albany mais heureusement, elle ne s’éternise pas et les joueurs peuvent rejoindre leur propre hôtel à Erskine.

Pour les battus, la nuit a quand même été courte mais dès le lendemain c’est le retour en France en passant par Paris. Ils doivent se plier aux sollicitations et aux invitations diverses dont celle du plus illustres des Français, le premier d’entre eux, le Président de la République Valery Giscard d’Estaing.

Les joueurs ne sont pas très chauds pour participer à ce type d’initiative car à Saint-Etienne, on n’accepte pas la défaite et parader en perdant n’a guère de sens. Ils ne comprennent pas pourquoi les manifestations ont été maintenues puisqu’ils ont perdu. Ils se plient pourtant de bonne grâce et s’installent deux par deux à l’arrière de Renault 5 vertes décapotées pour descendre les Champs Elysées comme prévu.

Il est midi, le cortège s’engage vers le haut de l’avenue Foch et tout de suite à la stupéfaction de tous les participants, une marée humaine attend ses héros. Combien sont-ils à vouloir les féliciter ? 50 000, 60 000, peut-être 100 000 personnes se sont déplacées pour remercier les Stéphanois d’avoir si bien représenter la France à l’échelon européen. « L’opération Saint-Etienne » mise en place par France-Inter dépasse toutes les prévisions. Toutes les générations sont représentées et à l’approche des voitures, des cris d’enthousiasme montent vers le ciel.

Un homme cristallise toutes les attentions. Il s’agit de Dominique Rocheteau. La voiture où il se trouve avec Dominique Bathenay est littéralement prise d’assaut. Bathenay l’implore de se montrer sinon les spectateurs menacent de tout casser. Les rétroviseurs sont arrachés, la carrosserie cabossée, défoncée. Alors comme tous les autres joueurs, Rocheteau se lève, signe des autographes, serre des mains. Des jeunes filles proches de l’hystérie se précipitent vers l’élu de leur cœur. C’est à cet instant qu’il se rend compte de l’idolâtrie qu’il suscite à l’égal d’une rock star qu’il ne veut surtout pas être. « L’Ange Vert » qui n’était à la base qu’un simple surnom est devenu une réalité aussi palpable qu’effrayante. Pour Rocheteau, à partir d’aujourd’hui, plus rien ne sera comme avant.

Avec d’énormes difficultés, les voitures quittent la Place de l’Étoile pour rallier l’Élysée, où les attend Valéry Giscard d’Estaing, le Président de la République. Un déjeuner est organisé en leur honneur.

GEOFFROY-GUICHARD COMMUNIE AVEC SES JOUEURS

Le lendemain, tous les joueurs ont rendez-vous à Geoffroy Guichard transformé en kermesse où ils sont acclamés par tout un peuple et cette fois-ci en compagnie de majorettes drapées aux couleurs du club, on assiste à une totale communion entre les héros et les spectateurs. Chacun s’applaudit mutuellement car il ne peut y avoir de performances sans cette solidarité comme cela a été démontré lors de cette campagne européenne, notamment contre le Dynamo de Kiev.

Une derrière sollicitation attend encore les Stéphanois. Participer à l’émission « Midi Première » de Danièle Gilbert. A Saint-Etienne, on avait estimé que la fête avait assez duré et qu’il fallait se remettre au travail car il reste un championnat à gagner pour participer à la prochaine édition de la Coupe d’Europe. Dans un premier temps, Roger Rocher avait donc refusé l’invitation. Danielle Gilbert a alors éclaté en sanglots alors qu’elle avait fait venir tout un plateau de télévision spécialement de Cannes pour l’occasion. Rocher s’est alors laisser attendrir et il a finalement accepté et il est revenu sur sa décision. Mais c’est promis, juré, il s’agit de la dernière manifestation sur cet événement, qui rappelons-le s’est soldé par une défaite.

Alors pourquoi une telle ferveur ? Les Verts ont tout simplement marqués les esprits à tout jamais. Ils ont démontré que les Français pouvaient rivaliser avec les meilleurs en Coupe d’Europe, redonner un peu de baume au cœur et de fierté à un pays dont on disait fréquemment qu’il n’était pas doué pour le football. Pour eux, avant Saint-Etienne, la maxime de Pierre de Coubertin selon laquelle l’important était de participer était toujours d’actualité. Dès lors, ils apparaissent comme un exemple, un modèle, une référence. A cette époque, c’était le néant, l’équipe nationale n’existait pas et les autres clubs n’avaient aucun succès. Les hommes de Robert Herbin ont donc pris une place vacante et l’on tout simplement sublimé.

Saint-Etienne a dégagé un tel enthousiasme, une telle complicité et un tel amour du travail que les Français, spontanément s’y sont facilement identifiés. La plupart des joueurs ont su représenter admirablement les valeurs de travail, de solidarité qui collent bien au Stéphanois et finalement à la France industrielle de l’Epoque encore imprégnée de l’odeur du charbon et de l’acier. Les joueurs paraissaient comme des gens simples facilement abordables et qui allaient au bout d’eux-mêmes sur une pelouse. On ne pouvait que les admirer et ils ont été fêtés comme des héros.

L’ASSE a également bénéficié de l’essor de la télévision qui a mis en lumière ses prestations fantastiques et ses incroyables retournements de situations contrairement aux exploits du Stade de Reims dont on conserve finalement peu d’images. La création de magasines spécialisés comme « Onze » avec ses photos sur papier glacé a contribué également à l’élaboration du mythe.

Sur « France-Soir », on peut lire dans l’édition du 13 mai « Jamais les Stéphanois furent aussi grands qu’aujourd’hui parce que jamais ils ne furent plus humains. Au contraire des dieux, les demi-dieux sont mortels. Et si on admire les dieux, on n’aime d’amour que les mortels. »

Article rédigé par Albert Pilia