C'est le dossier économique qui anime le football français : la société commerciale de la Ligue de Football Professionnel (LFP).  Si le milliard annoncé semble être une aubaine pour les clubs de l'élite du foot français, est-ce que cet apport de liquidités à tout du pactole rêvé ?  Quid de l'AS Saint-Etienne face aux incertitudes sportives et financières depuis plusieurs saisons ?

Rappel des faits

Elu pour remplacer Nathalie Boy de la Tour à la présidence de la LFP en septembre 2020, Vincent Labrune a tout d'un fin stratège. Alors que Michel Denisot apparaissait comme le grand favori pour ces élections, l'ex-président de l'Olympique de Marseille l'a coiffé au poteau. 15 voix contre 10 pour Denisot. Une victoire qu'il a bâtie en s'appuyant sur le soutien de nombreux présidents de Ligue 1.

Après la crise Médiapro et le Covid-19, le football français rencontre une crise sans précédent. Les enjeux sont colossaux pour le nouveau président de la LFP. Son objectif principal : Apporter de l'argent frais le plus rapidement possible. Il négociera l'attribution des droits TV où l'arrivée salvatrice d'Amazon a beaucoup fait parler. Celle-ci a minimisé la casse. Une première étape.

Un an après son élection il ne s'en cache pas et déclare en décembre dernier : «Le problème qu'on a, c'est qu'on n'a pas le temps. À très court terme, à l'échéance un an et demi, deux ans, on a l'impérieuse nécessité de recréer une compétition nationale ultra-performante, attrayante, spectaculaire pour maximiser notre appel d’offres domestique qui va arriver en 2023.» Pour cela, Labrune a sa stratégie : attirer de nouveaux partenaires à l'image de la Liga qui a procédé de la même manière quelques mois plus tôt.

Jusqu'alors impossible juridiquement, le Sénat valide en janvier 2022 la possibilité de créer une société commerciale. Une filiale de la LFP qui sera chargée d'accroitre les revenus du championnat français. Labrune peut continuer d'avancer ses pions. L'appel d'offres est rapidement lancé, les finalistes retenus, le gagnant annoncé. Il s'agit du fond d'investissement luxembourgeois CVC (Capital Partners) qui s'engage à racheter 13.04% des parts de la société commerciale pour 1.5 milliard d'euros !

Pourquoi investir cette somme qui parait colossale ? CVC mise sur le fait que les droits audiovisuels internationaux et digitaux de la Ligue 1 vont augmenter dans les années à venir. Un placement qu'ils espèrent fructueux.

Tout contents, les présidents de Ligue 1 ne doivent pas regretter d'avoir soutenu Vincent Labrune... Ils se mettent rapidement d'accord pour la répartition du butin : 200 millions pour le PSG, 90 millions pour l'OM et l'OL, 80 millions pour Rennes, le LOSC, Nice et Monaco. Le reste pour les autres équipes de Ligue 1 : 33 millions d'euros. Et ce, même si descente cette saison...

De l'argent frais qui arrive au bon moment (nous y reviendrons) dans les caisses des clubs de Ligue 1. La somme devrait être versée en plusieurs fois (2 à 3 saisons). A en croire les premières informations, 3 versements seraient prévus sur 3 ans : 40% la première saison puis 30% les deux suivantes. A confirmer.

Réponse à un besoin urgent de liquidités

Cette recette a tout d'une bonne nouvelle. Des liquidités qui tombent au meilleur des moments. Les clubs de Ligue 1 ont dû faire face plusieurs crises majeures qui se sont succédées. Probablement, la pire crise économique du football français de l'histoire. La faillite de Média Pro et les pertes engendrées par les restrictions sanitaires liées au Covid ont laissé des traces encore palpables aujourd'hui.

De nombreux clubs ont dû réduire leur rythme de vie de manière drastique. L'ensemble des clubs cherche à alléger leurs masses salariales. Les PGE doivent être remboursés. De nombreuses équipes, comme l'ASSE, s'appuyaient sur le trading de joueur pour équilibrer leurs comptes, ont vu le marché se complexifier.

La somme versée par CVC aura le mérite de rassurer les banques et la DNCG. Les bilans comptables des clubs seront moins dans le rouge. De quoi rendre plus serein le football français dans l'immédiat. Apporter de la sérénité est évidement une très bonne chose, à Saint-Etienne plus qu'ailleurs.

 

Une vraie bonne nouvelle ?

Sur le principe de la société commerciale, plusieurs consultants ont déjà émis certaines réserves quant à la vente des parts par la LFP. Mettant en avant que la Ligue et les présidents agissent dans l'urgence avec une vision "courtermiste". En effet, pas certain que cette opportunité soit finalement rentable sur la durée. Mais la situation économique des clubs poussent à agir au plus vite... Une fois de plus.

En ce qui concerne l'ASSE, on peut légitimement s'interroger sur les ressources à disposition pour enclencher un nouveau cycle. Que ce soit en Ligue 1 ou en Ligue 2. Une vingtaine de joueurs pourraient quitter le club. Les moyens financier permettront-ils d'entamer le renouvellement de l'effectif ?

Malgré les affirmations des actionnaires, les faits montrent que les Verts disposent d'une capacité d'investissement relativement étroite. Fin décembre 2021, Roland Romeyer déclarait dans Le Progrès : "On en avait parlé avec mon associé en juin. On avait les moyens de recruter. Des joueurs voulaient rester, d’autres étaient disponibles. C’était un choix du manager général (de ne pas recruter, NDLR). Il a pensé qu’avec l’effectif qu’il avait à disposition, ça allait le faire. Ce que l’on n’a pas dépensé l’été dernier, on va le dépenser maintenant. L’argent était prévu au budget." Un mois plus tard : 7 arrivées. 3 joueurs libres. 4 prêts. Aucun achat. L'effort a été fait sur la masse salariale. Les moyens financiers sont bel et bien limités.

Quid de la fin de saison des Verts alors ? Les bilans comptables sera meilleur mais qu'en est-il des capacités d'investissement ? La masse salariale va chuter mais que restera-t-il sportivement parlant ?

Comme évoqué, 17 joueurs arrivent en fin de contrat en juin prochain dont Bernardoni, Khazri, Nordin, Boudebouz, Kolodziejczak, Sacko, Thioub, Mangala, Trauco, Crivelli, Gnagnon, Hamouma, Diousse, Benkhedim, Sako. Il restera une seule année de contrat pour plusieurs joueurs importants : Bounaga, Moukoudi, Aouchiche, Youssouf ou Silva.

Un effectif à reconstruire pour espérer exister dans un championnat qui enverra 4 clubs en Ligue 2 à l'issu de la saison 2022-2023.

Claude Puel déclarait le 15 juillet dernier dans les colonnes du Progrès : "On ne se cache pas qu'il reste une saison difficile. En juillet 2022, une nouvelle page va s'ouvrir pour l'ASSE avec des possibilités d'investissement parce qu'on aura rétabli les équilibres financiers. Jusque -là, il va falloir se battre sans possibilité d'un recrutement digne de ce nom. C'est assumé."

Une saison difficile ? On a vu. La nouvelle page, on attend de la voir avant de se prononcer. Loïc Perrin commence à s'entourer avec l'arrivée d'Ilan pour le recrutement. Il faudra se montrer des plus habiles dans ce nouvel exercice périlleux.

Sans vente, les ambitions des Verts resteront très limitées cet été. Plusieurs questions se posent alors : Le pactole glané par la LFP n'est-il pas un cadeau empoisonné pour les Verts ? Les 33 millions ne vont-ils pas permettre aux actionnaires de temporiser/repousser le projet de vente ?

Il y a un an, le 13 avril 2021, Roland Romeyer et Bernard Caïazzo publiaient une lettre pour officialiser la mise en vente de l’ASSE. Aujourd'hui, le projet est au point mort. Pas certain que cette nouvelle bonne nouvelle pour la LFP en soit une pour la vente du club.