L'ASSE a enregistré la signature d'un contrat professionnel pour 3 saisons de Nadir El Jamali (voir son portrait ici). Nous sommes partis à la rencontre de son entraîneur du début de saison, Razik Nedder qui nous a parlé de son ancien joueur. Voici ses mots.

"Sur le plan footballistique, c’est assez clair : c’est un joueur avec de très grosses qualités. Il a une technique largement au-dessus de la moyenne. Sa qualité de première touche est, selon moi, l’une des meilleures que j’ai vues en 14 ans à l’AS Saint-Étienne. Sa prise de balle est époustouflante. Il a du Mahrez dans les pieds, avec cette capacité à toucher le ballon et à enchaîner dès la première touche. C’est vraiment du très, très haut niveau.

C’est un joueur qui a une signature, une vraie singularité. C’est un joueur de pied. Il a toujours eu ça. Ensuite, il a fallu développer tout un ensemble de choses pour ne pas qu’il reste dans la caricature du joueur technique, bon uniquement quand son équipe a le ballon. On a donc travaillé autour de ce don pour en faire un joueur plus complet. C’était d’ailleurs l’un des objectifs fixés en fin de saison dernière, quand j’ai récupéré Nadir, et sur toute la saison qui vient de s’achever."

Et humainement, tu le qualifierais comment ?

"Nadir a une éducation incroyable, avec un père très présent, dans le bon tempo, comme on aimerait en voir plus souvent. Il soutient son fils sans jamais s’immiscer. C’est un garçon bien élevé, ce qui en fait un joueur très agréable à entraîner.

Il a du caractère sur le terrain, il n’est pas lisse, et il est agréable au travail. On a dû développer sa relation à l’adulte, notamment au coach, parce qu’il était tellement respectueux qu’il manquait un peu d’échange. Il a fallu créer du lien. Tous les joueurs sont différents : certains ont besoin d’être titillés, d’autres qu’on leur dise "je t’aime". Nadir, c’est un profil où il faut lui tirer les oreilles de temps en temps dans certains domaines. Mais c’est clairement un joueur qu’on gère à l’affect."

Quel travail effectué avez-vous effectué avec lui en réserve à l'ASSE ?

"Justement, pour moi, un joueur fait carrière sur ses qualités fortes. Elles étaient là dès le départ. Mon objectif était donc de les rendre efficaces dans son jeu. Il a un toucher de balle et un pied gauche incroyables. L’idée, c’était de le rendre décisif : en passe, en but. Il a progressé en devenant plus tranchant dans son utilisation du ballon.

L’objectif, c’était aussi qu’il percute, qu’il aille vers l’avant, qu’il attaque le dos de l’adversaire dans ses conduites de balle, qu’il soit plus en mouvement. On voulait éviter le profil du joueur statique, arrêté, qui aime rester entre les lignes. Il a du talent dans ce domaine, mais on voulait qu’il mette ça au service du danger pour l’adversaire.

Autre axe majeur : devenir plus “chien” à la perte de balle. On ne fera jamais de lui un Gattuso, ce n’est pas son style. Mais au départ, il défendait juste pour ne pas se faire gronder. On a essayé de lui faire comprendre qu’il fallait le faire pour gratter des ballons. Il a bien écouté. Cette génération-là, avec des joueurs comme Luan (Gadegbeku) ou Axel (Dodote), est vraiment à l’écoute. Ils bossent bien et traînent souvent ensemble. Ce sont des garçons agréables au quotidien, et Nadir a franchi des paliers."

Utilisé à plusieurs postes : lequel lui convient le mieux ?

"En réserve à l'ASSE, on veut gagner les matchs, bien sûr, mais aussi faire progresser les joueurs. Donc, au début, on l’a placé dans les deux milieux relayeurs (les 8), pour le mettre face à ses responsabilités défensives. Il fallait le confronter à la réalité : "Aujourd’hui, tu joues au milieu, en face, tu as des gaillards, donc il faut y aller".

C’était volontaire. On voulait laui montrer qu’il était capable, et donc qu’il devait le faire. Cela dit, c’est un vrai atout pour lui d’être aussi polyvalent. Il peut jouer en 10, en soutien dans un 4-4-2 losange, ou même comme deuxième attaquant dans un 3-5-2. En 4-3-3, il a aussi joué dans le couloir. Moi, je l’aime beaucoup dans le cœur du jeu parce qu’il sait jouer dans les petits espaces. Mais je l’aime aussi en faux pied, car quand il rentre intérieur, il peut marquer, frapper de loin, délivrer des passes décisives.

Son meilleur poste ? Le plus proche du but possible. Il est redoutable, avec un pied gauche tout simplement époustouflant.

Il faut saluer le très bon travail de recrutement effectué sur ce profil de joueur. Ce sont des garçons très sollicités. Luan et lui ont été repérés avant tout le monde. Ils étaient suivis par les plus grands clubs français, et ils ont choisi le projet de l’ASSE. C’est là qu’on voit le travail de Hamdane (Karouni) et de la cellule de recrutement. Ils ont fait un gros boulot sur ce type de dossier."

En termes de projection à l'ASSE : une intégration au groupe pro dès l’an prochain ?

"C’est une question qu’on me pose souvent. En formation, on dépend toujours du contexte. Nadir, c’est un joueur avec une signature. Il lui faut un coach qui aime les profils techniques, qui aime les joueurs de pied.

Le système de jeu joue aussi beaucoup. Mais en termes de talent et de potentiel, il a largement de quoi faire une belle carrière. Si sa progression continue comme ça, la suite logique serait, au minimum, qu’il s’entraîne régulièrement avec les pros. C’est cette étape-là qui permettra d’évaluer à quelle vitesse il va monter."

International dans sa catégorie : la suite logique ?

"Oui, clairement. Ils ont la chance d’être dans un club qui fait confiance aux jeunes. Il y a des joueurs nés en 2007 qui ont enchaîné les minutes cette saison, pareil pour les 2008. Peu de centres de formation le font en France. Pour un sélectionneur, c’est rassurant.

Nadir peut être titulaire comme impact player. Il peut débloquer une situation à tout moment. Cette saison, il a mis des buts magnifiques, délivré de superbes passes. Ce que j’ai surtout apprécié, c’est son caractère dans les moments décisifs. Pour un joueur né en 2007, assumer, frapper de loin, marquer de la tête contre l’OL alors qu’on dit que c’est un joueur "de pied"… C’est impressionnant."

Tu dis qu’il a une première touche à la Mahrez. En terme de similarité de joueur, ce serait qui ?

"Il a cette singularité. À l’ASSE, on a rarement eu ce type de joueur. Mais oui, si je devais le comparer, ce serait Mahrez. Ils ont tous les deux un pied gauche magique, un art de la prise de balle. Nadir se crée un temps d’avance dès son contrôle. C’est pour ça que je le rapprocherais de Mahrez ou Bernardo Silva : des joueurs à la technique exceptionnelle, avec une prise de balle hors norme. Et ça, aucun coach ne peut dire "je lui ai appris". C’est un don. C’est sa signature."