Le XI de chaque décennie de l’ASSE des années 1930 aux années 2010. A l’occasion des 90 ans de l’ASSE dont la date de naissance officielle est le 26 juin 1933, nous vous proposons de vous faire découvrir le Onze de chaque décennie des années 1930 aux années 2010 parmi les 764 joueurs stéphanois qui ont, un jour, revêtu le maillot vert.

Evidemment, cet exercice est tout ce qu’il y a de plus subjectif et nous ne prétendons pas détenir « la vérité ». Nous nous contentons juste de présenter « notre vérité ».

Chaque semaine, nous publierons un Onze par décennie. 3e chapitre : la décennie 1960

La décennie 1960

 Après sa première victoire en coupe de France en 1962 mais aussi un bref passage en D2 (1962-63), l’AS Saint-Etienne, avec le retour de Rachid Mekloufi et l’éclosion de Salif Keita, va dominer le football français pour enchainer six titres de champions de France et deux doublés de 1964 à 1970. Voici l’équipe qui a dominé cette décennie :

Carnus – Durkovic, Mitoraj, Bosquier, Polny – Herbin, Jacquet, Bordas, Bereta – Guy, Keita

Entraîneur : Albert Batteux

  

GARDIEN

GEORGES CARNUS (né le 13 août 1942, 172 matches de 1967 à 1971)

Quand il débarque à Saint-Etienne en succédant à Pierre Bernard vieillissant, Georges Carnus est déjà un gardien confirmé, international français. Mais son arrivée à l’ASSE va lui permettre d’étoffer un palmarès désespérément vierge. Il était quasi invincible sur sa ligne, sobre dans ses interventions, spécialiste des arrêts sur penalty et premier défenseur quand il le fallait bref, le précurseur du gardien moderne.

Son départ de l’ASSE est entaché par son transfert à l’OM en 1971 qui lui vaut son licenciement du club en même temps que Bernard Bosquier en mai 1971, décrété par le président Roger Rocher resté inflexible.

DEFENSEURS

VLADIMIR DURKOVIC (né le 6 novembre 1939 – décédé le 22 juin 1972, 155 matches de 1967 à 1971)

Le Yougoslave Vladimir Durkovic était un arrière latéral droit qui a ébloui le stade Geoffroy-Guichard, par ses qualités défensives hors du commun. Il était un grand guerrier qui ne laissait rien passer sur son côté. Il est considéré comme le meilleur à son poste à avoir joué à l’AS Saint-Etienne. D’ailleurs, Salif Keita lui vouait une grande admiration et le défenseur était un des rares à pouvoir le remettre sur le droit chemin. Le malien a eu cette déclaration le concernant : « Lorsque je fais une bêtise sur le terrain, j’évite de me retourner car je sais que Vladimir me regarde et il me fait peur… ! ».

Vladimir Durkovic a eu une fin tragique car le 22 juin 1972, il a été abattu en Suisse par un policier ivre alors qu’il tentait de venir en aide à un de ses amis.

ROLAND MITORAJ (né le 5 février 1940, 259 matches, 26 buts de 1958 à 1970)

Roland Mitoraj est un défenseur qui a explosé à l’AS Saint-Etienne sous les ordres d’Albert Batteux qui a apprécié son aisance balle au pied et son excellent jeu de tête. Il a trouvé en lui le parfait complément de Bernard Bosquier dans l’axe de la défense et ce duo a eu peu d’équivalents dans l’histoire de l’ASSE. Seuls des blessures plus ou moins importantes (dont une qui l’a tenu éloigné des terrains environ seize mois) l’ont empêché de marquer plus durablement son club. Il a pu goûter quand même au maillot bleu avec trois sélections dans son escarcelle. C’était en plus un homme aux qualités humaines incontestables à tel point que lorsqu’en fin de carrière, Albert Batteux l’a remplacé par Robert Herbin, il a du s’en excuser, lui qui n’avait jamais déçu à son poste.

BERNARD BOSQUIER (né le 19 juin 1942, 209 matches, 22 buts de 1966 à 1971)

Bernard Bosquier était considéré au fait de sa carrière comme l’un des meilleurs défenseurs centraux d’Europe. C’est à l’AS Saint-Etienne, qui l’a acheté à Sochaux pour la somme conséquente de 38 millions d’anciens francs en 1966, qu’il a atteint ses lettres de noblesses et un statut plus en adéquation avec ses qualités footballistiques. Sa vitesse d’intervention, son sens de l’anticipation, son tir du droit efficace sont des modèles du genre. Il a accompli également une très belle carrière internationale avec une coupe du monde avec les bleus en 1966 et 43 sélections pour trois buts.

Tout comme Georges Carnus, il est emporté par l’affaire des transferts à l’OM et il est renvoyé en 1971 par Roger Rocher qui ne leur a jamais pardonné les tractations secrètes avec l’ennemi juré.

GEORGES POLNY (né le 3 février 1943, 335 matches, 2 buts de 1960 à 1972)

Georges Polny a eu le mérite de se faire une place dans une équipe stéphanoise composée de joueurs tous aussi talentueux les uns que les autres. Son sens du devoir, ses qualités physiques remarquables, sa volonté de ne jamais renoncer, ont été appréciés par Jean Snella mais c’est surtout sous les ordres d’Albert Batteux, qui avait une totale confiance en lui, qu’il est devenu un arrière gauche inamovible lui permettant d’obtenir un palmarès remarquable. En comparaison d’autres joueurs du groupe, il n’a pas eu droit à la considération qu’il aurait pu mériter mais peut-être n’a-t-il pas su se mettre en avant, lui qui était la discrétion personnifiée. Il n’a marqué que deux buts dans sa carrière chez les Verts mais il peut s’enorgueillir de faire partie des buteurs de la déculottée célèbre infligée à l’OL à Gerland le 4 octobre 1969 (7-1).

MILIEUX

ROBERT HERBIN (né le 30 mars 1939 – décédé le 27 avril 2020, 492 matches, 99 buts de 1957 à 1972 en tant que joueur)

Quand Robert Herbin arrive à Saint-Etienne en 1957, a-t-il seulement l’idée qu’il va y rester jusqu’en 1972 en tant que joueur et au moins jusqu’en 1983 en tant qu’entraîneur ? D’autant plus qu’il a eu plusieurs fois l’occasion de partir, notamment en 1960 et 1969. Et pourtant, ce milieu de terrain, avec un abattage rarement vu et une détente sèche extraordinaire, deviendra le capitaine de l’équipe en 1968. Il sera tout aussi performant lorsqu’il glissera en défense centrale où sa technique et sa qualité de relance seront bénéfiques pour l’équipe. Pilier de l’ASSE, il le sera également avec l’équipe de France avec laquelle il va cumuler 23 sélections même s’il l’a côtoyée à une période plutôt difficile alors qu’il va tout dominer avec les Verts grâce à la génération menée par Rachid Mekloufi et celle de Salif Keita pour lesquels il sera un précieux partenaire.

AIME JACQUET (Né le 27 novembre 1941, 232 matches, 26 buts de 1960 à 1973)

Aimé Jacquet est un des rares joueurs qui a échappé au recruteur Pierre Garonnaire qui ne croyait pas trop en lui. Il arrive à l’ASSE en tant qu’amateur, travaillant à l’usine le matin et s’entraînant l’après-midi. C’est Jean Snella qui décèle en lui un potentiel certain pour le professionnalisme et après l’avoir formé avec patience, il lui demande de choisir entre l’usine et le football. Aimé Jacquet n’a pas eu à regretter d’avoir signé son premier contrat avec l’ASSE. Il est devenu un titulaire qui n’a rien eu à envier aux joueurs talentueux avec qui il a partagé tous ses titres pendant 13 ans. Il est allé les chercher avec son sens du devoir et du sacrifice qui l’ont rendu légitime dans cette équipe.

Il a connu une grave blessure au début des années 1970 mais il s’est arraché pour retrouver le chemin des terrains 18 mois plus tard, le temps de passer le flambeau à la nouvelle génération en 1973, et de partir avec le sentiment de n’avoir jamais triché.

JEAN-BAPTISTE BORDAS (Né le 8 février 1938, 113 matches, 6 buts de 1957 à 1963 et de 1964 à 1966)

Le milieu de terrain, Jean-Baptiste Bordas, aurait été un titulaire indiscutable dans n’importe quelle équipe française mais à Saint-Etienne, il doit faire face à une concurrence féroce ce qui l’oblige à partager son temps de jeu avec ses camarades. Il ne pouvait pas en être autrement avec des partenaires aussi prestigieux que René Ferrier, Robert Herbin, Ferenc Nyers, Eugène N’Jo Léa, Yvon Goujon, Rachid Mekloufi ou encore René Domingo.

Il a toutefois été titulaire lors du premier match de coupe d’Europe de l’histoire de l’ASSE contre le Glasgow Rangers à Ibrox Park devant 85 000 spectateurs, le 4 septembre 1957 (1-3).

GEORGES BERETA (Né le 11 mai 1946, 344 matches, 68 buts de 1966 à 1974)

Lors de la saison 1966-67, Jean Snella n’est pas content du rendement du flanc gauche de son équipe et il recherche un joueur capable de lui donner satisfaction. Pierre Garonnaire se met en chasse et il en parle à Lucien Troupel, l’entraîneur du Bataillon de Joinville. Celui-ci lui répond que l’ASSE le possède déjà avec le militaire Georges Bereta qu’il a sous ses ordres et qui appartient à Saint-Etienne. Jean Snella n’est pas convaincu mais il lui donne sa chance et il saura la saisir pour devenir indispensable avec son pied gauche, d’une précision redoutable, qui lui permettra de réaliser une grande carrière jusqu’à devenir le capitaine de l’équipe lorsque Robert Herbin est devenu l’entraîneur.

Toutefois, Georges Bereta sera contraint d’accepter son transfert à l’OM, contre son gré, à l’hiver 1974-75, son départ représentant une belle opération financière que ne pouvait pas laisser passer Roger Rocher. Il ne le lui pardonnera jamais.

ATTAQUANTS

ANDRE GUY (Né le 3 mars 1941, 96 matches, 60 buts de 1962 à 1965)

André Guy est le prototype de l’attaquant attiré par le but, qualité qu’il développera à l’AS Saint-Etienne où il arrive de Sochaux en 1962 en échange de Ginès Liron. Il termine 2e buteur du championnat de D1 avec 28 buts lors du 2e titre de champion de France de l’ASSE en 1964, notamment grâce à des caviars distribués par Rachid Mekloufi qu’il admirait.

De telles statistiques lui ouvrent les portes de l’équipe de France et il honore sa première sélection le 4 octobre 1964 contre le Luxembourg (2-0) avec un but à la clé. Il sera appelé 8 fois pour deux buts.

Des blessures ont gâché sa dernière année à l’ASSE et il est transféré à Lille en 1965 pour la somme de 400 000 francs, montant très important pour l’époque.

SALIF KEITA (Né le décembre 1946, 185 matches, 140 buts de 1967 à 1972)

Le malien Salif Keita est le meilleur joueur de l’histoire de l’AS Saint-Etienne. Son arrivée en taxi depuis Paris le 14 septembre 1967 est rocambolesque mais c’est la trace de son talent qui aura marqué à tout jamais le public de Geoffroy-Guichard. L’emblème de l’ASSE, une panthère noire, a été créé en son honneur. De plus, il est le premier Africain à obtenir le ballon d’or France Football le 3 juillet 1971. Pour beaucoup de spécialistes, s’il était né au Brésil, il aurait connu une carrière similaire à celle de Pelé qu’il a rencontré lors d’un match amical entre une équipe composée de Marseillais et de Stéphanois contre Santos le 31 mars 1971 où il lui a volé  et la vedette.

Son départ de l’ASSE pour l’OM en 1972, sur fond de conflit avec Roger Rocher, n’a pas réussi  à ternir sa légende qui est encore intacte à Saint-Etienne aujourd’hui.

As Saint Etienne
Janvier 1968
Salif Keita entrainement avec Albert Batteux entraineur.
Collection Bancet / Icon Sport

ENTRAINEUR

ALBERT BATTEUX (Né le 2 juillet 1919, décédé le 28 février 2003, 226 matches dirigés de 1967 à 1972)

Lorsque Jean Snella a exprimé son désir de quitter définitivement l’AS Saint-Etienne en 1967, le choix pour le remplacer s’est porté tout naturellement sur Albert Batteux, recommandé d’ailleurs par Jean Snella lui-même. Entraîneur brillant du Stade de Reims (deux fois finaliste de la coupe d’Europe des clubs champions contre le Real Madrid en 1956 et 1959), de l’équipe de France qui a réalisé ses premiers exploits avec cette troisième place en coupe du monde en 1958, il a cherché à poursuivre l’œuvre de son prédécesseur. L’intellectuel du football (ses causeries étaient légendaires) a magnifié le parcours de l’ASSE sur le plan national avec 3 titres de champions de France consécutifs de 1968 à 1970 et deux doublés (1968-1970).

Seule l’affaire Carnus-Bosquier en 1971, à cause de l’intransigeance de Roger Rocher, mettra fin à l’hégémonie des Verts. Le traitement du départ de Salif Keita, l’année suivante, par le président de l’ASSE, sera la cassure de trop et il préférera partir pour laisser la place à une nouvelle génération qui va entamer une nouveau cycle.

A suivre la décennie 1970… By Albert Pilia !