Stéphanois de 2006 à 2009, Geoffrey Dernis a vécu de belles années sous le maillot vert. Entre son but exceptionnel face à Marseille, ses souvenirs, son avenir ou encore sa relation compliquée avec les présidents, l'ancien milieu de terrain a accepté de se confier. Entretien.

Geoffrey, tout d'abord, comment te portes-tu ?
Je vais bien. J'ai fini ma formation BEF, avec un diplôme à la clé. Et à côté de cela, je viens de terminer la saison en atteignant l'objectif du maintien avec mon petit club de Pérols, en Régional 3. Tout se passe pour le mieux.

Si tu devais retenir un seul souvenir avec le maillot vert, lequel serait-ce ?
C'est compliqué d'en sortir un. J'ai envie de dire le but face à Marseille, dont tout le monde me parle encore. Après, il y a aussi ce match face à Monaco, quand nous retrouvons la Coupe d'Europe. Cette soirée à domicile, c'est un souvenir exceptionnel. Mais c'est sûr qu'en termes de sensations et d'émotions personnelles, le but de Marseille est loin devant les autres.

Parlons de ce but justement. Que se passe-t-il, au fond de toi, quand tu vois le ballon frapper la transversale et rentrer ?
Déjà, si on se souvient du contexte de l'époque, c'était un moment où j'étais un peu en froid avec Laurent Roussey. J'avais été écarté du groupe pendant quelques matches pour des déclarations qui n'étaient pas vraies. C'était un peu tendu entre nous, surtout que j'avais une vraie affinité avec lui.

Et finalement, je fais mon retour dans le groupe face à Marseille. Je commence sur le banc donc quand Laurent décide de me faire rentrer, je ne voulais qu'une seule chose, c'était tout casser. Et il arrive cette dernière minute du temps additionnel. Au moment où j'ai le ballon dans les pieds, je savais tout de suite que j'allais frapper. Je ne savais pas où elle partirait, mais je ne pensais qu'à la frappe.

J'y ai mis toute la rage que j'avais à ce moment-là. Et quand j'ai vu qu'elle rentrait, je me suis dit dans ma tête : "vous voyez, vous vous êtes trompés." J'étais fier de montrer à tout le monde que j'étais là et que je pouvais aider l'équipe. Je me souviens encore du bruit du stade et de l'euphorie qu'il y a eu derrière, c'était un moment exceptionnel.

Quinze ans après, c'est encore la première chose dont on me parle quand je discute avec un supporter des Verts. Ce but, il fait partie des grands moments de mon aventure à Saint-Étienne.

Il y a également ce doublé face à Caen, en 2008, où tu marques notamment un coup franc extraordinaire des trente mètres.
Oui, c'est un très bon souvenir. Surtout que quand on voit mes statistiques (11 buts en 94 matches), on ne peut pas vraiment dire que je sois un grand buteur (rires). Par contre, c'est vrai que quand je marque, ils sont assez sympas à regarder.

On va dire que je préfère marquer rarement, mais en mettre des beaux. Plus sérieusement, c'était mon premier doublé en Ligue 1, donc c'est forcément un très bon souvenir. Et puis, cette victoire avait surtout été le début de quelque chose, puisque nous avions bien terminé la saison après ce match.

Si l'on fait le bilan de l'ensemble de ton aventure en Vert, qu'en retiens-tu ?
Tellement de choses. Ces trois années ont été merveilleuses. Déjà, il faut savoir que quand je suis arrivé à Sainté, j'avais demandé à ma femme de prendre le stade, les tribunes et tous les tifos en photo. J'étais dans un environnement totalement différent de ce que j'avais connu par le passé. Cette ferveur, c'était tout nouveau pour moi.

Quand tu as la chance de jouer dans un stade comme Geoffroy Guichard, tu as juste à te défoncer pour tes couleurs. Je ne retiens que du positif de ces trois années. J'ai rencontré des gens passionnés, toujours prêts à nous soutenir. Honnêtement, c'est un club que je ne peux pas oublier et que je ne voulais d'ailleurs pas quitter. Si je suis parti, c'est parce que les présidents n'ont pas été honnêtes avec moi.

Tu ne peux pas quitter un club comme Saint-Étienne facilement, c'est impossible. Mais c'est comme cela, c'est mon histoire. Et puis, j'ai également vécu quelque chose d'exceptionnel ensuite à Montpellier (ndlr : le titre de champion de France en 2012).

Tu as bien connu Claude Puel durant tes années au LOSC. Que penses-tu de son expérience stéphanoise ?
J'étais forcément très déçu pour lui et pour le club. J'aurais voulu que les choses se passent autrement. Je pense qu'il avait envie de faire les choses comme il savait le faire, mais que la présidence à deux têtes était trop compliquée à gérer. J'aurais aimé être à l'intérieur du club pour savoir comment les choses se passaient, s'il était vraiment à l'origine de tout ce qui avait été mis en place et s'il avait toutes les cartes en main.

Ce que je sais, c'est que Claude est un gros bosseur et qu'il n'y a pas plus compétiteur que lui. Après, il y aussi le niveau des joueurs. Et je crois qu'à ce moment-là, dans ce contexte où le club était en difficulté financière, la qualité du groupe n'était pas suffisante pour avoir des résultats. Quand je regardais les matches, je n'avais pas la sensation de voir des joueurs qui avaient lâché leur entraîneur, mais tout simplement une équipe qui manquait d'un peu de talent.

Quel est ton avis sur la première saison de Laurent Batlles à la tête de l'équipe ?
Qu'elle s'est mieux terminée que ce qu'elle a commencé. Laurent est arrivé dans une situation compliquée, entre le traumatisme de la descente et un groupe qui a mis beaucoup de temps à se construire. Quand tu arrives dans un tel contexte, c'est toujours délicat de mettre rapidement tes idées en place et de trouver de la stabilité.

Surtout dans la situation de Laurent, qui connaissait déjà la maison et était très attendu après le bon travail qu'il avait fait à Troyes. Ce qui est intéressant, c'est que la deuxième partie de saison est vraiment encourageante pour la suite. Si cette énergie s'installe sur la durée, je pense qu'il y aura de belles choses à faire. On voit d'ailleurs qu'une fois que le groupe a été élargi, une dynamique très positive s'est mise en place. Et au final, malgré ce début de saison raté, tu ne finis pas loin des premières places. Mais je crois que si Laurent et son groupe continuent à avancer de cette manière, il y aura un vrai coup à jouer.

D'ici là, la vente du club te semble-t-elle inéluctable pour repartir de l'avant ?

Aujourd'hui, je n'ai plus besoin de faire de la langue de bois. Je crois sincèrement que tant que les choses ne changeront pas, Saint-Étienne aura du mal à avancer. On pourra me dire que les deux présidents étaient déjà là quand le club était bien placé en Ligue 1 et gagnait la Coupe de la Ligue, mais tout reposait sur le travail de Galtier.

Christophe faisait l'unanimité et était resté sur une longue période. Le problème de cette présidence à deux têtes, c'est que chacun veut mettre ses idées et son entraîneur. Je voyais déjà comment les choses se passaient à l'intérieur quand j'étais au club, je suis persuadé depuis longtemps qu'il faut de la nouveauté. Surtout que quand on voit la popularité et la ferveur de ce club, il y a un truc énorme à faire. Je prie pour que quelqu'un de bien arrive et voit tout ce que Saint-Étienne peut donner.

Un retour à l'ASSE te semble-t-il envisageable ?
Très honnêtement, je ne sais pas. Aujourd'hui, je vis au jour le jour. Depuis que j'ai arrêté le football, j'ai fait plein de petites choses. Il y a eu les médias avec la radio et Amazon, j'ai également eu un bar près de Montpellier.

Quand le club de mon village est venu me chercher il y a quelques mois pour donner un coup de main, je n'avais même pas imaginé devenir entraîneur. Et finalement, le fait de prendre l'équipe m'a donné l'envie de passer les diplômes. Ce que je sais aujourd'hui, c'est que j'ai beaucoup aimé le cursus amateur et que je veux le suivre avant d'évoluer. Il ne faut jamais dire jamais, je verrai bien de quoi sera fait l'avenir. Mais ce qui est certain, c'est que je reviendrai à l'ASSE à la seule condition que les présidents ne soient plus là.

Quel message souhaites-tu adresser aux supporters ?
De continuer à être derrière les Verts. Les dernières années n'ont pas été simples, je comprends qu'ils puissent avoir envie de gronder. Mais ce sont les meilleurs supporters de France et ils doivent le rester. Je n'oublierai jamais cette ferveur et ces ambiances que j'ai eu la chance de connaître. J'en profite d'ailleurs pour embrasser tous les supporters et les remercier pour l'amour qu'ils m'ont donné. Ils me manquent beaucoup.