21 mars 2023
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Rétrospective

📚 LĂ©gende ASSE : Le plus grand match de l'histoire des Verts ?

S’il ne devait rester qu’un seul match dans l’histoire de l’AS Saint-Etienne, ce serait sĂ»rement cet ASSE-Dynamo Kiev. La rencontre de tous les superlatifs, celle qui a fait entrer les Verts dans une autre dimension.

LES VERTS ONT RENDEZ-VOUS AVEC L’HISTOIRE

L’AS Saint-Etienne affronte le Dynamo Kiev en quart de finale retour de la Coupe d’Europe des clubs Champions, l’ancĂȘtre de la Ligue des Champions. Vainqueur de la coupe des coupes en 1975, les russes font figure de favoris de la compĂ©tition. Les Verts ont deux buts Ă  remonter, encaissĂ©s au match aller et qui s’est terminĂ© par une dĂ©faite 2-0.

La dĂ©faite est sĂ©vĂšre mais elle aurait dĂ» ĂȘtre plus lourde sans les interventions hĂ©roĂŻques d’Yvan Curkovic. Il aura maintenu un semblant d’espoir pour le match retour mais comment y croire alors qu’ils ont Ă©tĂ© surclassĂ©s par un vĂ©ritable rouleau compresseur ? Sauf que le rouleau compresseur aurait dĂ» les achever et finalement, les StĂ©phanois, qui n’ont que deux buts de retard Ă  combler, en ont vu d’autres. Tant pis pour les joueurs de Kiev. Geoffroy-Guichard sera leur enfer.

En effet, pour ce match, l’union sacrĂ©e est dĂ©clarĂ©e. Des dissensions avaient vu le jour lors de cette premiĂšre manche notamment entre certains joueurs cadres et il faut toute l’habiletĂ© de Robert Herbin pour empĂȘcher son Ă©quipe de sombrer. Mais aujourd’hui, tout est oubliĂ© ou au moins mis de cĂŽtĂ©. L’exploit est Ă  ce prix.

En ville, on ne parle que de ce match. Dans un premier temps, Ă  dĂ©faut des joueurs, les spectateurs commencent Ă  y croire et cet engouement, perceptible dĂšs que l’un d’eux met le pied dehors, porte toute l’équipe vers son destin.

En championnat, le week-end prĂ©cĂ©dent Ă  Nice, Dominique Rocheteau s’est blessĂ© sur un contact avec un dĂ©fenseur adverse. Son mollet le fait souffrir mais il est dĂ©clarĂ© apte pour la rencontre. Robert Herbin a dĂ©cidĂ© de titulariser Christian Sarramagna, Ă  la place de Patrick Revelli. Il a fait une entrĂ©e satisfaisante contre Nice et son sens du dĂ©bordement pourrait ĂȘtre utile. Lors de la causerie d’avant match, l’entraĂźneur stĂ©phanois n’a pas besoin d’un long discours pour motiver ses troupes. Il insiste seulement sur l’engagement et le pressing pour gĂȘner les Russes et il leur demande de faire attention aux contre-attaques. Le ballon d’Or 1975, Oleg Blokhine est tellement fort. Mais l’entraĂźneur français a un plan. L’attaquant vedette du Dynamo Kiev aura son chien de garde en la personne du dĂ©fenseur GĂ©rard Janvion qui le prendra en marquage individuel.

De son cĂŽtĂ©, le prĂ©sident Roger Rocher a fait distribuer 20 000 porte-voix pour que la pression du public soit encore plus forte. Le chaudron sera plein ce soir avec des spectateurs qui ont carrĂ©ment pris place sur le toit du stade. Impensable aujourd’hui.

UNE PREMIERE HEURE DE JEU STERILE

C’est parti, l’arbitre italien, M. Gonella, libĂšre  les 22 acteurs et d’entrĂ©e de jeu, comme prĂ©vu, les StĂ©phanois se ruent Ă  l’attaque, pressant les Russes le plus haut possible. Ils se jettent sur tous les ballons et disputent Ăąprement tous les duels.

Tout se passe dans la moitiĂ© de terrain des hommes de Lobanovski mais ces derniers font bloc, intelligemment, sans laisser d’espace et inlassablement, ils Ă©cartent tout danger. HervĂ© Revelli y va bien de son coup de tĂȘte. GĂ©rard Farison et Jean-Michel LarquĂ© dĂ©cochent des frappes lourdes qui font passer des frissons dans le dos du public.

Mais au bout du compte, le Dynamo Kiev ne s’affole pas et mĂȘme finit mieux la mi-temps. Il obtient deux belles occasions dĂ©tournĂ©es par Curkovic et Janvion qui aurait d’ailleurs dĂ» ĂȘtre rĂ©primandĂ© par l’arbitre suite Ă  une faute grossiĂšre sur Blokhine. Heureusement, il n’en est rien.

0-0 Ă  la mi-temps, tout est encore possible mais il ne reste que 45 minutes Ă  jouer.

Robert Herbin y croit toujours. Il leur demande d’attaquer encore. Cela va bien finir par rentrer. Il change cependant son fusil d’épaule. Il remplace Christian Sarramagna par Patrick Revelli. Le dĂ©fenseur Trochkine l’a quelque peu asticotĂ©. Certaines versions affirment qu’il a eu une entorse de la cheville.

D’autres, moins glorieuses, rĂ©vĂšlent qu’il ne supporte pas ce genre de traitement, qu’il lui fait perdre tous ses moyens. Une anecdote raconte par exemple qu’il a Ă©tĂ© mangĂ© psychologiquement par Raymond Domenech, le maĂźtre en la matiĂšre, lors des derbies. Et c’est vrai que pendant les 45 premiĂšres minutes, il a Ă©tĂ© particuliĂšrement transparent.

Mais dans ce début de seconde période, le Dynamo Kiev est sûr de sa force et il repousse facilement les assauts des Verts beaucoup moins tranchants. 60 minutes sont passées et on sent malgré ce public qui pousse encore et encore que les Russes sont prÚs du but.

TOUT SEMBLAIT PERDU


Arrive cette fabuleuse 63e minute. A la suite d’un corner stĂ©phanois, Blokhine rĂ©cupĂšre le ballon cĂŽtĂ© droit et s’échappe dans une contre-attaque fulgurante. Il est capable de courir les 100 mĂštres en 10’’7 et il s’entraĂźne mĂȘme en Ukraine avec le champion olympique 1972 du 100 et du 200 m, Valery Borzov.

Il prend de vitesse  Janvion qui a tentĂ© de le retenir par le maillot. Il passe le dernier dĂ©fenseur, Christian Lopez et il file vers le but, un deuxiĂšme attaquant, Onitschenko, Ă  sa gauche. Mais Curkovic qui arrive Ă  sa rencontre ne fait pas un geste, il ne lui offre aucun angle et il attend de voir ce que va entreprendre le ballon d’Or 1975.

Ce dernier est peut-ĂȘtre dĂ©stabilisĂ©. Dans tous les cas, il hĂ©site suffisamment pour permettre le retour de Lopez qui n’avait pas abdiquĂ©. Et lĂ , au lieu de tirer, de faire la passe Ă  son Ă©quipier, le prodige russe tente un nouveau crochet sur le dĂ©fenseur, revenu Ă  toutes enjambĂ©es, pour s’offrir une meilleure position de tir. Ce dernier ne mord pas dans la feinte, il dĂ©tourne le ballon et l’expĂ©die n’importe oĂč, le plus loin possible Ă©cartant miraculeusement le danger.

Miraculeusement ? Peut-ĂȘtre pas ! Lors de la finale de la Coupe de France 1975 contre Lens, il Ă©tait dĂ©jĂ  intervenu in extremis pour empĂȘcher les Lensois d’ouvrir la marque en se jetant pour tacler parce qu’un StĂ©phanois ne renonce jamais. Il travaille dur Ă  l’image de ce public qui vit dans des conditions difficiles.

Le ballon revient dans les pieds d’Oswaldo Piazza qui n’en demandait pas tant. Il s’élance dans une chevauchĂ©e dont il a le secret et il transmet le cuir Ă  Patrick Revelli. L’ailier stĂ©phanois veut remettre pour son frĂšre mais sa passe en cloche est trop longue. Le dĂ©fenseur russe a le temps de dĂ©gager. Pourquoi laisse-t-il rebondir le ballon qui file jusqu’aux 6 mĂštres ?

C’est plus qu’il n’en faut pour le duo HervĂ© Revelli, Piazza qui fondent comme un bolide sur l’objet tant convoitĂ© et l’aĂźnĂ© des Revelli propulse la balle dans le petit filet opposĂ©. Incroyable ! L’ASSE aurait dĂ» ĂȘtre menĂ©e 1-0 et c’est elle qui fait la moitiĂ© de son retard.

À partir de cet instant, la seconde pĂ©riode change radicalement de physionomie. A la 69e minute, Saint-Etienne obtient un trĂšs bon coup franc. Le gardien russe Rudakov place son mur n’importe comment sur sa droite et il se met derriĂšre laissant tout son cĂŽtĂ© gauche dĂ©garni. Jean-Michel LarquĂ© n’a dĂšs lors pas besoin de brosser son ballon pour marquer le second but.

Le public gronde de bonheur, c’est le dĂ©lire dans le stade et les deux Ă©quipes sont dĂ©sormais Ă  Ă©galitĂ© sur l’ensemble des deux matches. À la 80e minute, LarquĂ© doit cĂ©der sa place. BlessĂ©, victime d’une bĂ©quille, il n’a plus de force. Il est remplacĂ© par Jacques Santini mais le score n’évoluera plus jusqu’à la fin du match. il faut en passer par la prolongation.

LE RESTE APPARTIENT A LA LEGENDE

Trente minutes sont nĂ©cessaires pour dĂ©partager les deux formations. Les joueurs stĂ©phanois sont au bord de la rupture, terrassĂ©s par la fatigue et les crampes. Dominique Rocheteau n’en peut plus et il demande Ă  sortir mais les deux changements rĂ©glementaires ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© effectuĂ©s et Robert Herbin prĂ©fĂšre lui dire que les crampes ne sont qu’une vue de l’esprit et qu’il va rester sur le terrain pour marquer le troisiĂšme but. Si vraiment, il n’en peut plus qu’il reste Ă  l’affĂ»t.

Un ballon va peut-ĂȘtre traĂźner. La premiĂšre mi-temps est difficile et le Dynamo Kiev semble plus frais. Janvion, puis Piazza tombent comme des mouches, victimes de crampes. Comment vont-ils finir ?

Tout est envisageable jusqu’à cette 112e minute inoubliable. Lopez effectue une touche sur le cĂŽtĂ© droit sans s’apercevoir que Piazza est encore couchĂ©, perclus de crampes. Le ballon parvient Ă  Santini qui le donne entre deux dĂ©fenseurs Ă  Patrick Revelli, qui a Ă©tĂ© oubliĂ©.

Il commence son numĂ©ro en dĂ©bordant son dĂ©fenseur venu Ă  sa rencontre. Il semble pousser trop loin la balle qui paraĂźt s’échapper en sortie de but. Dans un dernier coup de reins, il arrive Ă  redresser sa course pour centrer vers Rocheteau qui, libre de tout marquage, deux joueurs russes ayant suivi naĂŻvement HervĂ© Revelli qui avait fait un appel au premier poteau, fusille Rudakov.

OubliĂ© sa douleur au mollet, Rocheteau court et saute comme un cabri, mitraillĂ© par les photographes qui ont le droit de pĂ©nĂ©trer sur la pelouse Ă  chaque but marquĂ©. Le banc s’est levĂ© comme un seul homme, explosant de joie. Tout sauf un : Robert Herbin qui, le visage impassible, pense toujours qu’il reste encore dix minutes Ă  jouer et il se demande comment ses joueurs vont faire pour tenir le rĂ©sultat. Le journaliste Jacques Vendroux, qui a assistĂ© Ă  la scĂšne, impressionnĂ© par cette attitude, l’a surnommĂ© le Sphynx. Un surnom qui lui est restĂ©.

Les SoviĂ©tiques n’ont pas le temps de revenir. D’ailleurs, ils n’y croient plus, assommĂ©s par cette succession d’évĂ©nements contraires. Pour la troisiĂšme fois de son histoire en coupe d’Europe, l’ASSE a encore accompli un miracle et elle obtient le droit de disputer sa deuxiĂšme demi-finale consĂ©cutive.

L’équipe de l’AS Saint-Etienne qui a rĂ©alisĂ© cet exploit :

Curkovic - Janvion, Piazza, Lopez, Farison- Synaeghel, Bathenay, Larqué puis Santini(80e) - Rocheteau, H. Revelli, Sarramagna puis P. Revelli (46e).

Entraßneur : Robert Herbin

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Article rédigé par Albert Pilia

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