« Le football français traverse une période de trouble inquiétante. Vincent Labrune, président de la Ligue de football professionnel, était auditionné ce mercredi après-midi par la Commission Culturel du Sénat (Laurent Lafon), dans le cadre de la mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français.*

 

Vincent Labrune : « Je veux d’abord vous remercier de m’accueillir aujourd’hui et de me permettre ainsi de répondre à vos questions, de vous exposer l’ambition que je porte pour les clubs depuis mon élection, le 10 septembre 2020, et de revenir avec vous sur les conditions et le contexte qui ont abouti à la création de la société commerciale et l’arrivée de notre partenaire, CVC.

J’ai vécu les choses de l’intérieur, l’électrochoc MédiaPro. Acteur et premier témoin de ces grands bouleversements, je veux saisir l’occasion de cette audition pour rétablir un certain nombre de vérités en réponse à certains propos tenus devant vous par certains commentateurs qui s’en sont servis comme d’une tribune pour diffuser des idées fausses et réécrire l’histoire au sujet de la LFP.

Le football est ma passion. J’occupe des fonctions dans le milieu du football depuis près de 20 ans. J’ai été président de l’Olympique de Marseille pendant 9 ans. Successivement président du Conseil de surveillance, puis du Conseil d’administration. Au sein de la LFP, j’ai été administrateur sans interruption à compter de 2011. D’abord en tant que président de l’OM, puis en tant qu’administrateur indépendant. En septembre 2020, j’ai décidé de me porter candidat à la présidence de la Ligue de football professionnel et ai été élu le 10 septembre avec la volonté de réunifier le football professionnel.

Je me suis attaché à tisser et à renforcer un lien de proximité et de confiance avec l’ensemble des présidents de club, notamment ceux qui avaient soutenu la candidature adverse. Et j’ai exercé mon mandat dans un esprit de dialogue avec les clubs afin d’écouter leurs doléances, leurs craintes, leurs espoirs et leurs projets pour l’avenir de notre championnat et de nos clubs.²

La mésaventure Médiapro

Vincent Labrune : « Mon mandat a débuté avec la défaillance de Médiapro, dans un contexte pandémique qui a plongé le football français dans une crise sans précédent, dont nous subissons aujourd’hui encore les conséquences, notamment sur le marché des droits audiovisuels.

La première mesure indispensable et d’urgence était de mettre fin à notre partenariat avec Mediapro qui mettait en danger les clubs dans des conditions permettant de récupérer les droits audiovisuels des clubs dans un délai record et en obtenant un passage au passage un dédommagement inespéré.

La deuxième mesure a été de tirer les enseignements de cette crise profonde que nous traversions, pour nous tourner aujourd’hui vers un nouveau modèle de développement aux côtés d’un partenaire fiable et de long terme, CVC, qui représentait la meilleure solution financière dans l’intérêt du club et qui lui tient ses engagements. L’ambition que j’ai portée et animée pour le compte des clubs au travers de la création d’une société commerciale était ainsi de permettre leur survie à court terme et de créer les conditions d’une réussite à long terme autour d’un modèle favorisant le rayonnement du football français.

Vincent Labrune se félicite de l’arrivée de CVC

Vincent Labrune : « J’ai souhaité que l’apport de CVC puisse bénéficier au football dans son ensemble. Au club de Ligue 1, au club de Ligue 2, mais aussi au football amateur à travers la Fédération française de football. Les clubs ont été informés et ont validé les conditions de la création de la société commerciale, le choix de CVC, les modalités de l’accord et la clé de répartition de cet accord. De là de l’apport financier de 1,5 milliard sur le point d’être versé en totalité, CVC est un partenaire fiable et loyal qui a apporté une valeur ajoutée considérable sur les aspects commerciaux grâce aux nouveaux talents qui nous ont rejoints et grâce à des nouveaux leviers de développement commercial comme l’acquisition de la société Mon Petit Gazon.

Ce partenariat est d’autant plus exceptionnel qu’il a constitué à l’époque l’une des levées de fonds les plus importantes en Europe dans un contexte de crise économique majeure et des déclenchements de la guerre en Ukraine qui avaient eu pour conséquence de restreindre fortement l’accès au financement. Nous avons obtenu un accord exceptionnel, valorisant la société commerciale à plus de 11 milliards d’euros.

Ce partenariat repose sur un modèle gagnant-gagnant et un alignement d’intérêts entre deux actionnaires, plutôt qu’un alourdissement de la dette avec un prêteur, les sommes dues à CVC étant en effet directement corrélées au montant des droits audiovisuels négociés. Il n’était pas concevable, dans ce contexte, de recourir à l’emprunt qui aurait représenté un risque financier mortel pour des clubs déjà exempts.

Vincent Labrune défend son bilan

Vincent Labrune :Le modèle de développement que nous avons voulu promouvoir au travers de la société commerciale porte déjà ses fruits. Au niveau européen, deux clubs, deux des plus importants, Paris Saint-Germain et l’Olympique de Marseille, sont allés jusqu’en demi-finale de leur Coupe d’Europe respective cette saison, ce qui n’arrive pas aussi souvent. Toulouse, Lille à leur niveau, ont également connu des parcours européens très satisfaisants et qui contribuent au rayonnement de notre Ligue. Cette réussite européenne est le pilier de notre modèle car il permet un cercle vertueux pour l’ensemble des clubs français.

La compétitivité européenne permet d’augmenter les revenus UEFA et internationaux et d’obtenir un indice UEFA permettant de bénéficier de la réforme UEFA attribuant désormais plus de place en Ligue des Champions. Au niveau national, je ne peux que me réjouir que sous l’impulsion des réformes que nous avons menées collectivement, Nous avons pu assister à des parcours incroyables de clubs historiques et populaires comme le Racing Club de Lens et le Stade Brestois qui ont respectivement terminé deuxième et troisième des deux dernières éditions du Championnat de France et se sont ainsi qualifiés directement par la Ligue des Champions. »

Un passage à 18 clubs vertueux

Vincent Labrune : « Le passage récent de la Ligue 1 à 18 clubs est également une avancée forte qui a permis de renforcer l’attractivité de notre championnat comme illustre la saison dernière qui, de l’avis de tous, a été animée et incertaine jusqu’à la dernière journée de championnat. Ce que nous avons mis en place, c’est de créer les conditions pour avoir un championnat attractif, avec un engouement populaire autour de notre championnat et la réussite européenne de nos clubs.

C’est ce modèle de développement sportif que nous défendons avec notre partenaire CVC. C’est un partenariat de long terme qui vient de débuter avec CVC. L’investissement financier n’est même pas encore entièrement finalisé, puisque nous allons recevoir d’ici quelques jours, quelques semaines, la dernière tranche de 440 millions d’euros. Le naming, les paris sportifs à l’international, les droits internationaux et, hier soir, ceux du championnat de Ligue 2 pour un montant très satisfaisant. Nous allons poursuivre nos efforts avec engagement et détermination. Même dans les moments les plus difficiles de mon mandat, je ne renonce jamais. Pour cette raison, je suis heureux de répondre à vos questions. »

L’entrée de CVC porte ses fruits

Vincent Labrune : « Le marché français est un marché totalement spécifique par rapport à nos voisins européens où la concurrence peut s’exprimer plus librement. C’est le travail qui est le nôtre. Il y a eu beaucoup de ressentis et une blessure forte entre Canal+, la LFP et le football français depuis l’épisode Médiapro. Au-delà de la déception d’avoir perdu l’appel d’offres, il y a eu un sentiment de trahison, puisqu’ils ont découvert Médiapro a posteriori.

Donc effectivement, Canal+ a fait savoir, dans le cas présent, depuis quelques temps déjà, qu’ils ne seraient pas candidats à notre appel d’offres. Du coup, on travaille. On a travaillé depuis septembre 2022, un an avant le lancement de l’appel d’offres, à consulter, à démarcher, à essayer de trouver des solutions alternatives.
Pour l’instant, je prends ma part de responsabilité. Je crois qu’on fait notre maximum. C’est compliqué, mais il y a un chemin. Il y a un chemin qui sera sans doute moins bénéfique pour les clubs si on n’arrive pas à trouver un arrangement avec Canal+.
Il y a un chemin qui est celui de faire d’une contrainte théorique une opportunité en prenant notre destin entre nos mains et en essayant de créer notre propre média. Encore une fois, je ne veux pas accabler Canal+. »

La relation Vincent Labrune – Canal +

Vincent Labrune : « Le rôle du Président de la Ligue est de renouer le dialogue avec Canal + qui est notre partenaire historique dans le foot français. C’était une de mes priorités absolues. C’était ma priorité même.
Mais quand on a reçu ces offres un vendredi matin, celles d’Amazon, d’une part, donc, et celles de Canal, d’autre part, on était un groupe de travail.
Quand il s’est agi d’exposer les deux propositions à l’Assemblée qui était la nôtre, j’ai commencé par mettre en perspective la proposition du groupe Canal+, qui bien qu’inférieure dans les montants garantis, avait l’avantage peut-être de nous réconcilier avec eux et d’assurer une meilleure exposition aux produits.

Très vite, j’ai été là aussi rattrapé par un principe de réalité qui était la panique des présidents de club. Ils ont tout de suite priorisé le montant garanti par Amazon et l’opportunité qu’était d’attirer un acteur tel qu’Amazon sur le marché français. On a réussi un exploit de faire venir un acteur de la trempe d’Amazon en Europe pour la première fois. »

Aucune relation commerciale avec CVC

Vincent Labrune : « J’ai jamais eu aucune relation commerciale dans le passé et jusqu’à aujourd’hui avec le Fonds CVC. [… ] CVC a parier sur le championnat de France. Ils ont posé plus du double de la valeur de al Liugue 1. Contrairement à ce qu’ils ont fait dans d’autres championnats. Nous avons fait le pari de créer un cercle vertueux en intégrant CVC. Les résultats sont très satisfaisants. On a trop tendance à banaliser le montant verser par CVC. 1.5 milliard d’euros ce n’est pas neutre ! Les clubs étaient informé en temps réel. Ils ont tous bien réussi dans la vie. C’est tous sauf des idiots. Ils ont bien compris le projet. Ils avaient tous les éléments à leur disposition. L’ensemble des points ont été voté en très grande majorité par les clubs.

 

Vincent Labrune sur sa rémunération

Vincent Labrune : « Une rémunération passé de 400.000€ sur 24 mois à 1.2 millions + des bonus variables à 1.5 M€ ? « Les présidents ont voulu me récompenser de la somme récupérer par CVC. Je ne suis pas encore parti mais on se remettra autour de la table. Les clubs sont souverains. Ces dispositions se présentent uniquement en cas de départ. Je suis impliqué dans ce projet de long terme. Je souhaite le poursuivre le plus longtemps possible. Ce sujet n’existe pas dans mon esprit. Si ça se présente on fera en sorte de revoir cette clause en cas de départ. J’ai des défauts mais je suis d’une grande honneteté intellectuel. Perdre aux prochaines éléectrion ? On verra à ce moment là monsieur le rapporteur. Je m’engage à revoir cette disposition. »

Vincent Labrune, président de la LFP, s’exprime sur sa rémunération 💬 pic.twitter.com/jkM0f8srUC