Nous profitons de la trêve internationale pour vous proposer une série d'interviews. Ce soir, place à Jessy Moulin avec qui nous avons longuement échangé sur nombre de sujets : Troyes, la situation à Sainté, Batlles, Green... Voici la première partie de cet échange.
Salut Jessy ! Comment ça va et comment se passe ton aventure troyenne ?
Ça va… Il y a eu une période difficile d’adaptation, le fait de quitter la famille. Il y aussi eu le changement de coach, quand Laurent (Batlles) est parti. Donc voilà mais sinon dans l’ensemble ça se passe bien, j’étais super heureux de ma fin de saison, d’avoir pu jouer, m’exprimer, d’avoir aidé le club à se maintenir.
Après cette saison c’est un peu plus mitigé, ils ont recruté un gardien (Mateusz Lis), ils m’ont passé 3ème donc voilà c’est un peu plus compliqué mais voilà c’est le football.
Malgré tout, prends-tu toujours autant de plaisir à encadrer le groupe, à être un cadre du vestiaire ?
Ça n’est pas lassant du tout, je vis avec mon temps, je vieillis aussi. J’essaye d’avoir toujours la même énergie au quotidien pour aider le groupe sur le terrain la semaine. Après à Troyes on a un groupe qui est assez jeune aussi, donc j’essaye d’être proche de tous les joueurs. Mais après c’est aussi naturel, c’est un groupe qui vit bien. L’entente, les conseils, les discussions se font naturellement.
Donc une saison un peu compliquée notamment due au fait que tu sois passé 3ème gardien, on sait que tu es en fin de contrat en juin. Comment envisages-tu la suite ?
Je ne sais pas trop pour le moment. Ce début de saison a été difficile à vivre pour moi. Le fait d’être passé 3ème et d’être loin de ma famille, fait que c’est assez dur. Moi j’essaye de me tenir prêt, déjà pour moi, être prêt physiquement, prendre du plaisir sur le terrain. Et si quelque chose de bien se présente à moi, voilà c’est sûr que je regarderais. Mais je n’en fais pas une fixation. S’il n’y a rien, il n’y a rien et on verra.
Voilà moi je vais avoir 37 ans, physiquement je suis super bien, je suis à mon poids de forme, j’ai des jambes, j’ai la tête. Ça ne me fait pas du tout peur de relever un défi. Après on connait le football, les aprioris sur les joueurs qui ont passé 30/35 ans, donc je ne me prends pas trop la tête avec ça.
Tout à l’heure tu parlais de ta fin de saison dernière, où tu as joué 9 matchs et contribué à maintenir l’ESTAC en L1. On se souvient notamment de ton gros match au Parc des Princes (match nul 2-2) et ta discussion avec Neymar avant un penalty. Quand on pense à Paris, automatiquement on repense aussi à ton gros match en finale de la Coupe de France en 2020. Et si Paris n’était pas une équipe porte-bonheur pour toi ?
Ouais c’est vrai que j’ai aussi fait un match de Coupe de la Ligue là-bas il y a quelques années (16 décembre 2015) où on perd 1-0 sur un but de Cavani dans les 10 dernières minutes. J’en parlais encore avec Jonathan Brison cette semaine on s’est appelé. Il y avait beaucoup beaucoup de jeunes dans l’équipe, on avait tous fait un super match. C’est vrai que là-bas il y a une atmosphère que j’adore pour aller jouer. C’est des matchs fantastiques. C’est une chance incroyable de pouvoir jouer ces matchs contre ces joueurs-là et aussi de faire des arrêts face à ces joueurs-là, ça vaut tout l’or du monde.
Il est vrai que l’un de mes derniers matchs avec Troyes la saison dernière était au Parc. On a tous fait un super match, j’en garde un super souvenir. Y compris de mon échange avec Neymar, qui était naturel. Parce que les gens en ont un peu fait du buzz, mais sur le coup c’était juste deux joueurs qui discutent parce que c’était long entre la blessure du joueur (Mbappé) et la VAR. Donc on a échangé de 2/3 mots.
Mais voilà c’est des super souvenirs, et jouer à Paris ça reste quelque chose d’incroyable.
Est-ce que tu continues à suivre Sainté, les matchs, la tournure que prend la saison ?
Évidemment je ne vais pas cacher que je regarde la situation du club, je regarde les matchs. Évidemment c’est un club qui m’a marqué, j’y ai passé 22 ans. Je regarde, et ça me fait de la peine de voir le club dans cette situation.
On se souvient lors du dernier match de la saison de Troyes, où tu avais joué, que tu avais demandé au journaliste à la fin du match le résultat de Sainté pour savoir s’ils allaient en barrage ou pas.
On était à Lorient nous. La première chose à laquelle j’ai pensé au coup de sifflet final, voire même pendant le match où parfois j’avais des pensées et je me demandais ce que faisait Sainté parce que ça me faisait de la peine. Car à Troyes à ce moment-là, le maintien était acquis. Et je n’étais pas le seul dans le vestiaire à être préoccupé par la descente de Saint-Étienne, même des joueurs qui n’y ont jamais joué ont été interpellés. Le club de Sainté représente beaucoup de choses dans le championnat de France et en général.
Après la relégation de Sainté, un nouveau coach est arrivé à Saint-Étienne, Laurent Batlles que tu connais très bien. Tu as expliqué être venu à Troyes à l’époque en partie grâce à lui, mais tu le connaissais aussi de Sainté où tu as joué avec lui, et tu as partagé une chambre à L’Etrat avec lui. Quel regard tu portes sur sa carrière d’entraineur jusqu’à maintenant et que penses-tu de sa situation à Sainté ?
C’est difficile pour moi d’en parler parce que je connais énormément de monde dans le club à Sainté. Je ne connais pas tous les tenants et aboutissants de ce début de saison. Et puis ça n’est pas Laurent non plus qui gère le club. Lui essaye de faire du mieux qu’il peut c’est sûr. Je connais sa façon de travailler, c’est quelqu’un de très professionnel, qui ne lâche pas, qui est très pédagogue. Il sait et essaye de faire passer des messages avec passion, son envie de bien jouer et d’avoir des résultats. J’espère pour lui, pour l’homme qu’il est, que ça sera l’homme de la situation.
Je vais te parler d’un gardien que tu connais très bien. C’est Etienne Green qui a éclot pendant ta blessure à la fin de la saison 2020/2021. Il avait bénéficié d’un concours de circonstances car Bajic était aussi indisponible. Que penses-tu de ce jeune gardien qui traverse des périodes difficiles depuis la saison dernière ? De l’homme qu’il est ?
C’est quelqu’un de très gentil Étienne, de très humble, qui est assez réservé. En tant que gardien il a su saisir sa chance, et à enchainer les titularisations. Il a fait les matchs qu’il fallait, il a sorti un penalty, il a fait des matchs probants et il a su saisir ça. Après on sait que dans le football, le plus dur c’est de confirmer. Il arrive dans une période où le club n’est pas au mieux. Donc c’est sûr que c’est dur, c’est compliqué.
Après à un moment donné, quand on prend un certain nombre de frappes dans un match, un gardien ne peut pas tout sortir non plus, au bout d’un moment on prend des buts, on n’est pas des robots. Peut-être qu’il a souffert de ça aussi. Après il a commis des erreurs sur ses cartons, qui ont fait que sa confiance a surement diminué. Et à ce poste-là, la confiance est tellement importante.
Moi je lui souhaite qu’une chose : que la confiance revienne à grands pas et qu’il remontre à tout le monde toutes les qualités qu’il a : un gardien dynamique, qui a une certaine prestance dans sa cage, qui est capable de faire des super choses, et de super arrêts. Il est très jeune, malgré tout il n’était peut-être pas préparé à ça aussi.
Peut-être d’ailleurs que cette longue trêve va lui permettre de se relever et les matchs amicaux de lui redonner un peu de confiance.
Bien sûr ! Il n’y a rien qui est joué. Je repense à un gardien comme Gaëtan Poussin à Bordeaux. Il a vécu une saison très très dure l’année dernière, on se souvient qu’il a fait une ou deux grosses erreurs. Et cette année c’est l’un des meilleurs gardiens de L2 cette saison, il fait une super saison. Ça n’est pas parce qu’à un moment donné on est dans le trou, qu’on ne peut pas en sortir. Au contraire, c’est là où on voit la force de caractère des gens."
Partie 2 prochainement ! Merci encore à Jessy Moulin pour cet entretien et à l'ESTAC.