28 avril 2024
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Thimotée Kolodziejczak : "Vingt arbitres vont juger la même action, et ils vont te dire des choses différentes !"

Timothée Kolodziejczak revient sur les premiers mois de compétition marqués par l'introduction du VAR en Ligue 1. Un témoignage très intéressant qui illustre à merveille ce que la vidéo a pu changer dans l'approche tactique et technique d'une rencontre pour le staff et les joueurs.

Par rapport à des faits de jeu, c’est plus embêtant. Quand on fait une faute que l’arbitre ne voit pas, l’assistance vidéo peut nous “couper la tête”. Lors de l’avant-saison, on nous avait expliqué comment cela allait se passer mais, une fois dans le match, tu n’y penses plus jusqu’à ce que l’arbitre fasse appel au VAR, et tu te dis “putain… ” Par exemple, notre but contre Amiens(0-0, le 2 septembre) qui a été refusé. Je savais que j’avais fait une petite poussette, et quand l’arbitre a demandé l’assistance vidéo, je me suis dit : “ Il ne va pas le valider ”. C’est un outil nécessaire mais pas toujours utilisé à bon escient. Même les arbitres ne savent pas, notamment sur les mains. Ça va à dix mille à l’heure, on défend les mains comme ça (il les écarte), et si une frappe arrive à deux mètres de toi, elle va atterrir sur ta main, tu n’as pas le temps de l’enlever. Quand tu tacles et que le centre vient sur ta main, comment tu fais ? Je ne vais pas défendre les mains dans le dos ! Je n’ai pas cette habitude. Franchement, c’est emmerdant. Je ne le fais pas car j’ai besoin de mes bras pour mon équilibre et me retourner, et on ne m’a jamais demandé de défendre comme ça depuis ma formation. Mais c’est une histoire sans fin, qui dépend de l’interprétation des arbitres. Vingt arbitres vont juger la même action, et ils vont te dire des choses différentes.

J’essaie de ne pas y penser sinon je ne joue plus naturellement. Je joue comme s’il n’y avait pas le VAR, sauf sur les coups de pied arrêtés : avant, on prenait plus de risques, sur les tirages de maillot.

Aujourd’hui, on fait plus attention, c’est plus compliqué de faire de petites fautes. Mais grâce au VAR, on voit également des petites fautes d’attaquant, des contrôles de la main ou sur les hors-jeu… Et cela simule beaucoup moins aussi.

Tu gardes les réflexes d’avant et tu te fais “couiller ” par le VAR

Avec le staff, on en parle, sur la façon de se positionner par rapport à l’attaquant, on nous demande d’essayer d’anticiper un peu plus… On fait en sorte que le contact ait lieu avant la surface. Le coach (Jean-Louis)Gasset me le dit souvent : “Avance sur l’attaquant et va au contact avant qu’il n’entre dans la surface”. Mais le foot reste un sport de contact. Parfois, on a l’impression qu’on n’a plus le droit d’aller au charbon. Sur le moment, cela va vite, tu gardes les réflexes d’avant et tu te fais “couiller ” par le VAR. Il faut être plus malin, avoir moins de vice. Je pousse moins, j’essaie en tout cas. (Sourires.) Et les arbitres nous disent : “Attention, les gars, il y a la vidéo, ne mettez pas les mains ni les bras”. Et je les ai déjà entendus dire aux gars qui gèrent l’assistance vidéo : “Attention au numéro 5, surveillez-le”. Quand tu entends ça, tu sais qu’au moindre petit truc, c’est pour ta poire. Mais tu es obligé d’être proche de ton mec, de le pousser, et certains arbitres ne sifflent pas toujours car ils savent la particularité de ce sport. Mais inconsciemment tu fais plus attention.

Dans les duels, je me régale toujours. À l’avenir, cela va peut-être devenir plus simple pour un défenseur, avec une vision de jeu qui est plus dans l’anticipation, que pour un autre plus dans le corps-à-corps. Il faut qu’on reste nous-mêmes, qu’on ne commence pas à penser au risque de prendre un carton à cause du VAR, sinon on ne joue plus. Le ralenti est trompeur aussi, cela peut parfois être plus spectaculaire qu’à vitesse réelle. L’arbitre doit bien regarder les deux vitesses car ce n’est vraiment pas la même chose.

Tout le monde pensait que la vidéo allait révolutionner le football

On se pose plus de questions. Quand sur un fait de jeu que tout le monde voit, il ne va pas demander le VAR par exemple. J’ai l’impression qu’ils ont peur que là-haut (dans le car vidéo), on leur dise : “Tu as fait une erreur.” Ils restent sur leur décision coûte que coûte. Dans ce cas, le VAR ne sert à rien. Ce n’est pas forcément parce qu’ils se sont trompés mais parce qu’ils n’ont pas vu, en raison de leur positionnement. Et puis cela va tellement vite ! Même nous, on estime qu’il y a penalty et, avec le recul, on se rend compte que non. Ils font des erreurs comme nous sur le terrain, c’est humain.

On a besoin de l’arbitre, quand il y a des embrouilles, des échauffourées. On a des arbitres très durs, froids, et je peux les comprendre avec le recul. On leur crie dessus à la moindre faute, on râle, on leur met la pression, moi le premier ! Ils ont une carapace, et c’est compréhensible. Tout le monde pensait que la vidéo allait révolutionner le football, qu’il n’y aurait plus d’erreurs et, au contraire, il y a plus de débats ! Pour vraiment juger la vidéo, il faut lui laisser plus de temps pour qu’elle se bonifie, que les arbitres apprennent à mieux la gérer, à l’apprivoiser. Pour le hors-jeu, les petites fautes dans la surface, c’est top, mais le foot reste un sport spontané, et les arbitres sont assez compétents pour gérer seuls, quitte à ce qu’ils fassent des erreurs. C’est une année de transition pour le football, mais le VAR doit être amélioré.

Timothée Kolodziejczak - Source : L'Equipe
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