Le VAR constitue-t-il un progrès dans le football moderne ? Selon les expériences des uns et des autres, les avis divergent. A St-Etienne, on se pose forcément quelques questions. Depuis le début de saison, les Verts ont laissé échapper 7 points à cause d'erreurs d'arbitrage à imputer au VAR ou à l'arbitre central. Le fonctionnement du VAR doit évoluer sous peine d'être davantage critiqué que ne pouvait l'être l'erreur humaine par le passé...
7 points... Pour ceux qui ont vécu l'affaire des faux passeports sous l'ère Bompard-Soler, c'est le nombre de points qui avaient été retirés à l'ASSE pour la sanctionner d'avoir fait valoir de faux passeports afin de considérer Alex, Aloisio et Maxym Levytsky comme joueur intra-communautaires en 2000/01. Cette saison-là, les Verts étaient relégués en D2...
Pour ceux qui suivent cette saison 2018/19 avec attention, c'est également le nombre de points que l'ASSE peut imputer à des erreurs manifestes d'utilisation du VAR depuis le début de saison ! Cela paraît plus léger, moins grave, plus acceptable, et pourtant c'est à ce jour tout aussi préjudiciable pour le club d'un point de vue sportif et comptable.
Laurent Hess compile d'ailleurs sur But Football Club l'ensemble de ces erreurs d'utilisation du VAR et aboutit également à ce total de 7 points. Amiens, Bordeaux, Nice... la liste est déjà trop longue, surtout pour une technologie dont on nous annonçait qu'elle allait régler presque tous les problèmes ! Résultat, les Verts n'ont certainement jamais autant perdu de points en une demi-saison que cette année !
Sans revenir en détail sur toutes ces erreurs comme nous l'avons fait après Bordeaux-ASSE, il est toutefois nécessaire de comprendre les circonstances et le mécanisme qui motivent la décision des arbitres de faire appel ou non au VAR.
Un protocole très cadré
Le site de la LFP l'explique dans son protocole d'utilisation du VAR, il existe plusieurs contrôles en cours de rencontre :
Le contrôle silencieux :
L’Arbitre assistant vidéo contrôle silencieusement, et en permanence, toutes les situations de jeu prévues par le protocole IFAB.
Le contrôle oreillette :
L’assistant vidéo communique avec l’arbitre en cas de contrôle d’une des 4 situations entrant dans le cadre du protocole nécessitant de retarder la reprise du jeu. A ce moment, l’arbitre met son doigt sur l’oreillette signifiant ainsi qu’il est en communication avec l’assistant vidéo.
Le visionnage :
A ce moment, l’assistant vidéo effectue une étude plus complète de la situation. La décision initiale peut être potentiellement modifiée.
Entre le VAR et l'arbitre central il existe une hiérarchie invisible
Au regard de ce protocole, revenons sur l'utilisation (ou la non-utilisation) qui a été faite du VAR lors de chacune des rencontres ayant débouché sur des erreurs d'arbitrage :
ASSE-Amiens (0-0, J4)
Penalty oublié pour une faute sur Robert Beric.
Ce que le VAR aurait dû faire : contrôle silencieux puis contrôle oreillette pour "une situation de penalty ou non". Enfin, visionnage et décision de l'arbitre.
Ce jour-là, M. Léonard, arbitre réintégré en L1 depuis 2017, officie comme arbitre central. Dans le car, le VAR principal est M. Schneider, arbitre possédant une solide expérience en L1. Vous nous voyez venir ? Comment imaginer, si le VAR ne bouge pas dans son car, que M. Léonard insiste pour demander un contrôle oreillette puis le visionnage de l'action ? En d'autres termes, il est indispensable de prendre en compte le statut des arbitres qui communiquent.
M. Schneider a clairement l'ascendant sur M. Léonard, et si ce dernier ne bouge pas ou indique qu'il n'y a pas penalty, ce n'est certainement pas M. Léonard qui va insister pour visionner les images. Car oui, le milieu des arbitres constitue un 41ème club dans le monde du football professionnel ! On y est titulaire, remplaçant, VAR, 4ème arbitre, on monte, on est relégué, et force est de constater que les règles sont particulièrement opaques... Nous citerons un ancien arbitre international, dont nous ne dévoilerons pas l'identité, qui nous avait confié il y a quelques années que le petit monde des arbitres constituait "une sphère dans laquelle règne le cooptage et les petits coups bas..."
Mieux vaut donc ne pas irriter l'ancien quand on est le "petit jeune" qui doit refaire ses preuves en L1...
Nous pourrions tirer les mêmes conclusions pour le Nice-ASSE (1-1, J18) de dimanche dernier.
Penalty imaginaire sifflé pour Nice.
Ce que le VAR aurait dû faire : contrôle silencieux puis contrôle oreillette pour "une situation de penalty ou non". Enfin, visionnage et décision de l'arbitre.
M. Léonard, toujours lui, doit compter sur M. Thual pour lui souffler dans l'oreillette... M. Thual, c'est 17 ans de L1 derrière lui. Là encore, s'il indique dans l'oreillette qu'il y a penalty, comment insister pour obtenir le visionnage ? Impossible. M. Leonard suit donc les indications de M. Thual qui prend donc la décision finale.
Qui décide réellement au final ?
Cela pose la question de qui décide réellement, de qui tranche au final ? Car si le VAR peut et doit interpeller l'arbitre dans le cadre des quatre situations prévues dans le protocole, il est évident que s'il ne le fait pas ou s'il valide une décision de l'arbitre central à tort, il prend à son tour le contrôle des événements.
C'est le cas des deux premiers exemples cités, mais également lors de Bordeaux-ASSE (3-2, J17)
Penalty sifflé pour Bordeaux sur une main non délibérée de William Saliba
Ce que le VAR aurait dû faire : contrôle silencieux puis contrôle oreillette pour "une situation de penalty ou non". Enfin, visionnage et décision de l'arbitre.
Faute de Pablo sur Wahbi Khazri en tant que dernier défenseur non sifflée par M. Turpin.
Ce que le VAR aurait dû faire : contrôle silencieux puis contrôle oreillette pour "une situation de carton rouge direct". Enfin, visionnage et décision de l'arbitre.
En ne poussant pas M. Turpin à aller contrôler l'effectivité du penalty ou la situation de faute ou non de Pablo, le VAR a clairement pris le contrôle de l'arbitrage et s'est substitué à l'arbitre central à tort. Car dans ces situations comme dans les précédentes, il n'a aucune légitimité à arbitrer à la place de l'arbitre central. Dans ce cas, c'est M. Abed qui induit en erreur son collègue de champs.
Ces situations mettent en difficulté l'ASSE. L'honnêteté nous pousse tout de même à admettre que rien ne nous permet de prétendre que le penalty contre Amiens aurait été marqué, que Nice n'aurait pas fini par égaliser ou que l'ASSE l'aurait finalement emporté à Bordeaux. Cependant, s'il n'y avait pas eu ces faits de match, la rancoeur n'aurait pas été présente dans l'esprit des stéphanois.
Une commission permettant de sanctionner les erreurs du VAR ?
Psychologiquement, la présence du VAR exacerbe le sentiment d'injustice. Auparavant, on pouvait se réfugier derrière l'erreur humaine. Aujourd'hui, l'erreur est toujours humaine, mais elle n'est plus excusable. On ne comprend pas que ce que voient 99% des téléspectateurs ne soit pas détecté par des hommes enfermés loin du tumulte des tribunes dans un car bardé de technologie. "Qu'est ce qu'ils branlent les Mickeys dans le car ?" s'interrogeait Pierre Ménès il y a peu au cours d'un CFC. Et bien on se demande. Car si l'erreur reste toujours humaine pour l'arbitre central, elle ne l'est plus pour le VAR. Dans ce cas, pourquoi n'existe-t-il pas de commission qui pourrait sanctionner les arbitres se montrant coupables de telles erreurs ?
Il est évident qu'une fois le match terminé, personne ne va redonner un penalty à tirer ou bien ôter un but à une équipe. En revanche, le fait qu'un arbitre soit sanctionné en cas de faute manifeste d'appréciation et que ces sanctions soient communiquées par voie de presse comme c'est le cas pour les autres acteurs du football, pourrait montrer la volonté de la LFP à ce que les arbitres mettent un point d'honneur à rendre une copie propre. Aujourd'hui, seule l'évaluation sanctionne les homme en noir. Est-ce suffisant ? Peut-on faire confiance à ce système ? Doit-on faire confiance au corps arbitral, à son organisation, à sa façon de promouvoir les arbitres professionnels, à sa capacité à gérer sa toute récente starification ?
Les questions restent posées, mais quoiqu'il en soit, si ces erreurs perdurent, elles vont inévitablement provoquer une réaction du côté des clubs professionnels qui ne vont pas comprendre que la LFP continue de donner son blanc-seing (et de beaux salaires !) à des arbitres cumulant des erreurs aussi lourdes sportivement que financièrement. Et que l'on ne nous parle pas des erreurs qui s'équilibrent au cours d'une saison puisque le VAR a justement été mis en place pour que cet adage devienne désuet...