Ce match était coché dans tous les agendas des suiveurs de ce championnat imprévisible de la Ligue 2. Dépeint comme un véritable choc entre deux prétendants à la montée en Ligue 1, le combat féroce n'a finalement pas eu lieu. Pire, c'est tout l'inverse qui s'est produit. Une leçon à tous les étages. Et cette défaite pourrait laisser des traces.
Le contexte
Ce samedi soir, dans un stade de l'Abbé Deschamps à guichets fermés et prêt à bouillonner, ce sont deux bêtes blessées qui se sont présentées l'une face à l'autre. D'un côté Auxerre, meilleure attaque du championnat mais qui restait sur 3 matchs sans victoire (1 nul, 2 défaites) avec un manque criant d'efficacité offensive. De l'autre, l'AS Saint-Étienne, qui après avoir enchainé 10 matchs sans défaite, s'est inclinée sans orgueil ni panache face au Paris FC la semaine passée, gâchant les 90 ans de l'ASSE organisé sous les yeux avisés d'une centaine d'anciens joueurs, dont certains visages des plus mythiques.
Ce contexte brûlant, alors que l'ASSE était 3ème avant la rencontre et Auxerre 4ème, avait permis de susciter un engouement fou autour du match. L'ensemble des 800 places réservées aux supporters stéphanois dans le parcage avait été réservé par les groupes de supporters. Aucune billetterie n'avait été mise en place par le club stéphanois par conséquent. Du côté des auxerrois, c'était la même chose. Dès lundi dernier, soit 5 jours avant la rencontre le club de l'Yonne annonçait un guichet fermé.
Tout au long de la semaine, les deux clubs (AJA et ASSE) ont voulu faire monter la pression autour de la rencontre. Le capitaine stéphanois évoquait en conférence de presse : « Auxerre reste sur deux défaites d'affilée mais pour moi c’est une des plus grosses équipes de ce championnat avec un effectif très conséquent et de très bons joueurs expérimentés. Ça va être un beau match, pas un match décisif pour la suite, loin de là, mais en tout cas un très beau match, à nous de répondre présent. »
Laurent Batlles, lui n'hésitait pas à se montrer confiant sans pour autant oublier le statut et le début de saison de l'adversaire du week-end : « Auxerre c’est l’une des meilleures attaques du championnat, la meilleure possession. Beaucoup d’intensité, notamment en 1ère mi-temps. C’est pour ça que nous avons travaillé là-dessus cette semaine. C’est une belle équipe, ils ont des joueurs très performants. En plus ça va être un match à guichets fermés donc ça va être un match intéressant et il faudra être prêt dans l’intensité parce que je pense qu’ils vont nous imposer quelque chose. À nous d’être performant défensivement et de jouer avec nos qualités offensives pour leur faire mal aussi. »
Le cadre était fixé et à même d'alimenter l'engouement autour de la rencontre. Les chiffres sont venus confirmés tout cela. Au final, ce sont 16.806 supporters de l'AJA et de l'ASSE qui ont assisté à ce match spectaculaire à défaut d'être haletant, relevé et avec du suspense.
Des Verts cueillis à froid et débordés
Bien que les Verts aient promis avoir bien travaillé la semaine à l'entraînement et venir à Auxerre avec humilité, dans les faits, sur le terrain, aucun effet n'a été perceptible bien au contraire. Toutes les certitudes qui animaient l'AS Saint-Étienne ont volé en éclats. Les Verts qui n'avaient encaissé que 7 buts en 13 matchs, se font transpercer dès la 3ème minute d'une tête d'ado d'Onaiwu sur un très beau centre travaillé de Gaëtan Perrin. En 3 minutes donc, les stéphanois ont semblé déjà dépassé dans tous les compartiments du jeu. Les prémices et premiers indices annonciateurs d'une soirée galère pour la bande de Laurent Batlles.
Durant cette rencontre, la défense stéphanoise a tout simplement organisé une journée portes ouvertes. Au programme, visite guidée des lieux, de la surface de réparation aux filets d'Étienne Green en passant par les couloirs, buts à gogos parfois délivrés sur des plateaux, numéros de somnambules. Les auxerrois qui étaient en manque de réussite offensive n'en demandaient tout de même pas tant, et ils ne se sont pas fait prier pour convertir chaque frappe (ou presque) en but : 7 tirs cadrés, 5 buts pour l'AJA.
Et le pire, c'est qu'il est difficile de blâmer un joueur en particulier tant la défense stéphanoise a été dépassée de A à Z. Comme souvent, Léo Pétrot est celui qui s'en est peut-être néanmoins le mieux sorti sur son côté gauche, alors qu'il avait sacré prétendant en face de lui (Gauthier Hein, 3ème meilleur buteur et 2ème meilleur passeur de L2 avant le match).
Ce qui dénote depuis 2 matchs, c'est la fébrilité retrouvée de l'ASSE qui rappelle le début de saison dernier. Le dénominateur commun entre ces deux périodes ? L'absence de Dylan Batubinsika au sein de la défense centrale. La blessure du défenseur international congolais fait très mal à l'arrière-garde stéphanoise. Son absence s'est fait ressentir notamment dans le manque d'impact dans les duels, l'absence au marquage. La défense stéphanoise avait hier soir, toujours un train de retard.
Un bloc équipe totalement disloqué
Laurent Batlles résumait assez bien le naufrage défensif à l'issue de la rencontre : "J'avais surtout demandé de bien défendre dans les couloirs. À partir du moment où on laisse centrer et où on est mal positionné dans l'axe, obligatoirement on est puni."
Car effectivement, si la doublette Briançon - Nadé a pris l'eau dans l'axe, Dennis Appiah a lui aussi énormément souffert (8 duels gagnés sur 16, 16 pertes de balles) dans son couloir droit face à la vitesse et la justesse technique d'Ado Onaiwu. Dépassé sur les deux premiers buts, le défenseur arrivé l'hiver dernier en provenance de Nantes reconnait sa responsabilité : "Sur l'ouverture du score, je suis au duel mais il me mange et sur le deuxième, je suis un peu en retard."
Étienne Green, lui, n'a pas été aidé pour son 3ème match dans les cages de l'ASSE cette saison. Totalement laissé pour compte, il n'a pas pu faire grand-chose sur les buts auxerrois hormis sur le deuxième.
Mais il est impossible de totalement comprendre les raisons de ce naufrage défensif sans également analyser le combat perdu au milieu de terrain. Benjamin Bouchouari n'était pas dans un grand soir, constamment pressé, il n'a jamais réussi à faire jouer de sa vision de jeu et de sa vivacité pour sortir de bons ballons. Sa nervosité lui a valu un nouveau carton jaune, son 5ème de la saison déjà, et il pourrait lui coûter cher. À côté de lui, Florian Taridieu a lui aussi joué toute la rencontre à l'envers, à contretemps et jamais capable d'imposer son jeu et son rythme. Enfin, Lamine Fomba a livré une performance paradoxale, comme souvent. C'est lui qui trouve le poteau auxerrois juste après l'ouverture du score. Pour le reste, Lamine Fomba n'a aucunement influé sur le milieu de terrain et s'est fait éteindre toute la rencontre.
Ces 5 buts encaissés par l'ASSE sont durs à avaler. Très durs, et ils occultent assez logiquement les deux buts inscrits dans la rencontre et les deux poteaux trouvés, qui sont néanmoins la preuve que les stéphanois ont réussi à se procurer des occasions. Pourtant, ils n'ont pas été aidés par un Stéphane Diarra fantomatique et inoffensif, comme souvent malheureusement. Les Verts ont au moins eu le mérite de vouloir instantanément réagir après avoir concédé un but : poteau de Fomba 2 minutes après l'ouverture du score d'Onaiwu (3'), but de Cafaro (31') dix minutes après le but de Perrin (21'), poteau de Charbonnier à la 56ème... Mais après les deux buts inscrits par Cafaro puis Bentayg, les Verts se sont relâchés, se sont fait punir et ont vu tous les efforts qu'ils ont fournis pour tenter de revenir au score, être réduits à néant, par leur faute.
Laurent Batlles résumait encore une fois assez justement la chose à l'issue du match : "Il y a eu du spectacle, les gens sont contents mais moi je suis là pour gagner des matchs. Et pour ça il faudra faire autre chose". Un véritable cauchemar, une contre-performance à oublier de A à Z.
Un manque d'humilité inquiétant ?
En conférence de presse jeudi, Laurent Batlles voulait aborder ce match avec humilité. Ses mots clés étaient concentration, humilité et intensité : "Il faudra être prêt dans l’intensité parce que je pense qu’ils vont nous imposer quelque chose. À nous d’être performant défensivement et de jouer avec nos qualités offensives pour leur faire mal aussi. Ça n’est jamais facile d’aller gagner là-bas. On va essayer d’arriver là-bas avec beaucoup d’humilité mais beaucoup d’envie parce que nous on veut avancer dans ce championnat et prendre des points."
Force est de constater qu'aucun de ces engagements n'a été tenu. Bien au contraire, et cela a déclenché une colère froide du coach de l'ASSE à l'issue de la rencontre : « Je pense que je ne vais pas parler aux joueurs ce soir. Parce qu’au vu de ce que j’ai vu notamment dans l’intensité et dans les duels contre cette équipe-là, je préfère attendre un petit peu. Parce qu’à chaud je pense qu’il y a des choses qui seront un peu dur pour eux. Il y a des choses qu’on ne peut pas se permettre à ce niveau-là. On va en parler tranquillement entre nous. Quand on veut prétendre monter, quand on veut prétendre jouer le haut du tableau, on ne peut pas venir et défendre comme on a défendu.»
Ce qui inquiète également, c'est l'attitude des joueurs sur le terrain, et ça, tout le monde l'a remarqué. Dont Patrick Guillou qui déclare dans les colonnes du Progrès : "Les Verts ont subi les foudres auxerroises sans aucune volonté de résistance. Désorientés, sans peps et sans structure, les Verts ont sombré. Aucune cohérence, pas de dynamisme, pas d’efforts violents. Aucune présence dans les duels, aucune notion de bloc, aucun impact et aucune énergie positive. A noter le manque de personnalité dans les moments difficiles. Peut-être a t’on donné les clefs du leadership à des faux leaders? Il est grand temps de retrouver de l’humilité à tous les étages dans notre club."
Laurent Batlles a lui également taclé le manque d'envie de ses joueurs : "On ne peut pas faire un gros travail pour avoir des résultats et venir ici disputer un match amical. Je ne suis pas là pour ça."
Des certitudes volées en éclat et de lourdes conséquences ?
Au-delà de cette défense qui n'a eu finalement des conséquences que très relative au classement (l'ASSE glisse de la 3ème à la 5ème place), l'inquiétude est de mise après cette performance. Non seulement parce que les deux absents majeurs de la rencontre le seront également lors des prochains matchs (Batubinsika absent encore 3 ou 4 matchs, Larsonneur jusqu'à fin janvier) mais également parce que la trêve internationale s'ouvre et que Laurent Batlles va perdre plusieurs éléments essentiels (Sissoko, Bouchouari, Moueffek).
Un déplacement périlleux à Bourg-en-Bresse se profile dès ce samedi en Coupe de France, et une contre performance face à une équipe de National 2, pourrait plonger inéluctablement l'ASSE dans un nouvelle crise sportive. Car oui, on le sait, à Sainté, tout va plus vite dans un sens comme dans l'autre, que dans un autre club.
Si la situation comptable n'urge pas encore dans l'objectif d'une lutte pour la montée à la fin de la saison, Laurent Batlles va devoir rapidement trouver des solutions. Pour palier à cette fébrilité défensive inquiétante depuis 2 matchs, pour redonner confiance à tout son groupe, pour retrouver un semblant de solidité et de structure dans ce bloc-équipe qui lui est cher. Après la parenthèse Coupe de France, les Verts enchaineront une série de 5 matchs de Ligue 2 jusqu'à la trêve hivernale : Pau, Amiens, Guingamp, Bordeaux et Bastia. Aux Verts de bien l'appréhender pour ne pas se laisser distancer.
