Après un tiers de saison, un premier bilan peut déjà être dressé. Sportivement, l'ASSE est poussive et ne se dépêtre pas du bas de classement qu'elle occupe désormais depuis de trop nombreuses saisons. La ligue 2 n'a pas réglé le problème et la question des choix effectués lors des derniers mercatos revient à la surface... Nous tentons ici quelques explications de nature à expliquer pourquoi les Verts ne parviennent pas à recruter aussi malin que la concurrence...
C'est un fait, les Verts vont mal. Laissons de côté la gouvernance du club et intéressons-nous au sportif, et plus particulièrement à la stratégie de recrutement de l'ASSE depuis ces dernières saisons.
L'ASSE possède une particularité qui pourrait ravir nos politiques actuels puisqu'elle fait, depuis de nombreuses années, la part belle au "made in France"pour ce qui est des choix opérés lors des fenêtres de transfert. Rien de scandaleux dans la mesure où il serait faux de penser qu'on forme mieux ailleurs et que les joueurs sont toujours plus performants parce provenant de l'étranger. On l'a vu avec Gabriel Silva par exemple. Être Brésilien n'est pas gage de sombreros et technique au-dessus de la moyenne. Il faut dire que l'on en attendait pas tant du latéral arrivé d'Udinese (Italie) en 2017 pour 2.5 millions d'euros. Force est de constater que cet achat, opéré dans un championnat exposé, fut un flop...
32 millions d'euros dépensés sur des "coups" depuis 10 ans !
L'ASSE a tenté d'autres coups à l'étranger au cours de ces dernières années. En remontant les mercatos opérés par le club depuis 10 ans, on recense Andreas Laudrup (Nordsjaelland, arrivé en 2012, prêt), Ibrahim Sissoko (Wolfsburg, 2013, prêt de 0.1 M€), van Wolfswinkel (Norwich, 2014, prêt), Alexander Söderlund (Rosenborg, 2015, 2 M€), Ole Selnaes (Rosenborg, 2015, 3.2 M€), Robert Beric (Rapid Vienne, 2015, 7.5 M€), Tannane (Almelo, 2015, 2.5 M€), Léo Lacroix (Sion, 2016, 3 M€), Hernani (St-Petersbourg, 2017, prêt), Jorginho (Arouca, 2017, 1 M€), Janko (Celtic Glasgow, 2017, ? M€), Katranis (Atromitos Athène, 2017, 0.8 M€), Gabriel Silva (Udinese, 2017, 2.5 M€), Dioussé (Empoli, 2017, 5 M€), Trauco (Flamengo, 2019, 1 M€), Palencia (Barcelone, 2019, 2 M€), Retsos (Leverkusen, 2020, prêt), Fall (Guédiawaye, 2020, libre), Neyou (Braga, 2020, 0.4 M€), Cissé (Olympiakos, prêt 0.7 M€), Crivelli (Basakeshir, 2021, prêt), Ramirez (Liverpool (uru), 2021, 0.3 M€) et enfin Sacko (Guimaraes, 2021, 0.3 M€).
Ce sont ainsi plus de 32 millions d'euros qui ont été dépensés depuis 2012 pour faire venir ce que nous appellerons des "coups", c'est à dire des joueurs ayant fait l'objet de plus ou moins d'attention de la part de la cellule de recrutement de l'ASSE, mais surtout dont la réussite au club n'était pas garantie. Parmi eux, van Wolfswinkel, Ole Selnaes, Robert Beric, Neyou, Cissé et Sacko font office de bons coups, même si pour Sacko, précieux sportivement, les absences pour blessure ont plombé son passage au club. Ce sont donc 12.1 M€ qui ont été investis à "bon escient" sur des joueurs plus ou moins connus. Parmis eux, combien de non francophones ? Van Wolfswinkel, Selnaes et Beric... Soit trois joueurs en 20 mercatos.
Depuis 2012, l'ASSE a dépensé 109.35 millions d'euros sur le marché des transferts selon les données de transfermarkt. Un peu plus d'un quart de cette somme a été utilisée pour faire venir des joueurs offrant moins de garanties sportives qu'un autre dont le nom, la ligue, les performances sont connues et reconnues. Toutefois, sur les 78 millions d'euros dépensés pour acheter des joueurs aux parcours plus rassurants, combien ont réellement donné satisfaction ? Nous pouvons évaluer à 37.5 M€ la somme dépensée depuis 10 ans pour l'achat de joueurs reconnus en France et ayant apporté une réelle plus-value sportive. Soit la moitié des sommes investies. Ce montant est à nuancer en fonction des performances de certains joueurs comme Kolodziejczak ou Khazri qui, ont connu des périodes fastes comme creuses...
Une cellule stéphanoise concentrée sur le marché francophone ?
Recruter n'est pas une science exacte, pourtant, un travail de scouting bien effectué en amont préserve au maximum des mauvaises suprises. L'ASSE est-elle plus mauvaise que ses concurrents dans ce travail de scoutisme ? Ce n'est pas certain... Il semblerait que des noms de joueurs ayant percé ailleurs soient bien arrivés sur le bureau des décideurs. Alors pourquoi avoir opté pour des choix qui semblent, vu de l'extérieur, globalement francophones ?
Depuis 10 ans, seuls Laudrup, van Wolfswinkel, Söderlund, Selnaes, Beric, Tannane, Hernani, Jorginho, Janko, Katranis, Gabriel Silva, Trauco, Palencia, Retsos et Ramirez n'étaient pas francophones à leur arrivée. Peu ont réussi, certes, mais se conjugue à des choix pas toujours heureux une volonté de ne pas recruter des joueurs provenant de cultures footballistiques trop éloignées de la France. Pourquoi, dans la mesure où cette stratégie ne prémunit pas d'erreurs de casting ? D'autant moins compréhensible que le coût d'acquisition de joueurs issus de championnats secondaires ou éloignés de l'Europe est bien souvent inférieur à ce qui se pratique dans le big 5.
Cette saison, seul Wadji et Bouchouari font office de "coup" s'agissant du mercato stéphanois. Les deux sont francophones. Le reste du recrutement a été largement franco-français. Il s'est même concentré sur des profils connus de Laurent Batlles qui a pioché parmis des joueurs qu'il avait déjà eu sous ses ordres. Pour quel bilan ? Difficile d'y voir clair à ce jour. Le contexte stéphanois doit rendre prudent. Entre les 3 points de pénalité qui ont plombé le début de saison, les annonces de vente du club qui, à n'en pas douter, perturbent staff et joueurs, les huis-clos, les stigmates de la descente en Ligue 2, beaucoup d'élément de contexte poussent à nuancer. Toutefois, si le recrutement est plus ou moins rassurant sur le papier, il n'est pas concluant sportivement.
Laurent Batlles a dès le départ annoncé qu'il souhaitait s'appuyer sur un système utilisant des latéraux offensifs. Bilan : aucun joueur possédant ce profil n'a été recruté ! Il faut donc compter sur Sergi Palencia (de retour de prêt d'Espagne), Yvann Maçon et Gabriel Silva pour occuper ces postes, auxquels se sont ajoutés Namri (issu de la réserve), Pintor, Cafaro ou Aiki...
Un gardien était également souhaité pour épauler Etienne Green. Il a fallu attendre que la porte s'ouvre pour Dreyer, sur le tard, pour qu'une doublure soit associée au jeune gardien stéphanois.
La crainte de faire venir des joueurs issus de championnats "exotiques" ?
Des solutions hors de France, dans des pays moins exposés, n'existent-elles pas ? Les scouts remontant des fiches de joueurs ne signalent-ils pas des profils permettant d'anticiper nos mercatos et ne plus subir dans ce qui finit par devenir une habitude à St-Etienne, à savoir la famuese période de "panic buy" des 72 dernières heures du marché des transferts...
Aujourd'hui, Loïc Perrin peut s'appuyer sur Ilan et Anthony Gillot. Ce dernier, recruté sous l'ère Paquet, semble se concentrer sur le Nord de la France. il est assez difficile de savoir quelles sont les prérogatives des uns et des autres. Il faut rajouter à cela le soutien de Gérard Batlles qui a glissé quelques noms à Loïc Perrin et son fils durant l'été. Ainsi, Benjamin Bouchouari est arrivé suite à ses recommandations, mais d'autres également... La cellule a toutefois souffert des départs de Julien Cordonnier et romain Barq sans que ces derniers ne soient officiellement remplacés. Le maillage, qu'il soit national ou international, n'en est-il pas plus difficile à assurer ? Cet été, c'est Loïc Perrin et Samuel Rustem qui se sont notamment déplacés à l'étranger pour superviser Ibrahima Wadji. Toutefois et selon nos informations, "deux ou trois autres personnes" vont bientôt venir renforcer la cellule.
Difficile dans ces conditions de se lancer dans l'analyse de la data comme l'a fait le Toulouse FC il y a deux saisons, sauf à sous-traiter cette partie de l'observation à des société spécialisées dans le data-scouting. L'analyse des statistiques fait aujourd'hui partie intégrante de ce vers quoi doivent s'orienter les cellules. L'ASSE semble souffrir d'un certain retard à ce niveau-là même si nous savons que le club intègre dorénavant cette analyse au sein de sa cellule performance. Si trois personnes peuvent être suffisantes pour assurer une observation suffisamment large, elles doivent absolument s'appuyer sur un réseau leur permettant de mailler au national et à l'international. Nouveau dans le métier, Loïc Perrin ne possède pas encore ce réseau. La question reste posée pour ilan et Gillot.
Attirer des joueurs aux profils intéressants mais provenant de championnats dits plus "exotiques" nécessite par ailleurs un accueil qui permette leur intégration rapide. L'ASSE met certainement à disposition des joueurs étrangers des professeurs de français, ce qui semble une condition indispensable à leur bonne intégration sportive et sociale. La femme de Ramirez en témoignait il y a peu. "La langue est difficile pour lui. Pour tout ce qui touchait au jeu, tout était expliqué en français et il ne comprenait pas très bien les tâches et les instructions. Mais il étudie aussi et maintenant nous connaissons les bases. Il a également des cours spéciaux axés sur le football : pour lui apprendre des termes comme "passe-là", "second ballon", etc... », confiait-elle à l'époque dans une interview accordée à El Pais. Cela ne s'arrête pas là. Un personnel doit également accompagner le joueur dans toutes ses démarches quotidiennes afin qu'il n'ait qu'à se focaliser sur ses performances sportives. des prestations en théorie assurées par les clubs professionnels.
Dans d'autres clubs, qu'on ne pensait pas concurrents il y a encore quelques saisons, ont su oser des recrutements judicieux et gagnants. Le scouting a permis d'identifier des joueurs avant qu'ils ne soient trop mis en lumière. Aujourd'hui, ils font les beaux jours de ces clubs : Ouattara (Lorient) acheté au Burkina Faso et qui est aujourd'hui évalué à 7 millions d'euros. Van den Boomen (Toulouse), venu des Pays-Bas pour 350 000 euros et valant 7 millions aujourd'hui. Ratao (Toulouse) qui s'est déjà valorisé depuis son arrivée en provenance de Bratislava ou Aboukhal, toujours à Toulouse, Aboukhlala dont le prix a déjà doublé après avoir été recruté à l'AZ Alkmaar. Enfin, autre exemple, Balogun qui n'est certes que prêté par Arsenal, mais qui prend une importance qui fait augmenter sa cote du côté de Reims.
L'ASSE doit pouvoir attirer ces joueurs. Une changement de philosophie ne doit-il pas s'opérer ? Il ne s'agit pas de ne faire que des coups, mais force est de constater que l'ADN de l'ASSE doit revenir à valoriser son centre de formation mais également dénicher des joueurs peu connus. Quand on n'a pas d'argent il faut avoir des idées et se donner les moyens. C'est en tout cas ce à quoi est condamné l'ASSE à moyen terme...